Un «onnuzel » à Molenbeek
Ce terme bruxellois désignant un empoté est le titre du roman de Thierry Robberecht, dont le jeune héros sans père se cherche dans les années 60.
- Publié le 03-01-2019 à 06h00
«Ton père c'est le Diable», lui assène sa mère. Sans doute, mais où est-il? s'interroge le garçonnet de 8 ans. Il n'ose pas demander, c'est un sujet tabou. Tout en ne voulant pas faire du chagrin à sa mère, même s'il lui arrive de lui mentir, il voudrait quand même bien le connaître, comme ses copains de classe. Peut-être qu'il est mort? Non, «il se la coule douce». Il est parti une dizaine d'années plus tôt, abandonnant sa femme avec deux enfants, un fils et une fille plus jeune, ainsi que des dettes qu'elle est obligée de rembourser. Sans l'aide de personne. Bobonne et Bon-papa, dont la règle d'or consiste à rester dans le rang et surtout ne pas en sortir, sinon «que vont dire les gens?», avaient raison de la mettre en garde contre ce mariage. Elle l'a bien cherché. Et ils le lui font bien sentir.
Autobiographique
Voilà l'univers dans lequel évolue «l'onnuzel», le héros perpétuellement à côté de la plaque du nouveau roman de l'auteur jeunesse et scénariste BD Thierry Robberecht. Un récit autobiographique, car cet enfant perdu, distrait, qui ne sait pas à quoi au juste se raccrocher, dans son quartier de Molenbeek à la fin des années 1960, c'est lui. La mort de sa mère, en 2016, a fait remonter en lui des souvenirs, et le désir de les transformer en une fiction. Un passé qu'il avait déjà réveillé en 2009 dans une nouvelle, Rendez-vous avec l'ogre, reprise à la fin du livre.
Ce bref roman est magnifique. Son auteur a trouvé le ton juste pour décrire le désarroi de son jeune héros. Le style est joliment imagé, comme l'est l'univers intérieur des enfants, et l'humour omniprésent, malgré l'âpreté de la vie quotidienne. «Cela m'a fait du bien d'écrire ce livre, d'analyser ce qui s'est passé, confie le romancier. Je me suis rendu compte que notre mère a fait du bon boulot. Mais, enfant, je ne comprenais rien de ce qui se passait. Tout en me disant qu'un jour, ça irait mieux. Au fond, j'ai toujours été un " onnuzel ".»
Thierry Robberecht, «Onnuzel», Weyrich, 127 p., 13€