"C'est l’ubérisation de toute la société qui est en jeu": le Parlement bruxellois adopte ses constats et recommandations après les Uber Files

La commission spéciale Uber du parlement bruxellois a adopté ce lundi 22 mai 2023 ses vingt constats et quatorze recommandations formulées au terme de neuf séances d’auditions concernant les “Uber Files”.

Belga
Uber files - La commission n'a pas constaté de pratiques illégales du gouvernement - projet de rapport
Uber files - La commission n'a pas constaté de pratiques illégales du gouvernement - projet de rapport ©BELGA

La commission spéciale Uber du parlement bruxellois a adopté ce lundi 22 mai 2023, à une large majorité, ses 20 constats et 14 recommandations formulées au terme de 9 séances d’auditions.

Celles-ci avaient été organisées durant les premiers mois de l’année pour tenter de voir dans quelle mesure les pratiques de la multinationale Uber, dont certaines illégales, dénoncées par un consortium international de journalistes, ont eu un écho à Bruxelles dans le cadre de la réforme de l’ordonnance taxis.

Les vingt constats ont été adoptés lundi par l’ensemble des groupes de la commission spéciale présidée par Cieltje Van Achter (N-VA) , à l’exception du PTB qui s’est abstenu.

Le MR qui avait pris une part active à la rédaction des recommandations s’est finalement abstenu sur celles-ci. Le PTB a voté contre celles qu’il avait tenté en vain d’amender.

Contacts “pas illégaux”

Dans son rapport adopté lundi, la commission spéciale indique ne pas avoir constaté de pratiques illégales ou inappropriées dans le chef de membres du gouvernement régional. Elle n’a pas établi de pratiques illégales de lobbying à Bruxelles dans le chef de la multinationale américaine, “nonobstant la manière par laquelle la société Uber s’est imposée à Bruxelles, et pour laquelle l’actuelle direction a présenté ses excuses”.

Projeté au-devant de la scène à la suite de révélations du lanceur d’alerte Mark Mac Gann, le nom de Pascal Smet a été évoqué dans le contexte des Uber Files.

L’enquête journalistique a révélé l’existence de contacts entre Uber et le gouvernement bruxellois lors de la préparation de la réforme de l’ordonnance taxis. L’ex-ministre de la Mobilité s’est toujours défendu, depuis ces révélations, d’être sorti des clous du défendable en matière de lobbying. Il l’a également fait, avec force détails, devant la commission, le 30 mars dernier.

Les recommandations en gestation plaident notamment en faveur de la mise en place d’une commission de déontologie via une ordonnance d’ici la fin de la législature et la relance du comité consultatif régional des Taxis.

Il y a plusieurs recommandations en matière de transparence au niveau du gouvernement.

”Tout ça pour ça”

Au cours des échanges du jour, certains députés ont réitéré leurs doutes quant à l’opportunité d’avoir mis en place cette commission spéciale, appelée de leurs vœux principalement par les groupes PS et Ecolo.

Embrayant sur des propos tenus dans ce sens, vendredi par le ministre Open Vld Sven Gatz et le président de DéFI, François De Smet, sur le mode “tout ça pour ça”, David Weytsman (MR-opposition) a estimé que le rapport constituait le plus petit commun dénominateur entre les partis.

À ses yeux, il y aurait eu davantage de matière à traiter devant une commission de ce type en matière de pouvoir d’achat, de niveau de pauvreté en hausse, de défaillances dans le logement social ou de niveau de violence alarmant dans certains quartiers.

L’élu libéral a une nouvelle fois exprimé sa sympathie pour la formule “moderne” de transport qui “crée de l’emploi”, proposée par les plateformes telles qu’Uber et son rejet de certaines dérives observées dans le secteur du taxi traditionnel confirmées par certains témoignages.

Épargnant, comme le rapport, l’ex-ministre Smet, il a reproché au ministre-président Rudi Vervoort de ne pas avoir été équitable dans son écoute attentive des différents acteurs, privilégiant, selon lui, celle du secteur des taxis.

”Capitalisme débridé”

”Le lobby (en faveur d’Uber, ndlr) n’est pas mort. On a encore entendu les porte-voix de la multinationale. Cela nous inquiète et a donné lieu à cette demande de commission spéciale”, a répliqué Marc-Jean Ghyssels (PS).

Pour celui-ci, la manifestation nationale de lundi a été organisée pour “dénoncer des pratiques tout aussi scandaleuses d’ubérisation” dans d’autres secteurs.

”Au nom d’un capitalisme débridé, un certain nombre de députés se sont approprié les éléments de langage d’Uber. Pourtant, il est évident que c’est l’ubérisation de toute la société qui est en jeu, avec des moyens déséquilibrés”, a-t-il ajouté.

”Trop indulgent”

Abondant dans ce sens, Hicham Tahli (Ecolo) a estimé, “contrairement à ceux qui prétendent que cette commission a accouché d’une souris”, que le secteur du taxi a été “réhabilité par rapport à ce qu’il dénonçait depuis des années sur les pratiques d’installation délibérément contraires à la loi et à l’esprit de la loi.

Cette commission a permis également de s’interroger sur les pratiques et rôles de législateur et sur le cadre déontologique.

”La seule obligation des parlementaires bruxellois est d’effectuer une déclaration de patrimoine. Nous allons donc faire en sorte qu’un nouveau cadre de déontologie soit créé pour les parlementaires, mais aussi pour le gouvernement et les cabinets ministériels”, a-t-il dit

Par ailleurs, il a salué, dans une période de défiance croissante à l’égard du politique, l’exercice de s’interroger sur les pratiques politiques pour les faire évoluer vers plus de transparence à l’égard du citoyen.

Françoise De Smedt (PTB) a jugé que le rapport était trop indulgent avec Uber “qui ne se soucie pas de la loi, a infiltré l’administration, payé des détectives et se montre capable de dépenser des millions en un claquement de doigts pour écraser tout, chauffeurs compris, sur son passage”. Pour elle, les recommandations sont vagues et n’y changeront rien.

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