Un verre avec Jean-Claude Defossé, l’indécrottable emmerdeur (vidéo)
Jean-Claude Defossé, le Monsieur Grands Travaux Inutiles de la RTBF, a sorti ses mémoires. L'occasion d'aller boire un verre avec lui pour tailler le bout de gras.
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Publié le 29-04-2023 à 06h00
« Mémoires d’un âne » aurait pu s’appeler « Les mémoires d’un indécrottable emmerdeur ». Parce que c’est comme cela qu’il se surnomme lui-même. « J’ai du mal à être sérieux tout le temps, alors je m’en sors en faisant un peu l’imbécile. »
Jean-Claude Defossé, l’empêcheur de gaspiller comme on veut, celui qui mettait le doigt là où ça faisait mal, a pris sa pension ertébéenne il y a déjà de nombreuses années. Mais ses mémoires, sorties il y a quelques semaines, sont un succulent condensé d’une vie quelque peu hors du commun.
Nous l’avons rencontré dans sa maison de campagne du Brabant wallon, au milieu de ses nombreux tableaux et délires picturaux. Formé aux beaux-arts dès sa prime jeunesse, Jean-Claude Defossé s’en est retourné à ses pinceaux.
Découvrez son interview dans notre vidéo en tête de cet article.

Antitout
Il n’est peut-être pas antitout, mais il est certes anticlérical : « Les religions sont le ferment de toutes les guerres depuis qu’elles existent. Et encore aujourd’hui ». Et même s’il n’a pas voulu dévoiler l’existence de Delphine, la fille cachée du roi Albert II, il est foncièrement antimonarchique : « C’était leur vie privée. » Jusqu’au moment où « Delphine est sortie du bois. Là, ça devient d’intérêt public. »
Ceci ne l’a pas empêché « contre son gré », d’être élevé au rang d’Officier de l’Ordre de la Couronne. Drôlerie sur son CV.

Un trublion à Reyers
Ses cours aux beaux-arts, dès ses 10 ans, c’était une bouffée d’oxygène dans une enfance qui n’avait rien d’un conte de fée. Après avoir été prof de dessin pendant quelques années, c’est par hasard qu’il passe le concours d’entrée à la RTB. On était début des années 70 et nul, au sein de l’honorable maison, ne s’attendait à accueillir un tel trublion. « Je suis contre la hiérarchie, contre l’autorité. Un journaliste se doit d’être libre ». Il n’a de cesse de le démontrer tout au long de sa carrière.
Ce qui le rendra définitivement sympathique aux yeux du public, c’est sa série de reportages sur les « Grands Travaux Inutiles », ironiquement appelés GTI. Commencés un peu par hasard un dimanche de vaches maigres le long du canal Albert, ces reportages animeront les soirées du dimanche du public belges pendant deux fois 9 mois. « Mais si le public retient surtout les GTI, ce n’est pas ce que j’ai fait de plus intéressant. »
Nul ne sait vraiment si désormais ceux qui nous gouvernent font plus attention aux budgets des travaux publics. La gare de Mons et la Maison des Parlementaires nous font penser que ce n’est toujours pas le cas.
Tout au long de sa riche carrière, il multipliera les grands reportages : l'extrême droite, la pauvreté, une interview plutôt inattendue de l'abbé Pierre. Et aussi une interview qui n'aura, heureusement pour lui, jamais lieu : celle de l'ennemi public N°1 en France, Jacques Mesrine.

Un député dépité
Une fois pensionné, par bravade, il acceptera de figurer sur les listes ÉCOLO et se retrouvera propulsé au Parlement fédéral.
« C’est une erreur de parcours », dit-il sans détour, tellement il fut déçu par cette expérience lors de laquelle il s’est rendu compte qu’un député n’est pas libre de voter ou de proposer des idées. « Ce monde n’est pas fait pour moi ». Tardive prise de conscience.
Désormais retiré de la vie publique et médiatique, Jean-Claude Defossé continue de s’intéresser au monde qui l’entoure. Replié dans sa campagne brabançonne, il gribouille ses toiles avec toujours cet esprit provocateur qui lui sied si bien.

Blanchi 17 ans plus tard
L’arrêt de la Cour Européenne des Droits de l'Homme est tombé tout récemment : Jean-Claude Defossé a été blanchi des accusations qui pesaient contre lui. Il lui était reproché… le ton d’un reportage qu’il avait réalisé il y a 17 ans sur les « luttes coquines » qui se tenaient au sein d’une école rochefortoise et étaient organisées par un préfet de cette école.
L’affaire avait en son temps fait grand bruit et le journaliste avait été condamné à deux reprises avant même la tenue du procès des principaux protagonistes de cette troublante affaire.
Cette bataille juridique qu’il a menée si longtemps était avant tout une bataille de principe, pour laver son honneur, son professionnalisme et surtout pour défendre le droit d’informer librement.
Toujours aussi farouche défenseur de cette liberté d’expression et de ton, Jean-Claude Defossé a gagné ce procès devant cette haute instance juridique européenne. « Une victoire essentielle pour la liberté d’informer. »
Jean-Claude Defossé, « Mémoires d’un âne », Kennes Éditions.