Il investit 1,8 million d’euros pour un magasin halal à deux pas du Westland Shopping… mais ne peut pas ouvrir : “je ne vais pas lâcher l’affaire”
Un conflit entre copropriétaires fait perdre des milliers d’euros à Assem depuis 5 ans. Le gérant dénonce des propos racistes. Les opposants nient et évoquent un projet inadapté.
Publié le 30-12-2022 à 14h22
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”Je n’ai plus d’autre choix que de passer par les médias. Le syndic est bloqué. La justice est bloquée. J’ai tout fait et je n’ai rien.” Assem nous accueille quelques jours avant les fêtes dans son commerce flambant neuf, Baker Market, au rez-de-chaussée d’un immeuble boulevard Sylvain Dupuis à Anderlecht. En 2017, l’entrepreneur qui gère déjà quelques magasins, en France notamment, mais aussi des établissements d’approvisionnement et de transformation de la viande, souhaite élargir son activité à la Belgique. Le quartier du Westland Shopping lui paraît idéal.
Après plusieurs galères de permis, il obtient finalement le droit d’ouvrir sa boucherie halal-épicerie, à condition d’avoir un espace de livraison. L’assemblée générale de la copropriété vote, à deux reprises, la vente à Assem de places de stationnement pour qu’elles soient transformées à cet effet… mais le dossier est au point mort.
Le magasin de 500 m2 entièrement équipé pour devenir une grosse épicerie de quartier, mais aussi une boucherie Halal avec des salles de découpe sur place, semble figé dans le temps. “J’ai investi 1,8 million ici. Je voulais créer de l’activité, de l’emploi. Pour faire fonctionner le magasin, il faut 30 à 35 personnes.” Mais alors, pourquoi ça bloque ? Le syndic qui gère aujourd’hui l’immeuble refuserait de passer l’acte qui validerait la vente des places au motif qu’une action en justice est en cours. Contacté par nos soins, le syndic n’a pas souhaité s’exprimer à ce sujet invoquant son devoir “d’impartialité” : “les procès suivent leur cours.”
L’entrepreneur accuse certains voisins, un en particulier, de lui mettre de bâtons dans les roues et dénonce même des propos racistes : “On m’a dit d’aller ouvrir mon magasin rue Wayez ou à Molenbeek avec les miens. On m’a aussi dit que si j’ouvrais, il allait y avoir un “déversement de barbus et de femmes voilées dans le quartier”. Il y a même eu des propos anti-français parce que je suis Nantais. J’ai tout fait pour que cela se passe au mieux, et je veux juste reprendre le dialogue pour avancer.” En plus du 1,8 million investi, le local coûte à Assem 100 000 euros par an sans compter les recettes qui ne rentrent pas dans la caisse. “Pour un magasin comme celui-ci, ce sont 800 000 à 1 000 000 € par an. J’ai tenté d’ouvrir une semaine, mais un voisin venait filmer mon personnel chaque jour, ce n’était pas tenable.”
Le copropriétaire pointé du doigt par Assem se défend. Il commence par nier en bloc tout propos raciste puis développe : “Je ne suis pas opposé par principe. Je veux qu’il respecte le règlement de la copropriété. On vit en collectivité, il y a des règles et il n’en respecte pas certaines.” Dans l’immeuble l’ambiance se dégrade, chacun y va de son soutien à Assem ou de son opposition. Certains vont plus loin et accusent l’entrepreneur d’être malhonnête et criblé de dettes : “qu’il aille ouvrir au Shopping, pas dans notre immeuble résidentiel. Son affaire ne marchera pas et quand il partira, la copropriété se retrouvera avec une ardoise énorme”. Les boîtes aux lettres se remplissent de flyers tantôt en faveur du magasin, tantôt pour le dénigrer dans cette copropriété, qui connaît visiblement de graves problèmes de gestion. Quatre syndics se sont succédé en cinq ans.
Aujourd’hui, Assem attend : “je reste persuadé que mon projet sera bon pour le quartier et je ne vais pas lâcher l’affaire.” La commune, interrogée par nos confrères de BX1, explique qu’elle ne peut jouer aucun rôle dans ce conflit, mais assure qu’au regard de la commune, Assem est en ordre. Elle appelle à une conciliation entre les parties.
Pendant nos recherches, nous apprenons à Assem qu’une audience est fixée devant la justice de paix… en décembre 2023. “Je suis stupéfait. Pourquoi une date aussi lointaine pour une affaire introduite en 2019 ? J’en appelle au ministre de la Justice pour faire toute la lumière sur cette affaire”.