Pour faire respecter le confinement, la police monte sur ses grands chevaux
Le printemps radieux pousse les Bruxellois confinés dans les parcs. Mais les bosquets ne sont pas des abris: la cavalerie de la police fédérale y soutient les zones de police pour faire respecter les mesures de distanciation sociale. On a trotté au parc de Laeken avec Eros, Bibor et leurs inspecteurs de cavaliers.
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- Publié le 14-04-2020 à 14h45
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- Des premières mesures de confinement ont été décidées pour la Belgique le 12 mars. Les mesures ont été renforcées à partir du 18 mars puis prolongées le 27 mars jusqu'au 19 avril.
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- Numéros utiles: tous les ressortissants belges qui se retrouvent coincés dans un pays étranger peuvent contacter le call center du SPF Affaires étrangères au 02/501.40.00 (de 9h à 20h, heure belge). Pour tout autre question, afin de désengorger les postes de garde de médecine générale, une ligne spéciale a été mise en place: 0800/14 689 (entre 8h et 20h).
- Mais aussi:le site web www.info-coronavirus.bele et le compte Twitter du SPF Santé.
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Sur un petit tapis de yoga, l’homme a coincé sa tête entre ses deux genoux. Il est seul à 200m à la ronde à s’être posé dans la pelouse du parc de Laeken. Dans la quiétude de ce vendredi après-midi, il est donc un peu surpris de se voir sortir de sa méditation par... deux paires de naseaux.
«Il nous a dit qu’il ne se savait pas que c’était interdit», rapporte l’Inspecteur Rucquoy en éperonnant Eros, 10 ans de service, sur le chemin bétonné. «Voyant des joggeurs et des cyclistes, il pensait que le sport était autorisé. On lui a donc rappelé que les positions statiques sont interdites dans les parcs».
Depuis le début de la crise du coronavirus, la cavalerie envoie 22 patrouilles par jour, soit 44 chevaux.

Depuis le début de la crise du coronavirus, la police montée belge patrouille à flux tendu dans les plus vastes espaces verts de Bruxelles. Ces missions s’effectuent à la demande des zones de police, que la Direction de sécurité publique (DAS) de la police fédérale renforce de ses binômes de cavaliers tous les jours depuis le 14 mars. «On fournit tout ce qu’on peut en matière de charroi», confirme l’Inspecteur principal Philippe Defroyennes, responsable de la cavalerie. «Outre les 6 zones bruxelloises, on envoie aussi 5 patrouilles quotidiennes à la mer. Enfin, on alterne entre Wallonie et Flandre, en fonction des demandes communales spécifiques. Au total, ce sont 22 patrouilles par jours, soit 44 chevaux». Le travail est donc éprouvant pour les quelque 80 à 90 «opérationnels» de l’unité «Nos chevaux tournent encore plus que d’habitude», acquiesce l’Inspecteur Braun, qui monte le jeune Bibor, enrôlé depuis 6 mois. Les bêtes commencent à en ressentir une certaine fatigue.

Azimut
Les raisons pour lesquelles les cavaliers en bleu sont prisés en ces temps de confinement sont limpides: pour les familles privées de jardins, voire de terrasse, les parcs deviennent les seuls endroits où s’aérer. Certains voient passer plus de trafic piéton que le Ring de voitures en temps normal. Et le Bruxellois redouble parfois d’ingéniosité pour pique-niquer ou faire quelques passes dans les sous-bois. Surtout avec ce printemps miraculeux.

«Nous nous déployons donc principalement dans les zones vertes plus difficiles d’accès», détaille l’Inspecteur Rucquoy, plus de 35 ans comme cavalier, qui additionne les avantages de sa monture. «Du haut du cheval, on repère les contrevenants de plus loin. Et inversement. Souvent, l’infraction se lève donc d’elle-même en nous voyant». Son collègue Braun, 25 ans en selle, enchaîne: «avec le cheval, on passe vraiment partout, là où les voitures sont bloquées. On peut même faire de l’azimut à travers bois. C’est ce qui nous est demandé dans les grands parcs comme La Cambre ou Josaphat». La forêt de Soignes, Élizabeth à Koekelberg, Duden à Forest, Wolvendael à Uccle, les étangs de la Pede à Anderlecht ou le Rouge-Cloître à Auderghem voient aussi trotter les sabots.
Enfin, même s’il en effraye certains, le cheval peut parfois calmer les citoyens: «l’approche est donc plus facile», glisse l’Inspecteur Rucquoy. Revers de la médaille: Bibor, Eros et leurs semblables à sabots attirent parfois le public. «C’est embêtant par les temps qui courent», sourient leurs cavaliers. «Il faut repousser les gens et ce n’est pas toujours facile. Mais nous sommes habitués: c’est comme ça tout le temps». La peur de la contamination ne semble pas paralyser les cavaliers: «On a le matériel de protection. Mais on ne l’utilise pas beaucoup car à cheval, on est vite à 2m de distance du public. Ceci dit, la méfiance reste de mise sur le terrain».

Kayaks
Globalement, la mission des cavaliers face au virus est davantage préventive que répressive. «Dans 80% des cas, les consignes de distanciation sociale sont respectées», abondent les cavaliers. Leur supérieur reconnaît «certaines difficultés les premiers jours» mais après un mois, pense que «le message est passé». Bien sûr, le Belge flirte parfois avec la limite. «Les gens essayent toujours de rester à l’arrêt un peu plus longtemps: il fait tellement beau», reprend l’Inspecteur Rucquoy. «Mais en général, on a juste une simple remarque à faire. C’est moche de devoir enguirlander les gens parce qu’ils s’asseyent sur un banc. Mais si on ne l’fait pas, y aura encore moins de place dans les hôpitaux». Pas de quoi sortir le carnet à douloureuses? «On donne des amendes malgré tout. Si quelqu’un va trop loin ou qu’on retombe dessus le lendemain, on sanctionne.»
Les chevaux ne sont pas des mobylettes qu’on peut laisser au garage et redémarrer d’un coup. Alors on continuera à les entraîner.

Alors que les matchs de foot et courses cyclistes ne sont pas près de nous refaire vibrer, alors que les gros festivals sont annulés, alors que de carnavals et de marches folkloriques il n’y aura pas en 2020, alors que kayaks ardennais et transats côtiers resteront dans leurs bicoques cet été, où trotteront donc les chevaux policiers au déconfinement? «Le service d’ordre pour les rassemblements n’est évidemment pas planifié», reconnaît l’Inspecteur principal Defroyenne. «Les chevaux ne sont pas des mobylettes qu’on peut laisser au garage et redémarrer d’un coup. Alors on continuera à les entraîner».
Le gamin et ses parents interrompus balle au pied à deux pas du château de Laeken pourront alors galoper eux aussi tant qu’ils voudront.
