Ce Rubens revient en star à Bruxelles : il est estimé entre 20 et 30 millions de dollars

Une toile du maître flamand Pierre Paul Rubens s’expose avenue Louise depuis ce mercredi 21 février. La célèbre maison Sotheby’s le vendra à New York en mai. Ses experts vous expliquent pourquoi le vieux maître anversois pourrait atteindre “entre 20 et 30 millions de dollars” aux enchères.

Julien Rensonnet

”C’est un vrai slam dunk de ramener ce tableau ici en Belgique, où il a été peint, quelque 400 ans après sa création”.

Il a de l’émotion dans la voix, George Gordon. Le co-Président de Sotheby’s ne tarit pas d’éloge lorsque sa salle de vente bruxelloise dévoile ce “Portrait d’un homme en dieu Mars”, que Pierre Paul Rubens a peint à Anvers vers 1620. Ce tableau, sorti de “l’illustre” collection du couple divorcé Fisch Davidson, sera vendu en mai dans la salle new-yorkaise de la fameuse maison américaine. Ce guerrier cuirassé à la pelisse de fourrure léonine est estimé entre 20 et 30 millions de dollars. Soit entre 19 et 28 millions d’euros.

"Portrait d'un homme en dieu Mars", une toile que Rubens a peinte aux alentours de 1620, s'expose chez Sotheby's à Bruxelles. Le tableau est estimé entre 20 et 30 millions de dollars et sera vendu en mai 2023 à New York.
"Portrait d'un homme en dieu Mars", une toile que Rubens a peinte aux alentours de 1620, n'a plus été vue en Belgique depuis 200 ans. ©EdA - Julien Rensonnet
"Portrait d'un homme en dieu Mars", une toile que Rubens a peinte aux alentours de 1620, s'expose chez Sotheby's à Bruxelles. Le tableau est estimé entre 20 et 30 millions de dollars et sera vendu en mai 2023 à New York.
George Gordon, co-Président de Sotheby's. ©EdA - Julien Rensonnet
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Les images humaines, c'est ce qui résonne le plus aux yeux du public.

Un casque pas inconnu en Belgique

”Les images humaines, c’est ce qui résonne le plus aux yeux du public”, reprend Gordon, spécialiste des vieux maîtres européens. “Ici, Rubens repousse les limites car il s’agit tout autant d’un portrait que d’une allégorie du dieu Mars”. Le maître baroque est en effet obsédé par l’Antiquité, à un point tel qu’il demandait à ses assistants de lui lire les textes anciens alors qu’il peignait. “Surtout, Rubens aimait peindre. C’est viscéralement évident dans ce tableau, l’usage des couleurs, des techniques…” Christopher Apostle, responsable des peintures des vieux maîtres pour Sotheby’s New York, abonde : “Ce dieu Mars a quelque chose de très moderne, très contemporain. On le présente d’ailleurs lors d’une vente art moderne. On y lit la puissance militaire, mais le personnage reste humain. Confiant, mais absolument humain. C’est un tour de force”.

"Portrait d'un homme en dieu Mars", une toile que Rubens a peinte aux alentours de 1620, s'expose chez Sotheby's à Bruxelles. Le tableau est estimé entre 20 et 30 millions de dollars et sera vendu en mai 2023 à New York.
Christopher Apostle, responsable des peintures des vieux maîtres pour Sotheby's New York. ©EdA - Julien Rensonnet
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Ce dieu Mars a quelque chose de très moderne. On y lit la puissance militaire, mais le personnage reste humain. Confiant, mais absolument humain. C'est un tour de force.

Le tableau est peint à Anvers alors que Rubens a passé plusieurs années en Italie, s’imprégnant des sculptures antiques et des toiles de Raphaël, du Caravage et du Titien. Il y enrichit aussi sa collection d’antiquités. “Le peintre était obsédé par les armures. Ainsi, on sait qu’il possédait le casque au dauphin représenté ici”, détaille Gordon. Anecdote : l’objet apparaît aussi dans ses œuvres de la cathédrale de Tournai ou aux Beaux-Arts de Bruxelles. En 1608, Rubens espère revenir au chevet de sa maman malade, mais elle meurt avant son retour dans le Nord. “Il change alors le style européen”, pointe Apostle. À un point tel que plus personne à Anvers ne souhaite le voir repartir. Et surtout pas la cour de Bruxelles des Habsbourg. “Avant Rubens, c’était un autre monde : il a eu tellement d’impact”.

"Portrait d'un homme en dieu Mars", une toile que Rubens a peinte aux alentours de 1620, s'expose chez Sotheby's à Bruxelles. Le tableau est estimé entre 20 et 30 millions de dollars et sera vendu en mai 2023 à New York.
L'homme représenté est un inconnu. ©EdA - Julien Rensonnet
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On ne sait qui est l'homme représenté. C'est un inconnu. En tout cas, le mec ne manque pas d'ego.

Mais qui est ce personnage portraitisé par l’Anversois au retour d’Italie ? “On ne sait pas. C’est un homme inconnu. En tout cas, le mec ne manque pas d’ego”, sourit Marianna Lora, directrice adjointe de Sotheby’s Bruxelles. Il pourrait s’agir d’un autre peintre. Il se pourrait aussi que Rubens y assemble plusieurs modèles. La spécialiste des Flamands assure en tout cas que “le tableau coche toutes les cases” permettant d’atteindre cette estimation à 30 millions : “Il est de la main de Rubens, il date du pic de sa carrière après son retour à Anvers, il est dans un excellent état notamment grâce à son passage dans les prestigieuses collections Rothschild et Kress. Il a aussi été exposé deux fois au Metropolitan.

Un record pour Rubens ?

Un musée pourrait-il mettre la main sur ce tableau ? “Des Américains ont certainement les moyens d’acheter des peintures de cette valeur”, acquiesce Marianna Lora. Et un retour en Belgique, c’est jouable ? L’experte reste prudente. “Ce n’est pas impossible. Certains collectionneurs ont un pouvoir d’achat très élevé. Mais le vendre à New York permet d’attirer des acheteurs du monde entier. Le mois dernier, 18 pays étaient représentés. Dont la Belgique”.

"Portrait d'un homme en dieu Mars", une toile que Rubens a peinte aux alentours de 1620, s'expose chez Sotheby's à Bruxelles. Le tableau est estimé entre 20 et 30 millions de dollars et sera vendu en mai 2023 à New York.
Ce Rubens attirera les yeux des collectionneurs d'art ancien du monde entier en mai à New York. ©EdA - Julien Rensonnet

Lors de la vente de 10 premières pièces du couple de collectionneurs Fisch Davidson, un autre Rubens est parti à près de 27 millions de dollars. Soit le 3e prix le plus élevé pour une toile de l’Anversois. “Ce n’est pas si cher par rapport aux tableaux modernes et contemporains”, relève Marianna Lora. “En 2022 à Londres, “L’Empire des Lumières” de Magritte a atteint le record de 72 millions d’euros”. Pour Rubens, le record remonte à 2002 lorsque “Le Massacre des Innocents” est parti à 78 millions de dollars. Ce qui reste le tableau le plus cher de l’histoire de la Belgique. Comme quoi, notre pays a la cote.

+ Le tableau est à voir ces 21 et 22 février 2023 chez Sotheby's, avenue Louise 251.

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