Thomas Rodrigues Pereira: "J’ai remis le football au centre des priorités"
Thomas Rodrigues Pereira est le président de l’école des jeunes de l’Union Saint-Gilloise. Il arrive au bon moment pour relancer la machine.
Publié le 01-03-2022 à 06h49
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À l’Union Saint-Gilloise, il y a l’équipe première qui ne cesse de briller. En Belgique, le nom de ce club est sur toutes les lèvres depuis presque deux ans maintenant. Et les Unionistes feront tout pour remporter le sacre qu’ils méritent en fin de championnat. Derrière cette équipe première, il y a une école de 500 jeunes, avec des gamins qui tentent peu à peu de sortir de l’ombre. Mais la tâche n’est pas simple, notamment en raison du passé et des infrastructures.
Thomas Rodrigues Pereira, nommé président voici quelques mois, met tout en œuvre pour que ces jeunes soient fiers de porter le blason unioniste. Rencontre avec un homme posé, aux idées bien précises.
Monsieur Rodrigues, comment êtes-vous arrivé à l’Union?
J’ai eu un contact téléphonique avec Philippe Bormans (NDLR: CEO de l’Union), qui m’a proposé ce rôle. Il voulait remettre une structure en place, avec un fil conducteur et qu’on ait des idées sur les moyen et long termes. J’ai trouvé cela intéressant au point de vue personnel et professionnel, alors j’ai pesé le pour et le contre. J’avais émis la condition de pouvoir venir avec un trésorier fort. Il est pointilleux sur tout ce qui est financier et c’était nécessaire à l’Union.
Qu’est-ce que l’Union représente pour vous?
Mon grand-père a joué à l’Union. Ça représente tout ce que j’aime. Ce qui m’a attiré, c’est le fait de vouloir toujours mettre l’humain au centre du projet, que ce soit chez les jeunes ou en équipe A. Cela fait 10 ans que je travaille à l’ACFF et que je me développe. Passer de l’autre côté de la barrière me permet de me rendre compte de la réalité de la vie au sein d’un club. L’Union est le juste milieu. J’apprends énormément, ça me manquait au niveau professionnel.
Auriez-vous accepté de travailler dans un autre club?
Honnêtement, oui. Je suis un homme de projets. Il faut que ce soit conciliable au niveau privé et professionnel.
Ça représente combien d’heures de travail par semaine le boulot de président des jeunes de l’Union?
Je m’étais engagé pour une journée de travail par semaine, en soirée. Finalement, ce sont mes soirées et mes week-ends qui sont bien remplis.
Vous parliez de l’ACFF, dont vous êtes le manager des opérations. Est-ce qu’ici vous appliquez une certaine théorie?
Tout à fait. Un simple exemple: à l’Union, on a fait une demande de label ACFF pour, notamment, avoir accès aux compétitions Iris. Je me rends compte de ce qu’on demande au club. Je comprends la plus-value mais aussi les contraintes.
Vos deux boulots sont-ils réellement compatibles?
Je distingue bien les deux. C’est mon éthique qui permet cela. J’en ai parlé à David Delferière (NDLR: le président de l’ACFF) et Daniel Boccar (NDLR: le secrétaire de l’ACFF) pour avoir leur feu vert. Il n’y a aucun conflit d’intérêts. Je reste bien loin de tout cela. Quand je suis à l’Union, je suis à l’Union. Quand je suis à la fédération, je suis à la fédération. Je fais la part des choses mais j’avoue que je me rends mieux compte de l’impact que peut avoir une décision sur un club mais aussi de ce qui peut être intéressant à mettre en place. C’est une aide dans les deux sens.
Pour vous, l’école des jeunes de l’Union, c’est une étape avant de continuer à grandir sur le plan personnel?
Pourquoi pas? Comme m’a souvent dit mon père: dans la vie, il faut toujours être à l’écoute de ce que l’on nous dit. Cela ne signifie pas que l’on dira oui. Maintenant, je me sens très bien à l’Union et je veux ficeler ce projet pour relancer pleinement cette école des jeunes. La suite, nous verrons, en fonction de la fédération aussi.
Il faut le dire: c’est le moment ou jamais de relancer cette école des jeunes dont l’image n’a pas toujours été des plus glorieuses…
C’est le moment idéal. On est en train de mettre une équipe assez qualitative en place, avec des gens compétents, qui ont un passé. Le défi est grand mais il est clair que les résultats de l’équipe première ont un impact positif. J’ai vu récemment les U6, U7 et U8. Il y a du talent. La présence ou non en Coupe d’Europe jouera un rôle au niveau des U21 par exemple. J’ai utilisé le passé au départ pour en faire une force. L’ancien directeur sportif, Joël Crahay, avait donné une interview dans laquelle il disait que l’équipe première de l’Union était l’arbre qui cachait non pas la forêt mais plutôt le marécage. J’ai montré directement cet article à mes équipes pour leur prouver que via le plan d’action que l’on met en place, on va atteindre l’objectif qui est de créer une école des jeunes performante et structurée comme il se doit. On veut permettre aux jeunes talents bruxellois d’éclore à l’Union, en créant un sentiment d’appartenance et un réel esprit Saint-Gilles, et qu’ils ne doivent pas aller jouer à 100 km de Bruxelles. Nous nous battrons avec nos armes.
La situation des jeunes de l’Union à votre arrivée était celle que vous attendiez ou le marécage était-il encore plus boueux?
Bonne question, c’est compliqué. Pour être honnête, j’ai fait face à des situations inattendues. Il y a des éléments complexes à mettre en place car il y avait certaines mauvaises habitudes. Par contre, le fait d’avoir des personnes compétentes dans le club fait que je me rends compte que le défi est tout à fait à ma portée. Ceux qui sont là veulent faire avancer le projet et le club mais c’est le moment de s’y mettre.
Quel est justement le handicap de cette école des jeunes?
L’Union est restée un club amateur pendant de nombreuses années, avec toutes les conséquences que ça implique au niveau de la gestion. Les statuts, par exemple, n’étaient plus mis à jour depuis longtemps. Il a aussi fallu remettre le football au centre des priorités.
Il y a aussi la gestion des infrastructures qui est compliquée avec plusieurs sites…
En effet. Il y en a un situé à Uccle. L’autre est à Anderlecht et compte trois terrains synthétiques ainsi qu’une petite salle de musculation. Les plus petits s’entraînent au Fit Five de Forest. Nous cherchons des solutions avec la commune pour tout regrouper sur un seul site. Tout notre staff administratif et notre école de devoirs se trouvent au Bens, à Uccle, où seulement 20% de nos affiliés jouent.
Quels sont les objectifs à court, moyen et long terme?
Il y en a plusieurs. Notre plan d’action est mis en place avec dix points précis dont le principal reste, pour moi, les infrastructures. Il y a aussi la communication entre les différents acteurs, via un organigramme clair, pour qu’il y ait un partage de connaissances. Le département technique se réunit d’ailleurs une fois par mois. La communication doit aussi être positive avec les organismes extérieurs. Chacun doit être bien au courant de son rôle pour que les jeunes soient dans des conditions idéales. Cela passe par l’amélioration des infrastructures et du matériel à disposition. Sans oublier que nous avons une vocation sportive mais aussi sociale avec l’Iris. Enfin, on crée une procédure claire au niveau de la gestion. Avant, les parents venaient à toute heure au secrétariat, il faut des horaires clairs. Un process leur sera communiqué prochainement car nous voulons aussi, par exemple, qu’un enfant puisse quitter le club si l’évaluation sportive n’est pas bonne, sans devoir apporter de justifications à la commune ou à d’autres acteurs comme auparavant. Le respect des impositions de la fédération pour le label élite et ACFF et la création d’une referee academy sont en voie de développement. Nous voulons utiliser la force du football à des fins positives comme avoir une école des devoirs, sensibiliser au fair-play, prôner la diversité et l’inclusion. À Saint-Gilles, c’est important.
Il y a du pain sur la planche… Quelles sont les priorités?
La structuration au niveau sportif avec une vision commune de la formation est le point le plus important. Vient ensuite la clarification des processus administratifs pour les staffs, les parents et les joueurs. La troisième priorité est d’être un club élite en maintenant des valeurs sociales fortes et cohérentes. On s’engage par exemple à garder notre section Iris dans le futur.
Beaucoup de clubs veulent ramener le foot à sa base: papa et maman amènent leur enfant et restent pour voir l’entraînement en passant par la buvette. Est-ce aussi un objectif?
On veut que tous les jeunes se sentent bien dans le club, quelle que soit la vie à la maison. On insiste sur l’humain. Nous ne voulons pas spécialement que les parents soient toujours derrière.