Clasico arrêté: voici pourquoi seulement trois supporters mauves ont été identifiés
La police de la zone Midi nous a invités à examiner les images des incidents du match aller.
Publié le 26-02-2023 à 08h40
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Quatre mois après le match aller à Sclessin, seulement trois supporters d’Anderlecht ont été identifiés pour avoir jeté des fumigènes, des feux de Bengale, des pétards et des sièges sur le terrain du Standard, provoquant l’arrêt du match. Alors que tout le monde était d’accord sur une chose : tous les coupables devaient être sévèrement punis. Pourquoi est-ce que des heures de travail de la part des services de police débouchent sur si peu de résultat ? La police d’Anderlecht a invité la DH dans ses bureaux pour plus d’explications.

Retour sur les faits, qui datent du 31 octobre 2022. Tout comme le 12 avril 2019, quand le Clasico avait été arrêté à la 33e minute à 2-0 pour le Standard, les supporters d’Anderlecht obligent l’arbitre à mettre un terme à la partie. Cette fois, le marquoir indique 3-1 et 56 minutes de jeu.
Des images de qualité médiocre
Comme le veut la procédure, la police de Liège fait parvenir ses images à ses collègues de la zone Midi, responsable pour les matchs d’Anderlecht. Le Commissaire Boucar, expert en hooliganisme depuis les années 1980, nous autorise à les consulter sur son ordinateur. Plusieurs éléments compliquent l’identification des auteurs. Tout d’abord, la qualité des images est loin d’être optimale. La caméra bouge de gauche à droite et de haut en bas, est instable et ne se focalise pas sur des individus en particulier. “Pour les matchs à Anderlecht, nous faisons appel à l’équipe vidéo de la police fédérale, dit M. Boucar. C’est un service gratuit, mais la qualité des images est largement meilleure. Elle nous a par exemple permis de reconnaître quelqu’un du noyau dur qui a craqué un feu de Bengale contre Saint-Trond.”

Fumée, cagoules, changement de vestes : les Ultras sont rusés
Mais ce sont surtout les Ultras d’Anderlecht – responsables des faits au Standard – qui ont bien préparé leur coup. Ils étaient des dizaines à porter des cagoules. Leur devise est “No face no name” (Pas de visage, pas de nom). Mais ce n’est pas tout. “Ils allument un objet pyrotechnique et le laissent tomber à leurs pieds, ce qui provoque une énorme fumée, explique M. Boucar. Puis ils le jettent sur le terrain, s’abaissent, vont à un autre endroit dans le bloc et mettent une autre veste pour ne pas être reconnus.”
Les chaussures pourraient donner des indices. Sauf que les Ultras portent pratiquement tous les mêmes baskets. Douze spotters de la police étaient présents dans le bloc des Anderlechtois. Mais les Ultras les connaissent et les évitent. M. Boucar : “On savait qu’ils comptaient arrêter ce match en cas de défaite. Et on connaît ces gars. Mais sans identification précise, on ne peut pas dresser de P.-V. à leur encontre.” Le bilan est donc maigre : deux supporters ont été identifiés pour avoir jeté des feux de Bengale sur le terrain, et un pour avoir arraché et jeté un siège. Alors qu’ils étaient une grosse dizaine de cagoulés à avoir provoqué l’arrêt du match.

Les fouilles de cars : les “innocents” comme facteur
Vu que la police avait eu vent des intentions des Ultras d’Anderlecht avant le match au Standard, on peut se demander si on n’aurait pas pu les empêcher de rentrer dans le stade avec le matériel pyrotechnique. La première démarche était de fouiller leurs cars. Le résultat : un seul feu de Bengale a été trouvé. M. Boucar : “Ils sont malins. Ils donnent leur matériel à des clubs de supporters inoffensifs.”
Arrivés sur le parking des cars à Sclessin, les supporters s’échangent les marchandises. Ce que les supporters “innocents” ignorent, c’est qu’ils risquent aussi une interdiction de stade s’ils sont en possession de matériel pyrotechnique.
Les fouilles corporelles : soutiens-gorge, raies de fesses…
Puis a lieu une fouille superficielle par les stewards, qui n'ont pas le droit d'en faire plus que le strict minimum. Les Ultras, eux, connaissent bien les endroits de leur corps où ils ne seront pas fouillés : leur slip. “Ils en cachent même dans la fente de leurs fesses. Ou ils en fixent au-dessous des bras avec du scotch.” Un autre endroit populaire : les soutiens-gorge de leur copine.
À Lierse - Anderlecht, la police a fait des fouilles au lieu des stewards. Les supporters ont vite rangé leurs fumigènes.
Pourquoi ne pas demander à la police de faire les fouilles, comme lors du match de Coupe entre le Lierse et Anderlecht ? C’était la panique à bord parmi les supporters, qui ont jeté leur matériel pyrotechnique par terre ou sont retournés vers les cars pour les y ranger. “Dans ce cas, il faudrait tout réorganiser, dit M. Boucar. Actuellement, les clubs doivent se charger de la sécurité dans leurs stades et engagent donc des stewards, notamment pour les fouilles. Si la police devait s’en charger, il nous faudrait beaucoup plus d’effectifs. Et même, malgré une fouille rigoureuse par la police, les supporters parviendraient à faire entrer leurs objets interdits. Un objet pyrotechnique a une taille de dix centimètres.”
Pour les matchs à domicile, les supporters ont d’autres tactiques. Quand ils installent leur tifo deux ou trois jours avant le match, ils cachent leurs feux de Bengale dans les chasses des WC, sous des blocs de béton ou dans des garde-corps et barres d’appui. Il y a beaucoup de cachettes dans un stade de football.
Les solutions : “Les images des TV et des feux de Bengale ‘pro’”
Comment mettre un terme à cette rage qui risque de perturber bon nombre de matchs dans l’avenir ? M. Boucar a deux propositions. “Premièrement, je voudrais que les services de police puissent avoir accès aux images des télévisions sans devoir passer par une procédure de justice. Ces images professionnelles nous faciliteraient la tâche pour les identifications. Quand on demande les images aux chaînes, on reçoit un refus. Et bizarrement, les images des violences ne sont pas retransmises en direct.”
Et deuxièmement : pourquoi ne pas demander à des professionnels d’organiser un spectacle avec des feux de Bengale avant un match ? M. Boucar : “Si vous me demandez si les feux de Bengale ont quelque chose de festif, je dis oui. Cela met une ambiance particulière dans le stade, tout comme des écharpes, des drapeaux, une saucisse et une bière. Seulement, le risque d’accidents est énorme.”
La loi permet de faire quelque chose de façon organisée. Pourquoi pas des feux de Bengale craqués par des pro dans une zone séparée ?"
En effet, les objets pyrotechniques peuvent atteindre une température de 3 000 degrés et ont déjà provoqué de nombreuses brûlures. “Ils contiennent du phosphore et les flammèches transpercent donc les vêtements”, dit M. Boucar.
Les victimes sont souvent des supporters innocents. Pendant la finale de la Coupe contre Gand, un jeans d’un supporter du RSCA a pris feu. Un autre supporter – et d’ailleurs aussi une photographe professionnelle – ont encouru des dommages auditifs parce qu’un pétard a explosé dans leur capuchon. M. Boucar : “D’où mon idée d’organiser un spectacle pyrotechnique par un professionnel. La loi football permet de faire quelque chose de façon organisée si on respecte certaines règles. Il faut par exemple une zone séparée – donc pas dans la tribune même – où le professionnel peut craquer ses objets pyrotechniques. Les Ultras sont contre – ils estiment que cela fait partie de leur culture –, mais cela diminuerait l’utilisation sauvage des feux de Bengale.”
23 P.-V. à Anderlecht, 6 pour feux de Bengale
Pour rappel, Anderlecht a déjà purgé sa peine de deux matchs à huis clos effectifs (au Club Bruges et à domicile contre Zulte Waregem) en plus d’une amende de 10 000 euros et d’une défaite au Standard sur un score de forfait (5-0). La Pro League avait déjà infligé une amende de 50 000 euros au club bruxellois. Le Standard a lui aussi écopé d’une amende de 10 000 euros et d’une sanction d’un match à huis clos avec sursis.
Anderlecht, quant à lui, a déjà annoncé qu’il mettrait “tout en œuvre afin de réclamer les dommages financiers et matériels subis auprès des responsables. Le club a lui-même déjà entamé deux procédures d’exclusion civile et il entreprendra d’autres actions en justice.” Mais comme expliqué ci-contre, les identifications ont été très compliquées et cela pour différentes raisons. Une seule de ces procédures a mené à une exclusion civile. Un des deux supporters a été blanchi en raison d’un manque de preuves.
Pour rappel : les sanctions peuvent monter jusqu’à 5 ans d’exclusion de stade et 5 000 euros d’amende. Et Lorin Parys, CEO de la Pro League, parle même de peines de 10 ou 25 ans pour des récidivistes.
Cette saison, 23 supporters d’Anderlecht ont reçu un P.-V. pour avoir enfreint la loi football, dont 6 pour avoir allumé des objets pyrotechniques.
Six brûlés à Union – Standard, dix interdits de stade
Les supporters du Standard n’ont pas marqué des points auprès de la police de la Zone Midi à la suite du comportement de certains à Union – Standard, samedi passé. Une cinquantaine de feux de Bengale ont été craqués, provoquant six blessés par brûlures. Boucar : “Les supporters du Standard avaient demandé l’autorisation de brandir un tifo et des grands drapeaux à Anderlecht, ce dimanche. Initialement, j’avais dit oui. Mais vu les incidents à l’Union, je me tâte. En dessous des bâches, ils peuvent faire ce qu’ils veulent, sans pouvoir être identifiés. J’envisage même d'interdire un mégaphone. Cela ne me dérange pas qu’il serve à lancer des chants. Mais les chants entonnés à l’Union (NdlR : ‘Bruxelles, on t’enc…’ et ‘Unionistes de m…’) étaient provocateurs et n’avaient rien à voir avec le football.”
Dix supporters du Standard ont été identifiés pour être montés sur les panneaux de publicité au bord du terrain. “C’est une infraction à la loi football. Il y a en même qui sont montés sur le terrain. Les dix ont fait l’objet d’une procédure d’urgence, qui est nouvelle dans la loi football. On leur a fait savoir que l’interdiction de stade entre en vigueur à partir du match à Anderlecht.”