L’horrible boulot de Vinciane (31ans): elle analyse des centaines d’images pédophiles pour que la police les supprime du Web (vidéo)
Nous avons suivi une équipe d’analystes de Child Focus qui visionne et traite les signalements d’images d’abus sexuels d’enfants sur Internet. Ils travaillent en binôme, pour se préserver, mais aussi pour rendre leur travail efficace. Immersion dans ce local ultra-sécurisé.
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- Publié le 04-05-2022 à 12h12
- Mis à jour le 05-05-2022 à 11h31

Ils sont deux.Un homme et une femme. Derrière cette porte sécurisée située dans les locaux bruxellois de Child Focus, la Fondation pour enfants disparus et sexuellement exploités, la concentration est de mise.
Les analystes de la "grotte", le lieu où sont gérés les signalements d’images d’abus sexuels d’enfants, sont scotchés derrière leurs écrans, dans un tout petit espace dépourvu de la moindre fenêtre. Leur mission: visionner par deux, pendant deux heures, à raison de deux fois par semaine, des images de mineurs potentiellement abusés. Ils jugent de l’illégalité ou non des images pour éventuellement donner suite à un signalement.
Chez Child Focus, l’équipe d’analystes qui visionne et traite ce type d’images compte une petite dizaine de volontaires. Ils travaillent en équipe, en binôme, pour se préserver, mais aussi pour rendre leur travail efficace. Nous avons rencontré Vinciane (31 ans), qui travaille comme employée au sein de la Fondation depuis plus d’un an et demi, mais qui exerce parallèlement comme analyste depuis six mois.Concrètement, Vinciane et ses collègues de la "grotte" ont été formés par Interpol, notamment. Ils ont reçu une formation pour pouvoir utiliser les divers outils, et pour pouvoir définir quel contenu signalé est illégal.
"On a un point de contact civil qui est un site Internet intitulé stopchildporno.be sur lequel les citoyens lambda peuvent signaler des images, des sites Internet qui contiennent du contenu illégal, c’est-à-dire des images d’abus sexuels d’enfants", nous explique Vinciane. "Dans ce cadre-là, mon travail consiste à analyser ces images, voir si elles sont effectivement illégales ou non, et si c’est le cas à regarder où elles sont hébergées.En fonction, on renvoie le contenu vers les autorités compétentes qui pourront faire le nécessaire pour faire supprimer ces images du Web." En Belgique, il s’agit de la section i2-IRU (Internet Referral Unit) de la police fédérale. Elle bloque immédiatement le site Web ou d’autres canaux et met les images hors ligne, en coopération avec des fournisseurs et d’autres plateformes Web.
Depuis juin 2021, les analystes travaillent avec l’intelligence artificielle (le projet Arachnid). Un logiciel qui scanne des dizaines de milliers d’images par seconde potentiellement problématiques. Les images aboutissent dans le "Arachnid Orb", où elles sont analysées à travers le monde entier par des associations comme Child Focus.

"Il est clair qu’il y a des images d’abus sexuels sur mineurs, même si tout le contenu qu’on nous signale n’est pas nécessairement illégal. Il y a parfois des images choquantes, mais qui relèvent de la pornographie et non de la pédopornographie.Sur base de notre expertise, on estime parfois que l’âge des personnes visibles sur ces photos se situe au-delà de la majorité."
Vinciane se dit consciente d’être confrontée aux pires atrocités en visionnant les images signalées."Oui, c’est un métier difficile", reconnaît-elle."C’est néanmoins quelque chose de très encadré, avec des règles à respecter. Après avoir analysé des images, on doit se détendre pendant quinze minutes et notamment jouer à Tetris.Un jeu qui requiert une concentration qui fait qu’on ne peut pas penser à autre chose. Y jouer empêche les images de se fixer durablement dans la mémoire.Avec tout l’encadrement qu’on a, les images sont oubliées quand je quitte mon lieu de travail."
Un suivi psychologique lui est prodigué tous les trois mois."Dès que ça ne va pas, on doit le dire. On peut prendre du recul pendant un moment le temps que ça aille mieux", voire arrêter définitivement de travailler sur ces images. "Il est très important de connaître ses limites", précise Vinciane, qui ne sait estimer le nombre d’images qu’elle consulte pendant deux heures. Tant elles sont nombreuses.
Son job, elle le décrit comme "gratifiant", puisqu’il aide les victimes à voir leurs photos disparaître du Web.