Courtoy, « cet homme suinte l’antisémitisme»
Philippe Blondin, le président du Musée juif, a tout suivi du procès d’assises. Il nous livre ses sentiments multiples sur cette épreuve.
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Publié le 13-03-2019 à 06h00
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Le 24 mai 2014, lorsque Nemmouche a semé la mort dans «son» musée, Philippe Blondin n’était pas présent. Du procès qui s’est clôturé dans la nuit de lundi à mardi, le président du Musée juif de Belgique n’a pas raté une minute. Dès le premier jour, lors de la constitution du jury, il était présent sur le banc des parties civiles, suivant les débats de manière assidue.
Au deuxième étage du Musée juif, à quelques pas du palais de justice, Philippe Blondin nous a accueillis ce mardi matin. Soit quelques heures après que la cour d'assises de Bruxelles ait condamné à perpétuité Mehdi Nemmouche en tant qu'auteur de l'attentat. «C'est une expérience dans la vie d'un homme qui n'est pas habituelle, reconnaît-il. C'est la première fois que j'assistais à des assises. Ici, c'était dans des conditions particulièrement douloureuses et émotionnantes. Voir la tristesse de ces familles, la perte des personnes chères à nos cœurs, c'est énorme. On ne sort pas de ça indemne. C'est un long tunnel…
Vous étiez présent tous les jours du procès. Était-ce un devoir, un besoin?
C’était mon devoir d’y être. J’ai quand même des contacts avec les familles. C’était un devoir moral d’être là, de les représenter et de représenter le musée.
Comment avez-vous vécu ce procès? Avez-vous le sentiment que les victimes étaient au cœur des débats?
Il y a eu plusieurs étapes. La première semaine était d’ordre juridique.
Mais, d’entrée de scène, je me suis étonné que les quatre personnes tuées étaient des victimes anonymes, qui n’étaient ni de chair ni de sang et qu’on parlait de la pluie et du beau temps. J’ai été étonné que les jurés n’aient pas été saisis au corps de cette chose épouvantable.
Il y a eu des moments forts, des moments douloureux
Quand on a vu les vidéos, des scènes macabres, les documents des médecins légistes… Là, les jurés ont compris qu’on ne parlait pas de morts anonymes. Il y a eu des moments très durs à voir…
Ce qui est très marquant, lorsqu’on voit les vidéos, c’est la froideur avec laquelle Nemmouche abat quatre personnes en 80 secondes. Mais aussi comment Dominique Sabrier a vu sa mort venir, qu’elle en a été consciente, qu’elle a eu l’effroi de voir ce qui allait lui arriver.
Et puis, il y avait l’élégance de notre Alexandre. Et ces Riva, abattus d’une manière effroyable…
Avec Alexandre, Nemmouche a bien compris qu’il avait affaire à un magrhébin et que c’était un mécréant puisqu’il travaillait chez nous, il méritait d’être abattu.
La stratégie de défense de Nemmouche a été largement critiquée. Comment l’avez-vous ressentie?
La théorie développée, la théorie du complot, c’est un chemin dans lequel les jurés ne se sont pas aventurés. Ils ont compris que ce sont des théories pour des gens asphyxiés par les réseaux sociaux. Je rends grâce aux jurés de ne pas être tombés dans ce stupide piège qui était odieux, lamentable et d’une bêtise affolante.
Les arguments développés par l’avocat de Mehdi Nemmouche, Sébastien Courtoy, étaient-ils audibles en tant que partie civile?
Monsieur Courtoy, qui porte un si joli nom, ne le mérite pas. Il a été d’une grossièreté inqualifiable vis-à-vis de la présidente, des procureurs, de ses confrères. Il a voulu donner une vision biaisée et complètement révoltante de la justice.
Cet homme suinte l’antisémitisme, la méchanceté. Il n’a pas plaidé pour Nemmouche, il s’en fout pas mal de Nemmouche… La seule chose qui l’intéresse, c’est son ego et faire passer un message infâme.
Nemmouche n’ayant pas parlé, on reste avec toute une série d’incertitudes. Ce procès est-il une réussite?
Les déclarations de Nemmouche sont à la hauteur du personnage. C’est un homme qui n’a plus le sens des réalités, qui vit dans un monde d’immondices, de pourriture.
Comment pouvez-vous imaginer que Monsieur Nemmouche exprime des regrets? Il en est incapable. Il n’a fait qu’obéir à des exigences données par un dieu suprême
C’est un jugement exemplaire. Et c’est important que les gens de l’État islamique sachent qu’il n’y a pas de pardon pour eux.
Par moments, êtes-vous sorti le cœur léger de ce procès?
À aucun moment. C’est une blessure qui nous reste dans le cœur. Je suis heureux que la justice soit rendue avec intelligence et sévérité. En ce qui concerne Bendrer, ses avocats l’ont défendu avec beaucoup de talent.
Ce procès, c’est important pour faire son deuil, pour tourner la page?
Moi, je suis ici comme président de musée. Ce qui m’importe, c’est que ce musée soit vivant. Nous avons mille activités… C’est un hommage que nous devons à nos quatre morts de faire éclater nos activités et que notre public trouve dans ce musée le plaisir de découvrir des choses qui l’intéressent.