Études de médecine et numéros INAMI: un concours à l’entrée, sinon ce sera la disette
Tandis que les étudiants de médecine manifestent sous les fenêtres du ministre fédéral de la Santé, la majorité francophone se fissure autour du concours d’entrée en médecine, prérequis nécessaire à l’obtention d’un plus grand nombre de numéros INAMI au Sud du pays. Décryptage.
Publié le 16-02-2022 à 14h33
/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/HRD7UZQD7FDHNFTI47OV2HKTYA.jpg)
Les étudiants francophones engagés dans des études de médecine ne sont pas contents et l’ont fait savoir ce mercredi midi à Frank Vandenbroucke.
Au cœur de leurs griefs, se trouve l’article 69 de la loi-programme que le ministre fédéral de la Santé souhaite soumettre rapidement au vote du Parlement. Cet article vise à verrouiller le nombre de numéros INAMI que le fédéral consentira désormais à octroyer aux différentes communautés, et donc à la Fédération Wallonie-Bruxelles: 505 et pas un de plus. À moins que la Fédération décide d’introduire un concours à l’entrée des études…
"Chantage", dénoncent la Fédération des étudiants francophones (FEF) et son président Lucas van Molle! Et ce dernier d'insister: "Ce concours, nous sommes tout à fait contre" (lire ci-dessous).
Des négociations et des balises

Cheffe de groupe MR au Parlement communautaire, Diana Nikolic ne parle pas de "chantage", elle préfère parler de "négociation". "En échange de l'introduction de ce concours, la FWB a émis une série de balises. La première est que chaque étudiant engagé actuellement dans un cursus en médecine puisse recevoir un numéro INAMI à la fin de ses études. De plus, les quotas revus doivent tenir compte de la planification de l'offre médicale. Pour cela, il est important de pouvoir disposer de données chiffrées, de sorte à pouvoir objectiver les besoins."
Si elle admet que "dans un monde idéal, il aurait fallu d'abord chiffrer les besoins avant de définir les quotas", Diana Nikolic rappelle qu'il s'agit "d'une problématique qui empoisonne la vie politique belge et francophone depuis 25 ans (NDLR: depuis 1997 et l'instauration des quotas). On a vu au fur et à mesure différentes solutions mises en œuvre, mais elles n'ont jamais donné satisfaction. Chaque année, les francophones réclament dès lors plus de numéro INAMI, ce que le fédéral accepte tout en affirmant que cela ne peut plus continuer comme ça."
Et aujourd’hui, Frank Vandenbroucke a donc décidé, via l’article 69 de sa loi-programme, de mettre fin à ces largesses fédérales au bénéfice des francophones.
Un nombre plus grand de quotas
"Le fédéral réclame un filtre à l'entrée des études, poursuit Diana Nikolic. Organiser un concours permettrait d'obtenir en échange plus de numéros INAMI (NDLR: on parle de 550, mais la Fédération en veut plus). Les négociations sont en cours et le kern de lundi (NDLR: qui a obtenu par ailleurs l'accord sur la réforme du marché du travail) a permis d'obtenir un peu plus de temps."
Il faut dire que " d'ici 2024, la Fédération Wallonie-Bruxelles aura besoin de 2000 numéros INAMI supplémentaires pour pouvoir octroyer un numéro à chaque étudiant qui se trouve actuellement dans un cursus de médecine", rappelle la cheffe de groupe.
Problème de pénurie… ou d’attractivité?
Pour les étudiants de médecine, limiter le nombre de numéros INAMI ne va tout simplement pas dans la bonne direction. D’autant plus au vu de la pénurie qui frappe certaines zones géographiques ou certaines spécialisations.

"Mais augmenter les quotas ne garantit pas de contrer la pénurie, note Diana Nikolic. Le gouvernement Michel a toujours donné ce que la FWB lui a réclamé en termes de quotas supplémentaires, allant parfois jusqu'à délivrer plus de 1 000 numéros INAMI pour une année. Pourtant, malgré cela, la pénurie reste une réalité."
Cela démontre pour la cheffe de groupe MR qu'il convient de travailler à la recherche d'autres pistes de solutions. "Afin de renforcer l'attractivité de ces zones et spécialisations où l'on manque de médecins, mais aussi du travail en hôpital. Cela relève donc aussi des Régions."
Crispations entre les francophones
Toujours est-il que sans un consensus communautaire sur le "prérequis" qui consiste en l'introduction d'un concours à l'entrée des études en médecine, les négociations entre la Fédération et le fédéral risquent de capoter.
Or, récemment, des crispations sont apparues sur ce point entre les partenaires de la majorité chez les francophones.
"Il nous resterait alors une arme, évoque Diana Nikolic. Il s'agit de la motion en conflit d'intérêts déposée par le cdH " et dont le vote a été reporté. Si celle-ci a permis in fine de réunir autour de la table Frank Vandenbroucke et Valérie Glatigny, son activation ne serait, à l'évidence, pas perçue d'un bon œil du côté du ministre fédéral. D'autant que la Flandre, elle, a déjà franchi le cap et introduit ce concours à l'entrée des études.
"Il ne faudrait pas que cela vire au conflit communautaire, souffle la cheffe de groupe MR à la FWB. Nous préférons donc poursuivre la discussion et la négociation." Reste à savoir combien de temps encore le fédéral attendra le consensus francophone avant d'imposer sa loi-programme et son fameux article 69 dont, au final, personne ne veut au Sud du pays.

Pour la FEF et le CUIM (Comité interuniversitaire des étudiants de médecine), qui ont réuni plus de 7 000 signatures grâce à leur pétition réclamant la suppression d'un numerus clausus dans les études de médecine, l'instauration de l'article 69 "va restreindre le nombre de numéros INAMI accessibles à la fin des études", ce qui représente " une politique déconnectée de la réalité" dans un contexte "de pénurie" et qui ne tient pas compte "du vieillissement de la population, du développement de maladies chronique ni de l'évolution des aspirations des jeunes médecins", dénonce Lucas van Molle.
Ce que les étudiants revendiquent
Les étudiants se montrent dès lors très clairs: ils veulent "sortir de cette politique de contingentement. Les besoins en termes de soins de santé sont mal évalués car ils reposent sur des critères d'offre et de demande qui ne sont pas pertinents". Les étudiants souhaiteraient ainsi que "l'offre en fin d'étude soit planifiée en fonction des besoins réels selon les zones géographiques et les spécialisations", un peu "comme cela se fait pour les pharmaciens et les notaires." Mais, pour Lucas van Molle, "cela doit nécessairement s'accompagner d'un refinancement des soins de santé", de sorte notamment à pouvoir "ouvrir de nouveaux postes là où les besoins" se font aujourd'hui ressentir.