Santé mentale: "Il est important d’exprimer notre mea culpa aux jeunes"
Le Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a adopté une centaine de recommandations pour améliorer le bien-être et la santé mentale des jeunes, mis à mal par la crise sanitaire. Quelles sont-elles? Comment les mettre en place? On fait le point avec le député Nicolas Janssen, à l’initiative.
Publié le 28-01-2022 à 17h00
Nicolas Janssen, vous êtes député MR au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. En mai dernier, vous demandez l’installation d’une commission conjointe (éducation, enseignement supérieur et santé) sur la santé mentale des jeunes.
Si la pandémie a mis en lumière la détresse des jeunes et l’a amplifiée, cela fait des décennies que leur mal-être va crescendo. On devait s’interroger collectivement sur la santé mentale et le bien-être des jeunes. D’autant qu’on ne parle pas de santé mentale dans la déclaration de politique communautaire.
Vous avez auditionné une vingtaine d’experts, acteurs de terrain, etc. Qu’en est-il ressorti?
On a tous été bouleversés. Notamment par la forte accélération de la détresse des jeunes. Et quand j’entends qu’il faut désormais 4 mois d’attente avant qu’un jeune soit pris en charge, on doit réagir. Tous les acteurs ont tiré la sonnette d’alarme. Un travail extraordinaire est réalisé sur le terrain mais il manque de moyens, de mises en relation des acteurs, de formations,… Les jeunes ont un immense potentiel de résilience qui ne demande qu’à être activé.
Des jeunes ont-ils été entendus lors des auditions?
Il y avait un prérequis à ce travail: les impliquer et leur donner la parole. Des jeunes de 10 à 25 ans sont venus témoigner. Trois choses sont ressorties: le besoin de sens, de lien social et de repères.
La pandémie a démarré il y a deux ans. Ce travail n’arrive-t-il pas un peu tard?
Clairement. Au début, on s’est fort préoccupé des soins intensifs et de l’impact socio-économique de la crise. Les jeunes et la santé mentale, on n’y a pas pensé. Il est vrai qu’on a observé durant les premiers mois moins de jeunes que d’habitude dans les services spécialisés, etc. Ces jeunes se sont aussi mis à l’arrêt. Or, le mal-être, il le gardait en eux et il a continué à grandir. Ce sont les 13-25 ans qui ont été les plus touchés par le confinement. Il est important d’exprimer notre mea culpa. Quand on fait des erreurs, il faut le reconnaître.
Le fruit de ces auditions, ce sont une centaine de recommandations au gouvernement. Que vont-elles changer?
Ces recommandations sont réparties en trois pôles: prévention, intervention et bien-être. Lors des auditions, l’importance de cercles de parole a été mise en avant et ils devraient être systématiques dans les écoles. Car les adolescents se construisent ensemble, en dialoguant. On recommande aussi la création d’un baromètre de la santé mentale des jeunes. Les données manquent or elles sont essentielles pour déterminer les causes, organiser des actions. Former les enseignants à détecter les jeunes en détresse, réfléchir à une meilleure utilisation de l’accueil temps libre (autour du bien-être) ou améliorer l’accès à la culture et au sport sont d’autres pistes.
Encore faut-il les traduire en mesures.
Je pense que la prise de conscience est là. D’ailleurs ces recommandations ont été votées à l’unanimité. Ce qui montre une volonté commune d’aller au-delà des clivages traditionnels tant le sujet est important et urgent. J’ai bon espoir – et nous y serons attentifs – que le gouvernement prenne les mesures indispensables.
C’est une question de moyens aussi non?
On connaît la situation financière de la Fédération Wallonie-Bruxelles (1 milliard de déficit en 2021, NDLR). Mais les solutions ne se limitent pas à de l’argent. Beaucoup de mesures peuvent être mises en place et ne coûtent presque rien, comme la formation des jeunes à la «pair-aidance» ou la promotion du numéro 103 Écoute-enfants via les journaux de classe.
La santé mentale des jeunes ne concerne pas que la FWB. Ne serait-il pas nécessaire de mener un travail transversal avec les autres niveaux de pouvoir?
Cela doit faire partie des prochaines étapes. On va relayer nos messages en conférence interministérielle. Et puis, on espère aussi par notre travail créer des déclics même si on sait que des initiatives sont prises à d’autres niveaux.