Les Ukrainiens, peu soutenus militairement par les 27, se préparent à un conflit majeur
L'aide militaire des 27 s'avère timide tandis que tous les voyants sont au rouge. La Belgique ne fait pas exception.
Publié le 23-02-2022 à 20h50
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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, ancien humoriste reconverti en chef d'État au calme olympien, a bien dû s'y résoudre : il est de plus en plus à craindre que le conflit avec la Russie dépasse les frontières du Donbass, cette région de l'est du pays où se nichent les deux républiques séparatistes prorusses, reconnues en début de semaine par le Président russe Vladimir Poutine. Ce dernier a de nouveau menacé explicitement de s'en prendre à l'entièreté du pays mardi, suggérant qu'une "démilitarisation" (par la Russie) de l'Ukraine n'était pas exclue si le pays ne renonçait pas à son désir de rejoindre l'OTAN.
État d’urgence en vue
L’inquiétude est telle que, ce mercredi, les Ukrainiens résidents en Russie, environ trois millions de personnes selon les autorités ukrainiennes, étaient invités à quitter le pays, alors qu’une partie des réservistes étaient appelés en renfort de l’armée régulière (200 000 soldats).
À Kiev, alors qu'il recevait ses homologues polonais et lituanien, le président ukrainien Zelensky a réclamé de la part de Moscou des "garanties" de sécurité, que le Kremlin semble très loin d'être prêt à donner, malgré les sanctions économiques européennes (lire ci-contre) et américaines décidées hier. Moscou a en retour promis une riposte "forte" et "douloureuse" : les mêmes mots usités la veille, par les dirigeants européens, avant d'annoncer leurs sanctions.
Des sanctions, et alors ?
Reste que les mesures économiques, si sévères soient-elles, ne semblent pas faire peur au maître du Kremlin. Son ambassadeur en Suède avait donné le ton voilà quelques jours : "Rien à foutre des sanctions", avait-il lancé en réponse aux menaces de mesures économiques drastiques prévues en cas d'invasion de l'Ukraine.
Une invasion totale qui n'a, depuis quelques jours, plus rien d'une "hystérie occidentale", pour reprendre les mots du Kremlin.
Militairement parlant, la Russie peut compter sur une armée bien plus imposante que celle de l’Ukraine : les troupes russes comptent pratiquement trois millions de soldats dont près d’un million sont actifs, plus de 1500 avions de chasse, un demi-millier d’hélicoptères, plus de 12 000 tanks et quelque 30 000 véhicules blindés.
Sur le papier, l’Ukraine ne fait pas le poids : certes, théoriquement, le pays compterait un peu moins d’un million de soldats en comptant les réservistes. Pour le reste, on parle d’un peu moins de 100 avions de chasse, une trentaine d’hélicoptères, un peu plus de 2500 tanks et environ 12 000 véhicules blindés.
Ces derniers mois, le pays a toutefois bénéficié d’un afflux d’armes et munitions provenant essentiellement des États-Unis et de la Grande Bretagne, qui ont envoyé pour des milliers de tonnes d’équipements et de munition aux Ukrainiens. D’autres pays, en particulier la Lituanie et la république tchèque, ont fait parvenir des moyens de défense antichars et antiaériens.
Tergiversations
En règle générale, les 27 ont été relativement timides quant à une aide militaire proprement dite, privilégiant jusqu'ici la diplomatie. La Belgique ne fait pas exception et a, comme ses partenaires européens, un peu tergiversé. Interpellée, voilà quelques jours, par l'Ukraine, pour grappiller quelques milliers casques, gilets pare-balles, mais surtout des armes et munitions, la Défense belge a botté en touche, expliquant vouloir "favoriser la diplomatie et la désescalade", avait justifié la ministre, Ludivine Dedonder (PS). À l'issue d'un conseil de Défense convoqué ce mercredi après-midi, la ministre a cette fois déclaré avoir partiellement accédé à la demande ukrainienne : "Le gouvernement a décidé de donner une suite favorable aux demandes d'appui matériel formulées par le gouvernement ukrainien", a-t-elle dit, mais d'armes et de munitions, il n'est pas question, la ministre évoquant seulement du "matériel de protection individuelle, d'orientation et d'observation", ainsi que la possibilité pour des soldats ukrainiens de venir se faire soigner à l'hôpital militaire Reine Astrid, où se trouve un service de soin pour les grands brûlés.
Le premier ministre Alexander de Croo a tenté de clarifier la position belge, qui alimente déjà l'OTAN en moyens militaires plus conséquents : "Une analyse a été faite pour voir quel matériel on peut livrer, qui serait utilisable rapidement pour quelqu'un pour qui ce matériel est nouveau. Il faut bien constater que dans l'état où on se trouve actuellement, on veut être sûrs que notre capacité de défense puisse être livrée en faveur de l'OTAN." Une façon de dire que l'Ukraine manque singulièrement de main d'œuvre pour manier ces armes réclamées à ses alliés. Et que la priorité va à l'OTAN, qui défend ses membres. Dont l'Ukraine ne fait pas partie.