En 10 ans, Vivaqua a rénové 210 km d’égouts à Bruxelles, très loin de l’objectif initial : “on ne peut pas nous dire : endettez-vous à nouveau”
Il reste environ 300 kilomètres d’égouts à rénover à Bruxelles. La facture dépassera le 1,5 milliard d’euros annoncés voici quelques années. Endettée de plus d’un milliard d’euros, Vivaqua ne pourra tenir la distance sans soutien externe.
Publié le 09-05-2023 à 09h35
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Entre 2012 et 2022, en dix ans donc, Vivaqua a rénové 209,2 kilomètres d’égouts. Auxquels on peut ajouter 12,8 kilomètres prévus cette année 2023. C’est beaucoup moins que les 25 kilomètres par an annoncés et promis en 2010, ramenés à 20 kilomètres par an en 2017. Loin, également, de l’objectif fixé à 300 kilomètres pour cette année 2023. Entre-temps, les incidents sur le réseau d’assainissement restent stables : 96 l’an passé, 62 en 2021, 94 en 2020.
Les raisons qui expliquent ces retards conséquents en termes de rénovation des égouts bruxellois sont multiples. Le ministre en charge du dossier Alain Maron (Ecolo) en a listé certaines, répondant à une question écrite de la députée libérale Aurélie Czekalski.
”En 2020, par anticipation aux surcoûts liés à l’implémentation du travail à double shift par la Région et afin d’éviter un report de ceux-ci sur la facture d’eau, le CA de Vivaqua avait décidé de revoir son objectif 2024 de taux de renouvellement du réseau d’assainissement de 1,30 à 1,10 %”, avance le ministre Ecolo. “Suite à l’inflation importante déjà constatée fin 2021, le CA du 15 décembre 2021 a de nouveau revu à la baisse les taux de renouvellement du réseau afin de pouvoir respecter les enveloppes d’investissements prévus avant l’inflation.”
Les taux avaient ainsi été revus à 0,8 % pour 2022 et 0,9 % pour 2023. Avant une nouvelle révision à 0,64 % pour 2023. “L’inflation galopante et l’emballement des coûts de l’énergie et des matériaux en 2022 ont provoqué un accroissement important des charges mensuelles de Vivaqua […] La situation économique atypique et instable a amené Vivaqua a présenté un nouveau plan d’investissement 2023.” […] “Un taux maximum de renouvellement en assainissement de 0,64 % a été présenté pour cette année 2023”, détaille encore le député Ecolo. Soit, 12,8 kilomètres pour cette année, donc pour un budget d’environ 53 millions d’euros. “Ce n’est pas faute d’avoir investi, 830 millions dans les égouts et bassins d’orage en 13 ans”, rappelle la CEO de Vivaqua Laurence Bovy. Le plan de rénovation pour 2024 est en cours d’élaboration. Exit donc les plans pluriannuels de rénovation, instabilité du contexte économique oblige.
En quelques années, l’objectif d’assainissement des égouts bruxellois a donc été divisé par deux. Ceci alors que Vivaqua faisait mention, en 2021 “de plus de 200 kilomètres de tronçons d’égouts urgents à rénover car fortement dégradés” pour la période 2021-2026, note Aurélie Czekalski dans sa question. “Alain Maron est au courant de la situation depuis fin 2021 et n’a entrepris aucune démarche. Il laisse la situation se dégrader au sein de Vivaqua”, dénonce la libérale, qui accuse la majorité de “préférer étouffer le débat”.
En très grosse difficulté financière, Vivaqua a vu sa dette dépasser le milliard d’euros en 2022. Et a effectivement dû faire face à des coûts de chantier en très forte hausse, estimée à 19 % par Vivaqua. “En 2017, le coût d’un mètre courant d’égout rénové atteignait 3 000 euros, il était de 3650 euros en 2021 et est monté à 4 000 euros en 2022”, confirme le directeur des études et investissements chez Vivaqua Olivier Broers. Qui précise qu’un égout n’est pas l’autre et que son coût de rénovation au mètre courant diffère fortement selon la taille de l’édifice.
Aujourd’hui, Vivaqua connaît l’état de 97 % de son réseau. Et confirme ce que l’on savait déjà : plus de 25 % du réseau est en mauvais état, soit environ 500 kilomètres. Avec l’inflation, le coût global de la remise en état du réseau d’égouttage bruxellois dépassera le 1,5 milliard d’euros annoncé voici une dizaine d’années. Les 30 kilomètres encore à rénover ne sont pas tous dans le même état. Difficile néanmoins de détailler où se situe l’urgence.
”D’un côté, nous disposons d’une cartographie permettant de voir ou les dangers sont les plus importants. De l’autre, nous nous coordonnons avec d’autres chantiers”, explique Olivier Broers. Ainsi, Vivaqua profite du chantier du métro pour rénover les égouts dans le secteur concerné. “C’est un mix entre les cas les plus graves et les gros chantiers sur lesquels nous nous greffons. L’urgence de l’intervention est aussi aux conséquences d’un effondrement de voirie, plus grave devant un hôpital que dans un clos ou un cul-de-sac.”
Cette année, Vivaqua a dû reporter plusieurs chantiers, s’imposer un moratoire sur le recrutement, etc. Il y a donc urgence. Récemment, Laurence Bovy avait ouvert la piste d’un refinancement pour sauver l’entreprise. “Notre objectif pour 2023 est de maintenir l’endettement” – à un peu plus d’un milliard d’euros – “mais cette situation n’est pas tenable sur la durée.” Chaque année, Vivaqua paie plus de 20 millions d’euros rien qu’en charge d’intérêt. “Contrairement à d’autres services essentiels, nous sommes le seul qui doit aller chercher ses recettes seules. On ne peut pas nous dire : endettez-vous à nouveau”, argue-t-elle. L’appel de la CEO n’a pour l’instant pas été entendu. Aucun retour des partis membres de la majorité, l’initiative “personnelle” de Laurence Bovy n’a même pas encore été débattue au sein de son conseil d’administration.
Il y a pourtant urgence…