Enseignement: "Le Covid laissera des traces un moment" (chiffres)
Moins de redoublements, de réorientations vers le spécialisé, plus d’école à domicile, la crise sanitaire chamboule l’enseignement. Et laissera des traces un moment. La Fédération Wallonie-Bruxelles a présenté ce matin ses indicateurs de l’Enseignement.
Publié le 17-12-2021 à 18h30
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On le sait. L’épidémie que traverse notre pays depuis 2020 impose à l’école des conditions de travail exceptionnelles. Fermetures de classes, apprentissages hybrides, affectent la scolarité.
La Fédération Wallonie-Bruxelles a présenté ce matin ses Indicateurs de l’enseignement (lire ci-contre) avec notamment, un focus sur les conséquences de la crise sanitaire sur certains indicateurs.
À commencer par le taux de redoublants. En secondaire, il a chuté de moitié entre 2019-2020 et 2020-2021: de 13,7% à 6,2%. En primaire, si le taux de redoublants est d’environ 3% chaque année depuis 2017, il est descendu à 2,4% en 2020-2021.
"Lors de la fermeture des écoles à la fin de l'année scolaire 2019-2020, il avait été spécifié que de nouveaux apprentissages ne pouvaient pas être enseignés et que la décision du redoublement devait être concertée et prise par le conseil de classe en tenant compte de la scolarité de l'élève", justifie l'administration de l'enseignement.
Autre observation: le taux d'inscription dans l'enseignement qualifiant en 2020-2021 est "nettement plus bas" que les années précédentes. Benoît Galand, professeur en Sciences de l'éducation à l'UCLouvain y voit un lien avec la baisse du redoublement et peut-être aussi l'évolution du monde professionnel durant cette crise. "Malheureusement, on ne va dans le qualifiant pour des raisons positives aujourd'hui. On y va souvent en raison de l'échec scolaire plutôt que parce qu'on est bon en cours pratiques. Du coup, la baisse du redoublement a sans doute un impact là-dessus", note le professeur.
Les chiffres révèlent également une légère diminution de la réorientation vers l’enseignement spécialisé, qui contraste avec la tendance à la hausse observée les années antérieures.
"On est un des systèmes éducatifs en Europe qui réoriente le plus vers le spécialisé. Alors, ici, dans l'expectative, et puisque l'on sait qu'il y a eu des difficultés numériques, d'apprentissage, on laisse sans doute une chance supplémentaire à l'élève de rester dans le général", indique Benoît Galand.
Moins changé d’école
Les changements d’école furent également moins nombreux entre 2019-2020 et 2020-2021.
Ainsi, la proportion d’élèves du primaire ayant changé d’établissement entre ces deux années s’élève à 8,3% (22 185 élèves), contre 9,7% lors de la transition précédente. En secondaire, ce taux passe de 16,1% à 13,3% (37 569 élèves).
"Étant donné le lien observé entre redoublement et changement d'école, on peut poser l'hypothèse que la forte diminution du taux de redoublants observée cette année, a conduit à limiter les départs", note l'administration de l'enseignement.
L’enseignement à domicile a en outre été boosté par la crise sanitaire: on est passé de 1984 à 3 187 enfants entre 2019-2020 et 2020-2021.
Si le recours à l’enseignement à domicile s’inscrit dans une tendance à la hausse ces dernières années, la situation sanitaire a bel et bien été invoquée comme élément ayant orienté vers l’instruction à domicile (pour 574 enfants).
Un retour de manivelle?
Redoublement et réorientation en baisse, doit-on craindre "un retour de manivelle" dans le futur? "Je ne sais pas ce que cela va donner. On navigue en pleine inconnue, réagit le professeur Galand. Ces chiffres montrent une chose: les écoles ont fait un effort d'adaptation face à la crise. Il y a eu des demandes de prendre en compte la situation difficile dans laquelle les élèves étaient plongés et ça a été fait."
Le professeur ne nourrit néanmoins pas de grandes inquiétudes concernant les impacts éventuels de cette baisse du redoublement.
"On n'a pas d'études qui montrent les bénéfices du redoublement. Cela n'aide pas les élèves à reprendre pieds, cela décourage et augmente le décrochage", affirme Benoît Galand. Le Pacte d'excellence a d'ailleurs fait de la réduction du redoublement une priorité.
Tout comme pour la baisse de réorientation vers le spécialisé: "les politiques actuelles vont davantage vers l'inclusion dans l'enseignement ordinaire", pointe le professeur qui s'inquiète par contre à propos des écarts de résultats que le confinement et l'hybridation ont provoqués. "Il y a des décalages dans les acquis, un retard accumulé. Il va falloir accompagner les élèves. Et cela prendra du temps. Le Covid va laisser des traces encore un moment."