Détectives privés, frais de fourrière, honoraires d'avocats: comment Uber tentait d’affermir sa position à Bruxelles

Le Parlement bruxellois a auditionné le boss d’Uber ce 16 février 2023. Laurent Slits assure que si sa firme a “pris un mauvais départ” chez nous, elle s’est aujourd’hui assagie. Les députés ont aussi entendu le patron de Heetch.

Belga
Laurent Slits est à la tête d'Uber depuis mars 2020. Il a été auditionné par le Parlement bruxellois ce 16 février 2023 dans le cadre des Uber Files.
Laurent Slits est à la tête d'Uber depuis mars 2020. Il a été auditionné par le Parlement bruxellois ce 16 février 2023 dans le cadre des Uber Files. ©Uber Belgium

Laurent Slits, CEO d’Uber en Belgique depuis 2020, a reconnu jeudi au parlement bruxellois que sa firme avait pris un mauvais départ à Bruxelles et s’en est excusé. Mais, selon lui, Uber respecte aujourd’hui la nouvelle ordonnance sur les taxis, même si l’entreprise n’est pas d’accord avec tout ce qui s’y trouve.

La commission spéciale Uber a entendu jeudi les CEO d’Uber Belgique et de Heetch, Laurent Slits et Teddy Pellerin.

M. Slits a admis qu’Uber avait pris un très mauvais départ à Bruxelles et qu’il faisait aujourd’hui tout son possible pour rétablir la confiance. Devant les commissaires, il s’est excusé pour “les faits d’avant 2017” – époque à laquelle la direction d’Uber a changé et, selon lui, radicalement modifié sa politique.

Mercredi, le lanceur d’alerte Mark MacGann, ex-lobbyiste d’Uber, avait au contraire affirmé que les pratiques frauduleuses se poursuivaient.

Des critiques

Laurent Slits a assuré que, depuis qu’il est CEO, il n’y avait plus de recours à des détectives privés, à de faux profils sur les médias sociaux ou au paiement de chauffeurs pour manifester. En revanche, Uber a payé à titre exceptionnel des honoraires d’avocats et des frais exceptionnels de fourrière à la suite de saisies de véhicules.

En ce qui concerne la nouvelle ordonnance sur les taxis, M. Slits a déclaré qu’il n’avait été en contact avec le ministre-président Rudi Vervoort qu’en avril 2021. Il a également pu faire ses observations sur le projet de plan de taxis et les a également transmises à certains députés.

Selon lui, la nouvelle ordonnance sur les taxis a le grand mérite de donner un cadre clair au secteur. Néanmoins, il formule un certain nombre de critiques. Par exemple, Uber s’oppose au numerus clausus et aux tarifs minimum et maximum. M. Slits est en outre favorable à une licence unique, alors qu’il existe désormais deux catégories de licences.

Peu d’accès

Auditionné également mercredi, le CEO de Heetch, Teddy Pellerin, a admis que la plate-forme française, en tant que petit acteur, avait peu d’accès au gouvernement ou aux députés pour faire entendre sa voix.

Selon lui, celle-ci a été fondée en 2013 dans un autre état d’esprit que la multinationale Uber. Elle visait initialement à offrir, grâce au digital, la possibilité de ramener les jeunes chez eux la nuit, en raison d’une offre de taxis insuffisante. La commission prise par la start-up française était également moins élevée. Les revenus par chauffeur étaient volontairement plafonnés, le concept étant de permettre à ceux-ci de réduire leurs frais d’acquisition et d’entretien d’une voiture, sans plus.

”Nous avons essayé de bousculer le marché mais de manière plutôt saine, en agissant dans la zone grise de la législation, et non en ayant conscience de violer la loi”, a-t-il notamment dit.

En Belgique, Heetch a pu profiter de la loi De Croo, alors ministre fédéral de l’Agenda numérique, qui offrait à l’économie de partage une fiscalité adaptée sous certaines conditions.

Livre blanc

Le chef de cabinet du ministre bruxellois de la Mobilité de l’époque, Matthias Dobbels, a dit alors au CEO que Heetch pourrait travailler à Bruxelles “si les taxis restent calmes”, mais qu’il ne pourrait pas l’aider dans le cas contraire.

Toujours selon le CEO, Heetch n’a pas été impliqué dans l’élaboration de la réforme du plan taxis, faute de temps et de ressources en tant que petite start-up.

Lorsque, juste avant la crise liée à la pandémie de corona, il est apparu que le gouvernement bruxellois travaillait sur un nouveau plan de taxis, qui prévoyait également un espace pour les LVC, Heetch a tenté d’entrer en contact avec le gouvernement et les groupes politiques bruxellois. Mais cela a été difficile, reconnaît M. Pellerin, qui leur avait auparavant envoyé un livre blanc reprenant la position de Heetch sur le secteur.

Heetch a également reçu une première version du plan taxi de Rudi Vervoort, sur laquelle des commentaires pouvaient être faits, mais il n’y a pas eu de réponse aux demandes de rencontre. Pour M. Pellerin, il est clair qu’Uber et Heetch n’ont pas eu droit au même traitement. Selon lui, le secteur du taxi traditionnel a plus d’influence sur la législation que les plateformes.

90 millions d’euros de lobbying

Uber et Heetch font tous deux appel à un cabinet extérieur pour les aider dans leurs démarches auprès des autorités. Mais les budgets varient considérablement. : Uber dispose d’une enveloppe annuelle de 90 millions d’euros pour le lobbying mondial, Heetch la limite à 30.000 euros par an, voire plus en cas de problèmes juridiques, mais jamais au-delà de 100.000 euros, selon Teddy Pellerin.

Celui-ci a enfin évoqué les démarches effectuées sur base volontaire par Bruxelles Mobilité pour coincer les chauffeurs travaillant avec la plate-forme Heetch. La plate-forme s’est à un moment aperçue, selon le CEO, que Bruxelles Mobilité avait recruté des étudiants pour commander un LVC via la plate-forme. Dans la foulée, une opération de police était mise en place. Contrairement à Uber, Heetch n’est pas intervenu dans les frais de fourrière des véhicules saisis, faute de moyens, a-t-il encore indiqué.

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