Un “symbole”, un “patrimoine”, un “poumon pour les jeunes” : le quartier Stalingrad sous le “choc” face au possible démantèlement du Palais du Midi
Pour poursuivre le chantier du métro 3, la Stib devra peut-être effectuer des travaux dans le Palais du Midi. Une nouvelle qui suscite inquiétude avenue de Stalingrad et boulevard Lemmonier.
Publié le 14-02-2023 à 10h22
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”Un choc.” Dans leur salon de thé greffé au Palais du Midi, Nabila et son mari Bouissa “ne trouvent plus les mots” depuis l’annonce du possible démantèlement d’une partie du bâtiment. “Je n’arrête pas de regarder toutes les infos. Je ne sais pas vers quoi on va”, s’inquiète Nabila.
On l’annonçait récemment dans nos colonnes : le pharaonique chantier du métro 3 bute sur de fâcheux imprévus au niveau de l’étanchéité sous le Palais du Midi. De quoi retarder le projet et saler la facture.
La Stib propose de démonter le toit du Palais du Midi pour débloquer le chantier du métro 3Deux options se présentent dès lors à la Stib pour poursuivre les travaux : soit utiliser des piliers plus profonds (170 millions d’euros, et un délai de huit ans), soit travailler en surface “dans” le Palais du Midi, c’est-à-dire enlever le toit et installer les grues dans l’édifice situé à cheval sur le boulevard Lemmonier et l’avenue de Stalingrad, à deux pas de ce qui est appelé à devenir la nouvelle station de métro Toots Thielemans. Un démantèlement partiel qui ne touche pas aux façades et devrait être suivi d'une rénovation de l'intérieur du lieu.

"Un symbole” pour le quartier
"Quoi ? Ils vont faire quoi avec le Palais du Midi ? Non, on n’a rien entendu.” À la sortie de la Haute Ecole Francisco Ferrer, côté Midi du Palais, ces jeunes étudiants de stylisme pensent à une blague. “Tant qu’on ne touche pas les murs, ça va”, glisse Aarab, riverain attablé avec un thé à la menthe sur un bloc de béton devant “son café préféré”. “Avec les ingénieurs qu’on a aujourd’hui, ils doivent bien pouvoir trouver une solution pour ne pas abîmer le Palais. Sinon, il faut stopper."

Car “le lieu fait partie du patrimoine de Bruxelles”, insiste Yagoub El Bachiri. Sa boutique de meubles et tapis est incrustée dans le Palais, depuis 20 ans. “Je tiens à ce lieu. Regardez cette architecture ! C’est magnifique.”

Dans le quartier, tout le monde est unanime : “le Palais du Midi est un symbole”, comme résume Mohamed, du café Rambla. “C’est pas n’importe quel bâtiment hein ! C’est le Palais du Midi quoi ! Tout le monde le connaît, à Bruxelles et au-delà.”

Repère visuel, le massif bâtiment érigé en 1880 par la Compagnie Générale des Marchés dans l’objectif de dynamiser le commerce du quartier abrite un nombre inouï de fonctions. Des établissements Horeca, des boutiques, un complexe sportif, l’école Francisco Ferrer… Une concentration d’activités assez exceptionnelle qui fait du Palais “un lieu de vie”.
"Tous les jeunes viennent d’ici. Avec les écoles en journée, ou après avec les associations après-midi. Le Palais du Midi, c’est un poumon pour les jeunes du quartier”, explique un employé aux infrastructures sportives bruxelloises, véritable vétéran des lieux. “Faire les travaux ici, c’est un truc de dingue. Je ne sais pas comment on fera pour s'organiser”, s’exclame à son tour un enseignant d’éducation physique en faisant entrer une classe de jeunes étudiants.
Une insoutenable incertitude
Au-delà d’une éventuelle intervention dans le Palais, le fait de voir le chantier du métro embourbé fait grincer les dents dans le quartier Stalingrad. “Ils savaient que c’était un ancien marécage ici”, peste un commerçant. “Depuis le début, on a été contre le métro”, se rappelle Nabila, dans son commerce désormais déserté. “Puis les travaux ont commencé, et on s’est dit : allez, ça sera une opportunité, on tient le coup. Tenir encore deux ans, c’est possible. Mais maintenant, on ne sait plus quand ça va s’arrêter… Et les factures, elles, ne s’arrêtent pas. On vient même de vendre notre véhicule. La situation est catastrophique.”
Palais du Midi : un problème connu depuis dix ans”On veut la solution la plus rapide et avec le moins d’impact”, insiste un commerçant, qui lui veut rester anonyme. “On est dans une position de faiblesse. La Stib fera ce qu’elle veut, et on devra suivre.”
Ce lundi matin, la plupart des petites échoppes du Palais sont portes closes. Certaines pour la matinée, d’autres à durée indéterminée. Côté Stalingrad et Lemmonier, le trottoir a été en grande partie réduit à un passage étroit, délimité par une grande balustrade cachant le titanesque chantier. La poussière vole, la boue macule certaines palissades.


En voyant le vaste désert de terre battue, un sentiment de non-retour domine chez Yagoub. “Le chantier est lancé. Dans ma tête, c’est parti jusqu’à au moins 2030…” Une fois le métro achevé, il faudra encore réaménager la rue : le permis a été introduit pour faire de l’avenue de Stalingrad une voie en sens unique avec des trottoirs élargis. “Bien sûr, le quartier sera plus beau. Mais en attendant, il faut tenir jusque-là”, soupire un indépendant.