Le Monk, célèbre café du centre de Bruxelles, doit fermer: “les contrats de brasserie donnent trop de pouvoir aux gros joueurs du secteur”
HLS, propriétaire du Monk, refuse de prolonger le bail qui le lie à Filip Jans, exploitant. La raison : des travaux dans l’emblématique café du quartier Sainte-Catherine. Dégoûté, l’exploitant dénonce les déséquilibres des contrats de brasserie. Et prévoit une dernière fête.
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- Publié le 25-04-2023 à 11h16
- Mis à jour le 25-04-2023 à 18h42
Séisme dans l’horeca bruxellois : l’exploitant du Monk, café très populaire de la rue Sainte-Catherine, annonce ce 25 avril 2023 qu’il est “mis à la porte” de l’établissement. “J’ai reçu un recommandé le 18 avril. Le 18 mai, je suis dehors”, se lamente Filip Jans, à la tête de l’iconique brasserie du centre de Bruxelles. “Le grossiste en boissons Horeca Logistic Services (HLS), propriétaire du lieu, refuse de prolonger le bail. Je dois partir sans aucun dédommagement”. 27 personnes perdront leur emploi suite à cette fermeture.
Filip Jans gère le Monk depuis 10 ans. Il reprend l’endroit après faillite. Le gestionnaire s’acquitte alors de 120.000€ de pas-de-porte et investit 150.000€ dans les murs, “comme convenu avec le propriétaire, pour rafraichir le bâtiment. Je le fais alors avec grand plaisir car je pensais m’installer pour 27 ans”. Soit la durée habituelle des baux de brasserie, de 9 ans renouvelables. C’est donc après le premier tiers de cette durée escomptée que le couperet tombe. Officiellement : le propriétaire va effectuer des travaux de démolition-reconstruction d’une valeur “supérieure à 3 ans de loyer”.
L'objectif réel est de capter un plus gros loyer mensuel tout en imposant un nouveau pas-de-porte de plusieurs centaines de milliers d'euros.
Mais pour Filip Jans, aucun doute, le chantier n’est qu’une excuse : “l’objectif réel est de capter un plus gros loyer mensuel tout en imposant un nouveau pas-de-porte de plusieurs centaines de milliers d’euros au prochain exploitant. Ils récupéreront aussi mes propres investissements”. Le loyer du fameux bruincafé est “dans les normes du quartier”, soit un lieu touristique avec un passage énorme entre Bourse et quais. En plus, c’est habituel dans les contrats de brasserie, HLS imposait aussi la présence de ses bières et autres produits à la carte “sans que je puisse décider des tarifs, plusieurs fois augmentés”. Autre source de revenus du propriétaire : “Ils empochent les commissions promises aux marques alors que moi, je ne reçois rien”.
”Liberté sans limite”
Aux yeux du cafetier, les contrats de brasserie “offrent tous les éléments aux brasseries et négociants horeca face aux exploitants. La rentabilité de ces contrats est immense et la liberté des bailleurs est sans limite”. En médiatisant sa mésaventure, Filip Jans veut aussi mettre le doigt sur ces dysfonctionnements. “Il y a plus de 2.000 procédures annuelles en Belgique qui dénoncent les contrats de brasserie, qui engendrent beaucoup de discussions”. Le tenancier du Monk lui-même a plusieurs fois fait état de sa situation en justice : “j’ai dénoncé les rénovations à ma charge, le payement à 100 % durant le covid en dehors de toute réalité, les prix d’achat unilatéraux des marchandises, et bien sûr cette possibilité de nous mettre dehors sans dédommagement”. Lors de ces procédures, “le juge de paix de Bruges a lui-même reconnu qu’il faut retravailler les textes de loi tant les gros joueurs du secteur ont du pouvoir”.
Le juge de paix a lui-même reconnu qu'il faut retravailler les textes de loi tant les gros joueurs du secteur ont du pouvoir".
D’ici le 18 mai, Filip Jans prévoit une dernière fête “pour remercier tout le monde, clientèle, artistes, DJ et personnel”. Elle est prévue le samedi 13 mai, pour souffler 10 bougies sur un gâteau au goût bien plus amer que la plus amère des bières. “Après ça, je vais récupérer de toute l’énergie que j’ai mise pour sauvegarder l’endroit. On a quand même été pris de vitesse et on ne retrouvera pas un lieu en un mois”, sait l’exploitant. “Mais le but, c’est de relancer quelque chose ailleurs, oui”. Il vous reste donc trois semaines pour déguster un dernier spaghetti rue Sainte-Catherine et rendre justice au plat emblématique du Monk.
Contacté, Horeca Logistic Services se refuse à tout commentaire “à propos d’un dossier très confidentiel”. L’entreprise est l’importateur belge de Carlsberg. HLS livre “partout en Belgique” depuis 3 dépôts et effectue 300 livraisons quotidiennes à bord de plus de 40 camions. Son parc immobilier comporte des dizaines de cafés et brasseries. À Bruxelles, HLS possède notamment la halle alimentaire Wolf, dans l’ancienne banque de la rue Fossé au Loup.