Le grand blanc à l’heure du net
Dans «Un profil pour deux», Pierre Richard séduit une jeune femme grâce à un faux profil internet. Une comédie attachante, en salles dès mercredi.
Publié le 22-04-2017 à 07h40
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À 82 ans, le grand blond tient la forme. À l'affiche du nouveau film de Stéphane Robelin, Un profil pour deux, Pierre Richard montre qu'on peut encore jouer dans une comédie romantique avec des cheveux blancs, et sans s'appeler Richard Gere.
On vous retrouve dans une comédie romantique. L’âge est dans la tête, en fait.
Pas complètement. Pierre est jeune dans sa tête, mais pas au début du film. Il y a une évolution, au début, je suis déprimé, hargneux, un peu misanthrope, plus rien ne m’intéresse depuis que j’ai perdu ma femme. Puis je tombe amoureux.
Il dénote par rapport aux personnages que vous avez eu l’habitude de jouer.
C’est pour ça que ça m’amusait. En plus, il est manipulateur, il fait du chantage affectif, il se plaint, pour qu’on lui rende service. Ce qui me plaît, c’est qu’il évolue, il s’ouvre.
On choisit différemment ses rôles à vingt ans et à quatre-vingt?
À l’époque, j’ai été pris dans une spirale de succès et je faisais deux-trois films par an, c’était difficile de dire non. Il y en a quelques-uns que j’ai regrettés, pas parce qu’ils étaient mauvais, mais parce que je ne me suis pas amusé. Maintenant, j’ai passé l’âge, si le scénario ne me plaît pas, je ne le fais pas.
Aujourd’hui, quel regard posez-vous sur la comédie française?
Il y a des choses très intéressantes. Je ne suis pas du genre à dire «c’était mieux avant». Ceci dit, j’aimais bien les comédies américaines de la grande époque. Ça faisait rêver. Maintenant, les comédies ne font plus rêver, elles enfoncent. Elles vous font rire jaune ou même noir. Ça ne veut pas dire que je n’aime pas, c’est juste différent.
Votre personnage est méfiant vis-à-vis de l’informatique. C’est votre cas aussi?
Dans la vie je suis pareil. Ce n’est pas parce que j’ai tourné le film avec des ordinateurs que j’y ai pris goût. La technologie me dépasse toujours un peu. J’arrive à me servir de mon iPhone, c’est déjà bien. Si je veux savoir telle chose que je ne savais pas, sur un écrivain par exemple, je sais qu’en écrivant à Google «Baudelaire» je vais avoir des pages entières sur lui et je trouve ça formidable. Mais je ne dépasse pas un certain stade. Je vois des amis qui, tous les jours, passent leur temps à raconter leur vie sur Facebook, à donner leur avis sur tout. Je trouve ça un peu ridicule, il y a des facettes qui me déplaisent. Mais c’est aussi à chacun de savoir s’en servir, comme les voitures, quand ça va trop vite, c’est dangereux, mais c’est à vous de ne pas faire du 240 km/h.
J'ai peur pour mes petits-enfants
Même s'il se souvient avec bonheur de ses jeunes années, Pierre Richard ne regrette pas le passé. «J'ai des nostalgies sur des gens que j'ai aimé, pas sur des époques.
Ce sont des nostalgies souriantes, je me rappelle de choses qui m'ont fait rire. Je ne suis pas de nature à rester dans les nuages gris. J'accepte les nuages, mais il faut qu'ils passent.» Ce qui ne veut pas dire qu'il ne s'indigne pas face à certains comportements actuels. «Dans le présent, je suis un pessimiste profond. Ma manière de m'en défendre, c'est d'être joyeux, le plus possible. Je suis surtout pessimiste sur l'avenir de la planète. Les questions environnementales sont peut-être les seules choses qui me concernent vraiment.» Acteur mais aussi réalisateur de sept films, il regrette que personne ne s'attaque à cette problématique dans le champ de la comédie. «Si je refaisais un film burlesque, je choisirais un thème écologique», avance Pierre Richard. «On n'en voit pas, ça n'intéresse personne et ça me stupéfie. Alors que c'est probablement la chose la plus importante et la plus urgente à notre époque. J'ai peur pour mes petits-enfants, parce que ce n'est pas dans un siècle, c'est dans trente ans qu'on va dramatiquement en sentir les effets, à la vitesse à laquelle ça va.»
Ce qu’on en pense
Pierre, veuf inconsolable et grognon, refuse de sortir de chez lui depuis la mort de sa femme il y a deux ans. Alarmée par son état, sa fille lui impose des cours d’informatique avec Alex, le copain de sa petite-fille.
Au départ réfractaire, le grand-père s’inscrit pourtant en cachette sur un site de rencontre et fait la connaissance de Flora63, une jeune femme qu’il séduit par son romantisme. Et par sa photo de profil, celle du prof d’informatique, qu’elle a hâte de rencontrer. Pierre Richard apporte son charme mélancolique à cette comédie aux accents vaudevillesques. Pas tordant, mais amusant et tendre, en comparaison de certaines atrocités actuelles au rayon humour français. Un petit morceau de douceur sans prétention.
Comédie de Stéphane Robelin. Avec Pierre Richard, Yaniss Lespert et Stéphane Bissot. (1 h 39)