Pour ne pas poser un lapin à Pâques, les chocolatiers fondent pour l’e-commerce
On a la mine aussi sombre que les tablettes les plus noires chez les chocolatiers bruxellois. Dans ce confinement étendu à Pâques, c’est une grosse part du chiffre annuel qui reste coincé dans les limbes, avec les cloches. Mais les artisans gardent le moral et pansent leurs plaies grâce à l’e-commerce.
Publié le 09-04-2020 à 10h59
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- Des premières mesures de confinement ont été décidées pour la Belgique le 12 mars. Les mesures ont été renforcées à partir du 18 mars puis prolongées le 27 mars jusqu'au 19 avril.
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- Numéros utiles: tous les ressortissants belges qui se retrouvent coincés dans un pays étranger peuvent contacter le call center du SPF Affaires étrangères au 02/501.40.00 (de 9h à 20h, heure belge). Pour tout autre question, afin de désengorger les postes de garde de médecine générale, une ligne spéciale a été mise en place: 0800/14 689 (entre 8h et 20h).
- Mais aussi:le site web www.info-coronavirus.bele et le compte Twitter du SPF Santé.
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Dans le ciel d’avril, il n’y a que des virus. Les cloches posent un lapin aux chocolatiers en ce printemps 2020. Au Sablon à Bruxelles, les touristes se cachent encore mieux que les œufs dans le jardin un dimanche de Pâques.
«Ma boutique aurait pu rester ouverte, mais il n’y a plus de clients», ne peut que déplorer Laurent Gerbaud. «Au début, j’ai tenté. Mais je ne faisais que 10 ou 15% du chiffre: ça me coûtait plus cher que de fermer». Le chocolatier du Mont des Arts estime à 80 ou 90% le volume perdu par rapport à un printemps normal. «C’est énorme. Et c’est inquiétant car Pâques, c’est le dernier moment où on rentre de la trésorerie avant le sous-marin de l’été. On ne va pas compenser 50% du chiffre annuel avec des glaces...»
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Posted by Laurent Gerbaud Chocolatier on Monday, March 16, 2020
La clientèle a fondu de 90%
Heureusement, le Belge ne s'arrête pas de manger du chocolat parce qu'il est confiné. 2e consommateur mondial avec près de 11 kilos par an et par personne, il semble compenser la déprime liée au virus par davantage d'or noir. «Pour nous, la demande augmente même un peu dans les magasins où nous livrons nos tablettes», acquiesce Björn Becker, de Mike & Becky. «Les gens ont besoin de se soulager, de se faire du bien». Le couple qu'il forme avec Julia Mikerova continue donc sa production «bean to bar» à toute petite échelle dans son atelier de l'avenue Brugmann, à Uccle. «Mais nous avons perdu 2 tiers de notre chiffre: notre salon de dégustation est fermé, nos cafés, boulangeries et restaurants clients aussi». Les œufs de Pâques sont là «un petit extra». La boutique, officiellement close, ouvre sa porte au compte-gouttes aux clients qui frapperaient à la vitrine. «On ne va quand même pas les renvoyer chez eux».
Vous ne supportez plus vos enfants ? Vous n'osez pas le dire? Mais il faut que quelque chose se passe ? Mike&Becky...
Posted by Mike & Becky on Saturday, April 4, 2020
L’enseigne de Frederic Blondeel reste elle aussi ouverte. «Au début, très peu de gens sont venus. Mais à l’approche de Pâques, tout marche mieux». Mais la plupart de la production du chocolatier de Koekelberg s’écoule surtout en gros, chez ses confrères belges ou étrangers. «Ma boutique, ce ne sont que quelques pourcents. Pour mes clients de Londres, tout est à l’arrêt. Plusieurs tonnes étaient prévues. Le manque à gagner est énorme». La clientèle à fondu de 90%. «La première semaine, j’ai paniqué. Puis j’ai accepté. Les travailleurs de l’atelier ont continué à venir: je les remercie de leur courage». Et la production à Koekelberg ne s’est pas interrompue.
La première semaine, j’ai paniqué. Puis j’ai accepté. Les travailleurs de l’atelier ont continué à venir: je les remercie de leur courage

À l'instar des candidats du Meilleur Pâtissier, nos artisans improvisent donc leurs recettes à la crise. Leur réflexe commun: le net. Gerbaud vend sur eFarmz et sur la plateforme des artisans de bouche bruxellois HomeGourmet.be. «Ça turbine de mieux en mieux», assure le chocolatier de la rue Ravenstein entre deux livraisons qu'il assure lui-même. «En plus, je compte sur la famille, les amis, le réseau. Ce n'est rien par rapport à la boutique mais ça permet de payer des petits frais fixes». Ainsi que le complément que l'homme verse à ses employés en chômage économique. «Pour qu'ils ne soient pas trop ric-rac».
«Pour le payement, on fait confiance aux clients»
Chez Mike & Becky, «on chipote encore énormément avec un fichier Google Drive qui circule par e-mail, Facebook et Instagram». Björn Becker espère se doter d'un véritable e-shop «quand on augmentera la production», mais avoue qu'il n'y est pas encore. «On y arrive comme ça. Et pour les payements, on fait confiance aux clients». À l'ombre de la Basilique par contre, Frederic Blondeel a pu compter sur les compétences informatiques de sa fille et d'un membre du personnel pour mettre en ligne un e-shop plus vite que le chocolat ne fond sous le soleil du parc Elisabeth. L'enseigne est aussi présente sur Deliveroo. «Les œufs de Pâques marchent bien, honnêtement. Il faut dire que la production industrielle, c'est la pire des crasses». Autre best-seller: la pâte à tartiner. «Les Bruxellois mangent des tartines! C'est réconfortant. Moi aussi: je me suis mis à cuire mon pain moi-même. Il faudra faire du jogging après tout ça».
La pâte à tartiner marche bien. Les Bruxellois mangent des tartines! C’est réconfortant. Il faudra faire du jogging après tout ça.
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Posted by Frederic Blondeel Chocolatier on Monday, April 6, 2020
Globalement, ces trois chocolatiers bruxellois font contre mauvaise fortune bon cœur... en chocolat. Frederic Blondeel se félicite ainsi de la gestion de crise à la belge. «Les autorités font la part des choses entre les malades, les décès qui sont tout de même impressionnants et l’économie. Qui continue. Partout en Europe, on me dit que c’est la cata. Chez nous, le Belge semble serein. On peine, c’est dramatique, mais le confinement me semble bien géré. Et puis à Bruxelles, l’air est sain, les clients viennent en famille. J’y vois du positif».
Si le coronavirus réveillera les consciences, on en est persuadé chez Mike & Becky. «Les clients savent que ces crises viennent d’un comportement fautif de l’humain», croit Björn Becker. «Qu’il faut désormais faire autrement que de dépendre des marques chinoises». L’Ucclois voit donc dans ses tablettes saines et équitables une réponse au problème. «Je suis sûr que les gens ont compris qu’il faut travailler avec des produits locaux. Comme nos chocolats, qui ne font de mal ni à l’environnement, ni aux enfants exploités dans les plantations».
Les gens ont compris qu’il faut travailler avec des produits locaux. Nos chocolats ne font de mal ni à l’environnement ni aux enfants dans les plantations

Alors qu’il se félicitait d’être «dans les temps» pour sa production pascale, Laurent Gerbaud s’est retrouvé avec pas mal de stock à très courte durée de conservation. «C’est le cas des ganaches». Ni une, ni deux: l’artisan de la rue Ravenstein a décidé d’offrir ses surplus. «À l’hôpital Erasme, aux policiers, aux personnels communaux: on a pris les demi-œufs creux, on les a remplis de ganache, et j’ai livré. Un don plus modeste que les 5 millions d’œufs de Leonidas». Certes, mais un don quand même.
Frederic Blondeel de son côté ne s’est pas précipité dans la brèche. Lui aussi, «pour une fois», était paré pour Pâques avec l’arrivage récent de 3 containers de fèves. «Je pense qu’il faudra remercier les infirmiers. Mais dès les premières semaines, cela me semblait trop tôt en terme commercial». On sent que le Koekelbergeois ne souhaite pas être taxé d’opportuniste. «Je le ferai, mais au bon moment».
«Je comprends que des grands noms comme Marcolini ou des industriels comme Leonidas offrent des œufs: mais Mike & Becky n’a pas de tels stocks», concède Björn Becker. Les fabricants de l’avenue Brugmann ne comptent cependant pas rester sans réaction. «Après Pâques, j’espère implanter sur le site web une option qui permettrait d’offrir du chocolat à prix raisonnable aux héros que sont les infirmières ou les livreurs de la poste».