Mountain Bike, moutons noirs de la scène rock: «Si on cherchait à vendre, on ferait de la merde»
Mountain Bike reprend du poil de la bête! On dirait pas comme ça, à voir leurs tronches, mais les Bruxellois ont mûri. On ne dira pas que le quatuor rock s’est assagi: son garage artisanal mâtiné de psyché sue toujours les litres de bières que le groupe s’enfile. Mais l’animal porte un regard moins orthodoxe sur le monde du disque. Et le monde tout court.
Publié le 03-03-2017 à 06h58
:focal(1015x1005:1025x995)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/X3WAT7UQG5HOBEA3NCPB33TTQE.jpg)
Une montagne, un 2e album à Bruxelles? Une gueule de bois permanente, le train-train post-22 mars? Le quatuor Mountain Bike est bien trop désinvolte pour s'apitoyer sur quoi que ce soit. Ces expatriés abonnés aux deux côtés du comptoir quittent donc un instant les pompes à bière que tantôt ils actionnent, tantôt ils s'appliquent à vider, pour reprendre leur tournée des bars, des scènes et des festivals.
Évidemment, leur rock barbu, voire couillu comme le suggère un logo potache, ne va pas tout d’un coup soigner sa peau rêche chez l’esthéticienne. Désolé: Mountain Bike n’arrondit pas les dents de ses pignons avec l’âge. «Too Sorry For Any Sorrow» grince donc comme une bécane mal huilée («Absolutely»), pilotée par des costauds en sueur dopés au 33.
Après un premier disque éponyme frais comme une pils juste servie, ce second long format crapahute son rock vers un léger psychédélisme («You'd Better Let Go») sans jamais vraiment s'arracher du garage («Mean With You», «B+B»). Les cris sont ceux d'un directeur sportif engueulant ses troupes à la ramasse («Pretty Jerk Like You», «Good for Nothing»). Si les lascars n'ont pas encore osé quitter les cafés pour la pouponnière («Future Son»), ils savent tout de même se montrer caressants («Copycat»). Mais c'est dans les changements de rythme que ces puncheurs achèvent le mieux leur auditoire («Escape Plan»).
On comprend donc que si les Mountain Bike sont des moutons comme le suggère ironiquement la pochette, leur laine a le noir d’un blouson de cuir. On leur pardonnera donc l’édition radio de «This Lonely Place», trop belgo-pop pour être honnête. Même si Étienne (chant et guitare) et Aurélien (guitare) s’en défendent...
+ VIDÉOS (2014) | Mountain Bike en plein effort: « Notre rock passe par les Alpes, les Pyrénées et le bistro »
«Ce côté artisanal, c’est notre éthique»

Enregistrement, mixage, graphisme, photo...: tout sur «Too Sorry For Any Sorrow» a été fait pas loin de Bruxelles. C’est un disque en «circuit court»?
Aurélien - C'est pas vraiment une volonté militante de faire dans le local. Mais on veut garder la mainmise sur le truc. On est un peu «control freak»: on a du mal à déléguer. J'ai d'ailleurs enregistré une partie du disque moi-même, dans la maison des parents de Charles.
Étienne - Et puis on est curieux de savoir comment ça marche dans ce métier qui nous touche et vers lequel on veut aller.
Ça permet de continuer à créer sans compromis?
Aurélien - On ne veut pas de contrainte, ni de temps, ni d'esthétique. Ce côté artisanal, c'est notre éthique.

Étienne - On va jamais faire de la musique juste pour la vendre et gagner notre vie. Si on visait ça, on ferait sans doute de la merde, d’ailleurs. Mais on garde un rapport très amateur à la musique. On l’aime, comme on aime l’objet «disque». D’où l’attention portée à la photo cette fois-ci alors que pour le précédent, c’était plus à l’arrache. On s’attendait pas à ce que ça décolle. Bien sûr, si la musique devenait un métier, ça serait plus facile financièrement.
Aurélien - On ne va pas faire semblant d'être des producteurs aguerris non plus.
Étienne - Ça fait partie de notre éducation: être fier de ce qu'on fait, et pas de ce qu'on crois être. Nous quatre, on est de la campagne. De petits villages. Mon papa, il fait du jus de pommes. Alors on va pas se la jouer avec un album surproduit. Ça serait frimer, comme acheter une grosse berline. C'est pas nous.
Ça veut dire que vous bossez encore dans les bars?
Étienne - Moi oui. Là-bas, t'es confronté à une réalité assez trash parfois. Le disque, c'est un exutoire pour raconter des histoires de mecs qui ne font rien de leur vie. Mais les textes sont quand même plus personnels.

À quel point de vue?
Étienne - Par exemple, il y a «Future Son» qui interroge notre désir ou pas d'être père. à 30 ans, c'est des sujets dont tu n'as jamais vraiment osé parler. En plus, c'est pas trop la teuf à Bruxelles depuis 1 an: c'est pas un super monde pour faire des gamins, hein! Mais forcément, quand ça fait 15 ans que tu te défractes la gueule, ça fait pas du bien à ton corps. Un couple, ça te donne un peu de paix. D'où certaines questions.
Les festivals, ça ouvre le regard?
Étienne - On s'y est frotté et ça met en valeur nos faiblesses. Alors que dans les petites salles, on sait qu'on est à l'aise. Et puis, quand tu joues beaucoup, tu rencontres des gens que tu ne croises pas dans les caves underground. Aujourd'hui, je n'ai plus de tabou. Alors qu'avant, je ne jurais que par le vinyl par exemple.
Moins de plaisirs honteux dans la musique que vous écoutez, aussi?
Aurélien - En grandissant, la notion de «plaisir coupable» disparaît un peu. En plus, on vit une époque où beaucoup de styles se mélangent. Ces derniers temps, on a écouté Andy Shauf ou Parquet Court, mais aussi Françoise Hardy ou Nick Drake.
Étienne - Moi j'écoute du jazz aussi. J'en programme pas mal dans le bar où je bosse. J'adore la musique des fifties et des sixties, le blues aussi.

Aurélien - Peut-être qu’avec l’âge, on se distancie de l’acharnement de la jeunesse, quand on passait tout en revue. De toute façon, tout écouter, c’est pas possible. Aujourd’hui, en 3 morceaux, j’arrive plus vite à me dire que tel disque est pour moi ou pas.
Bon, et maintenant, retour dans le van?
Étienne - On essaye de se développer à l'étranger. On va jouer à Paris. Et même à Londres, pour 100 pounds! Ça semble peu, mais y a énormément de concurrence et il faut parfois accepter de jouer gratos là-bas. Alors pour nous, c'est exceptionnel, dans cette ville qui pue le rock.
On comprend que vous n’êtes pas encore riches. Mais les tournées, ça vous a permis de bien boire et bien manger?
Étienne - Le rock fait fantasmer, les tournées, tout ça... Mais trois semaines sur la route, c'est pas toujours rigolo. En France ceci dit, tu bouffes super bien. À la Rochelle, tu manges des huîtres, ça rigole pas. Mais même quand tu joues à Bordeaux, tu bois du vin du Lidl.
+ Mountain Bike, «Too Sorry for any Sorrow», Humpty Dumpty
+ Mountain Bike en concert le 10/03 au Water Moulin (Tournai), le 25/03 au Reflektor (Liège), le 8/04 au Salon à Silly (Humpty Dumpty Label Night), le 6/05 aux Aralunaires (Arlon), le 20/05 au Cirque Royal (Nuits Botanique, Bruxelles), le 24/05 au Psych Over 9000 (Gand)
