Comprendre le cosplay en 10 mots: «J’utilise des techniques de drag-queen»
Le cosplay, c’est cette tendance qui pousse les fans à se costumer en leur héros favori. Parfois sexy, parfois cher, il est surtout un hommage «do-it-yourself» à la culture pop, à la BD, au cinéma et au jeu vidéo. Décryptage avec une acharnée juste avant Made in Asia.
Publié le 11-03-2016 à 13h55
Les JO ont le 100m. La discipline reine du Made in Asia, le salon de la culture asiatique qui se tient du 11 au 13 mars au Heysel, c'est le cosplay.
Contrairement à ce qu’on croit, cette tendance créative de plus en plus grand public n’est pas née au Japon, mais aux USA. Wikipedia assure que les origines de cette pratique consistant à revêtir les atours de son héros de BD ou de cinéma favori remontent à 1939. La mode a explosé dans les années 70 et 80 avec l’émergence de Star Wars. Puis elle a été importée au Japon par les fans de manga et de jeu vidéo dans les années 90.
Ces deux courants et la popularisation de la culture geek (qui, aujourd’hui, reste honteux de lire Walking Dead, de regarder Game of Throne et les animés de Miyazaki ou de jouer à Mario?) ont importé le cosplay en Europe. Des meetings de plus en plus massifs y font converger les fans (le japonais parle d’ «otaku», en référence aux loisirs domestiques comme la BD ou le jeu vidéo), comme ce week-end à Made in Asia.
La cosplayeuse belge Macky s'y est mise il y a deux ans. Depuis, elle compte une vingtaine de personnages à son portfolio. Mordue, Stéfanie Pire adhère à Be Cosplay, première association belge spécialisée. La jeune diplômée en communication de 24 ans décrypte pour nous le phénomène. Et nous explique en 10 mots comment elle donne naissance à ses personnages préférés dans son atelier de Fosses-la-Ville.

Le cosplay en 10 mots
Les personnages

Le principe fondateur du cosplay (pour «costume» et «play», soit «jouer»), c’est évidemment de mimer son personnage de fiction favori. «Il n’y a pas de règle», éclaire Stéfanie. «Chaque personnage est un bon personnage. Moi, j’aime l’univers de Zelda car c’est mon jeu vidéo favori. Mais je trouve aussi mon inspiration chez Disney avec Mulan ou Merrida de Rebelle, ainsi que dans Dragon Ball Z ou d’autres anime». Pour Made in Asia, Macky s’habillera en Jessica Rabbit un jour, et l’autre en Midona, un personnage de Zelda. «Mon rêve, ça serait de faire Link», glisse la cosplayeuse. «Quand on change de sexe dans un costume, ça s’appelle du crossplay. J’en fais pas mal».
Le matériel
On le comprend, l’essence du cosplay, c’est de fabriquer soi-même son costume. «On peut l’acheter bien sûr, mais pour les puristes, ça perd un peu de son mérite», concède Macky. Tout bon cosplayeur se repose donc sur un peu de matos et beaucoup de débrouillardise. «La machine à coudre est en haut de la liste. Un mannequin est un plus. Et internet est indispensable pour les tutoriels. On peut avoir besoin d’un fer à souder ou de colle, et d’une coiffeuse avec plein de tiroirs».

«Il faut aussi une bonne trousse à maquillage car le perso est irréel et les effets qu’on se donne doivent nous faire sortir du réalisme. On apprend ainsi à éclairer certaines parties du visage ou a foncer d’autres. Un bon conseil: utilisez des techniques de drag-queen car eux, ils s’y connaissent. Par exemple, ils cachent vraiment bien leurs sourcils!»
L’art de coiffer sa perruque est aussi un atout et certaines marques organisent des concours auxquels les cosplayers participent massivement. Quant aux lentilles, les meilleures seraient coréennes. «Je les commande sur le net. Elles sont énormes, recouvrent tout l’œil, et permettent de colorer le blanc de l’œil en noir, de faire rougeoyer les iris ou de se donner des pupilles fluo». À ne pas garder plus de quelques heures...
Les bonnes adresses

Les cosplayers sont comme une grande famille et se partagent les bonnes adresses. Si perruques, ongles, cils et autres accessoires s’achètent sur internet, les tissus se dénichent plutôt dans des magasins. «à Bruxelles, la rue de Brabant est sous-estimée pour le cosplay», assure Stéfanie. «On y trouve des chaussures bon marché à customiser et du tissu de toutes les couleurs. Il y en a aussi du satiné, ce qui est très bien». D’autres adresses bruxelloises, sur les boulevards du centre, sont également prisées.

Mais le shopping du cosplayer se fait aussi dans les magasins de bricolage les plus banals. «Évidemment, quand on leur dit que c’est pour fabriquer une arme, les vendeurs nous regardent bizarrement alors on préfère ne pas demander conseil!», rigole notre cosplayeuse.
Le temps
«Fabriquer un costume de A à Z peut prendre jusqu’à 3 mois. Mais bien sûr, on travaille, on étudie ou on fait des formations donc ce n’est pas 3 mois non-stop». Plusieurs soirées de la semaine avant chaque concours sont bien sûr monopolisées pour peaufiner les dernières retouches. «Pendant ce temps-là, je joue beaucoup moins aux jeux vidéo». Les nuits n’en sont pas pour autant moins blanches.
Le budget

«Ce que j’ai déjà investi dans le cosplay, ça pourrait combler le trou de la sécu! Un costume, pour moi, c’est en moyenne 75€. Pour certains, c’est beaucoup plus. Ce qui est bizarre, c’est que si j’hésite parfois à m’acheter une paire de chaussures de tous les jours, pour le cosplay, je dépense sans trop compter. C’est comme toutes les passions. Un costume pas trop cher, c’est la petite étudiante japonaise comme dans les mangas féminins, les “ shojo ”: jupe plissée, chemisier, cravate. Et pour le recycler, on change la perruque. la tactique marche bien aussi avec les personnages qui font partie d’une armée: on change un ou deux accessoires, on garde l’uniforme et on est reparti».
Les conventions
Autre part du budget: les voyages. Car les conventions belges ne sont pas si nombreuses (Made in Asia donc, mais aussi les deux Facts à Gand, la Comic Con à Tour & Taxis et les plus petits rendez-vous du BIFFF et d'Anima). Le cosplayer s'exporte pour sentir un peu l'ambiance dans d'autres mondes. «Je fais une douzaine de conventions par an», arrondit Stéfanie. «Les belges, mais aussi Polymanga en Suisse, Japan Expo à Paris ou Japan Tag en Allemagne». Des sorties qui ne sont pas systématiques pour notre otaku. «Le rêve évidemment, c'est Comic Con aux USA. Mais en Roumanie, il y a aussi un meeting qui est 100% centré sur le cosplay: l'Otaku Fest. On m'a dit que c'est génial».
Les concours
Dans les conventions, il y a les concours. Ils se déroulent selon une mécanique huilée. Précision importante: «on n’est jamais jugés sur le physique». La règle capitale? «Le costume doit tenir durant toute la prestation et on doit pouvoir se déplacer dedans». Les cosplayers arrivent vers 9h et filent au vestiaire. «Je ne me costume pas avant sauf si on part en bande. Alors, dans le métro, c’est drôle».

Ensuite, les candidats passent devant le jury de spécialistes. «Il se prononce sur le mimétisme d’après des illustrations du personnage modèle, qu’on leur fournit». Et vers 14h, après le shooting photo, c’est le défilé. Ils seront 25 à Made in Asia. «Les prestations font référence à l’univers d’inspiration: on danse, on se bat... Une bande-son fait intervenir musique et dialogues, en play-back». Ces «prestas» durent entre 1 et 3 minutes. Puis vient la remise des prix. «Franchement, on n’a pas le temps de visiter le salon. Et puis, c’est partout pareil, alors... Le soir, on est crevé: on se dépêche d’enlever le costume!»
Les stars
Le cosplay, comme les sports ou les arts, a ses stars. On les suit sur Facebook, sur Instagram ou sur Tumblr, où ces as du changement de look distillent des trucs et astuces et font baver sur leurs créations. Lors de Made in Asia 2016, elles seront deux. «Il y aura la Japonaise Reika! C'est ma favorite! C'est la meilleure. Il y aura aussi la Française Nikita, la seule cosplayeuse professionnelle d'Europe que je connaisse». Devenir pro, c'est possible? «En vivre, c'est le rêve! Mais il faut du talent et s'investir à fond. Gagner de la notoriété sur les réseaux sociaux et se faire sponsoriser. Certains aussi écrivent des livres ou prennent des commissions dans les conventions».
Le sexy

Le cosplay peut parfois avoir l'image un peu racoleuse de loisir sexy puisque les photos de filles au nombril dénudé ou en combinaison moulante pullulent sur internet. «C'est vrai, certaines jouent un peu sur leur physique», avoue Macky. «Il y a régulièrement des débats si ça pousse un peu la poitrine en avant, comme la star américaine Jessica Nigri. Moi, j'ai rien contre tant que le costume est bien fait et qu'il reste fidèle au modèle. Si celui-ci est sexy, alors le cosplay doit être sexy. Par contre, juste montrer sa peau, c'est pas génial...»
Un côté sexy qui peut aussi avoir ses désagréments. «Dans les conventions, certains ont parfois les mains baladeuses», reconnaît Macky. «Ils croient que c'est un personnage de fiction et oublient que c'est une personne réelle». Le Made In Asia placarde d'ailleurs des affiches inspirées de la campagne «Cosplay is not Consent» pour rappeler au public de rester correct. «Une cosplayeuse a déjà eu un souci avec un fan qui aimait tellement le personnage qu'il la prenait dans ses bras et la suivait partout».
Les fans se trouvent bel et bien des deux côtés du cosplay.
+ Merci au magasin Gold Fingers pour son accueil lors de notre séance photo