Berchem, 24.000 habitants et pas d’école secondaire: mais plus pour longtemps
Berchem-Sainte-Agathe, seule commune bruxelloise sans école secondaire? En 2017, ça sera fini. Berchem s’allie à Molenbeek et d’autres acteurs de l’enseignement pour créer une structure scolaire novatrice. Une réponse au manque de places et à l’exode obligé des petits Berchemois. Décryptage.
Publié le 05-09-2016 à 09h53
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Une voiturette de nettoyage boucle ses allers-retours dans le couloir de l’école des Lilas, à un arrêt de bus du Ring à Berchem-Sainte-Agathe. Pierre Templhof se lève pour fermer la porte et, malgré le large vitrage donnant sur les portemanteaux, le silence se fait. «Ces triples vitrages, c’est un vrai plaisir», sourit l’élu libéral, qui a inauguré les 18 classes des Lilas à la rentrée 2015.
Le lieu, bardé de ces panneaux colorés qu’on voit sur toutes les nouvelles écoles, est moderne, spacieux, équipée d’écrans interactifs. Les 500 élèves logés au pied des bureaux des multinationales voisines «restées sur Bruxelles» profitent aussi des équipements sportifs communaux. «Mais j’aimerais mieux installer mon bureau dans l’une de nos écoles maternelles, au milieu des vaches», rêve l’échevin.

«Golden ticket»
Nous sommes à l’extrême nord-ouest de la Région bruxelloise. Cette zone densément peuplée s’ouvre vers Molenbeek et Anderlecht au sud, et Grand-Bigard et la périphérie flamande au-delà de l’autoroute. Dès la maternelle s’y exacerbent les éternelles complications bruxelloises lorsqu’il s’agit de se sangler le cartable au dos: manque de places, listes d’attente, exodes kilométriques, enseignement public délaissé.
Ainsi à Berchem, 24.000 habitants, moins de 50% des enfants du fondamental sont scolarisés dans leur commune, la moyenne régionale s’élevant à 67%. Le chiffre tombe forcément à 0% pour le secondaire (38% de moyenne dans la Région). 10% des élèves berchemois font même le choix d’une école secondaire hors de la région, pour 7% sur le total bruxellois (*).
Une solution soulagera parents, enfants, enseignants et élus dès septembre 2017. À Berchem, mais aussi Jette, Ganshoren ou Koekelberg, où les élèves berchemois prennent parfois le pas sur les riverains en raison du «golden ticket» attribué par le décret inscription aux communes sans école secondaire. «D’où certaines tensions quand un élève de Berchem en double un de Ganshoren qui habite juste à côté du Sacré-Cœur», grince Tempelhof. «Et un échevin de l’enseignement berchemois qui se fait insulter par les parents des communes d’à côté».
«Deux écoles de 600 élèves, c’est plus sympa qu’une de 1200»

Le bout du tunnel viendra de l’alliance entre Berchem et Molenbeek dans un projet novateur. Deux écoles, gouvernées par une ASBL regroupant les deux communes, l’ULB, la Fédé Wallonie-Bruxelles et la FELSI (Fédération des Établissements Libres Subventionnés Indépendants, soit le libre non-confessionnel), ouvriront à la rentrée prochaine dans cette zone où le m2 de terrain est aussi rare qu’une chaise en maternelle. L’une à Tour & Taxis, l’autre chaussée de Gand à Molenbeek, dans les anciens bâtiments de l’entreprise Takeda (20.000m2 dont 9000 pour l’école) acquis par Citydev.
«C’est la fin d’un long parcours» retrace Pierre Tempelhof. Car si Berchem est conscient du problème depuis une petite décennie, elle ne peut accroître sa dette. «Construire une école secondaire à 14 millions, ce n’est pas jouable». En 2013, Tempelhof réunit donc ses confrères échevins des 5 communes du nord-ouest: Berchem, Molenbeek, Ganshoren, Jette et Koekelberg. «Nous étions tous dans le même bateau puisque les Berchemois qui ne trouvent pas de place allongent les files partout ailleurs. Françoise Schepmans a embrayé».

Un premier projet capote à la Gare de l’Ouest. C’est alors que Citydev, l’organe régional en charge du développement immobilier, acquiert le bâtiment Takeda. «Avec Françoise Schepmans, on visite en mars 2016. Et l’achat est conclu». Un peu plus tard, un second bâtiment est trouvé dans le quartier de Tour & Taxis. «Deux écoles de 600 élèves, c’est quand même plus sympa qu’un méga-établissement de 1200», s’enthousiasme l’édile, qui loue «le point d’eau et l’accessibilité» du site Takeda, qui sera partagé avec des activités économiques. Les deux directions seront placées sous la coupole de l’ASBL, qui épongera la dette.

Renouveler l’image
D’emblée, l’idée est de renouveler l’image des écoles officielles délaissées. «Nous y développerons une pédagogie active. On voudrait que les parents choisissent notre école parce que la pédagogie les intéresse», espère Pierre Tempelhof. «L’ULB s’y associe dans des projets de recherche sur le management de direction scolaire, le burn-out des profs, l’architecture des bâtiments publics, la formation.... La FELSI pour sa part est l’allié idéal pour développer la pédagogie».
Et l’échevin d’évoquer, déjà, la possibilité d’héberger une 3e école dans cette structure novatrice. «Mais dans ces quartiers, cela signifierait à coup sûr la fermeture ou la délocalisation d’une autre société. Ce qu’on ne peut souhaiter».
(*) Van Laethem M., Franklin A., «De la Maison à l’école: origine et destination des élèves bruxellois», Focus de l’IBSA N°15, août 2016. À lire en PDF sur le site de l’IBSA