”Les trottinettes, c’est les nouveaux pavés” : au centre de crise de Bruxelles, juste avant France – Maroc
Un souper Europe-Asie avec 37 chefs d’État et une demi-finale France-Maroc : c’était “un gros soir” au centre de crise bruxellois. L’Avenir y était.
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- Publié le 14-12-2022 à 22h34
- Mis à jour le 14-12-2022 à 22h50
”Ce soir, on est en live. On minimise souvent ce que ça représente comme mobilisation, une soirée comme ça”. Dans le “bunker” du centre de crise bruxellois, Philippe Close vérifie une dernière fois que tout est en place. Ce mercredi 14 décembre 2022, Bruxelles accueille en même temps un souper Europe-Asie et les fans du Maroc pour la demi-finale de la Coupe du Monde. 19h. Sur les écrans, les escortes des limousines s’engouffrent dans les tunnels avant de déposer smokings et robes de soirée à Bozar. “On va devoir gérer en même temps le retour des chefs d’état à leurs hôtels et la fin du match. Une ville qui vit ça, elle nous bouge plus. Nous, on ferme trois rues”. Plus tôt dans l’avant-soirée, le Comme Chez Soi a appelé parce qu’une autopompe stationnait sur son seuil. “On a demandé aux gars de la déplacer”. C’est ça aussi, préparer un match…

”Ça bouge square de l’Aviation”

Ce soir, le chef de corps de la zone Bruxelles-Capitale Ixelles Michel Govaerts est le “gold commander”. Assis à la table centrale, il supervise les opérateurs caméras et les relais des différentes zones attablés à ses côtés. Si les rassemblements dégénèrent, c’est lui qui prendra les décisions, sous l’œil attentif du Bourgmestre. Close : “lors du précédent match du Maroc, j’ai appelé mon homologue anderlechtois Fabrice Cumps pour le prévenir que ça bougeait au square de l’Aviation”. Tout ça est défini en amont par des protocoles signés : rien ne s’improvise. “Tout le monde sait quoi faire et tout le monde est connecté dans le même silo. Pour ce match, on sait où être vigilants. On peut décider d’envoyer un renfort à Étangs Noirs à Molenbeek ou à Bockstael à Laeken si c’est calme au centre”. La Haut fonctionnaire Sophie Lavaux prend pour sa part la coordination des autres “disciplines” : STIB, SIAMU, protection civile, Croix Rouge, Mobiris… Eux aussi disposent d’un opérateur au centre de crise. “Fermer une station, on fait ça d’ici”.

On va devoir gérer en même temps le retour des chefs d'état à leurs hôtels et la fin du match. Une ville qui vit ça, elle nous bouge plus. Nous, on ferme trois rues.

Le centre de crise de safe.brussels a bénéficié de 56,5 millions d’euros de subventions régionales depuis sa création en 2019. Selon Govaerts, “depuis 2017, toutes nos demandes concernant l’outil ont reçu réponse favorable”. Le gradé n’y va pas avec le dos de la cuiller. “Le nombre de visites belges et internationales qu’on reçoit ici prouve qu’on est à la pointe”. Une centaine d’opérateurs sont mobilisés pour la soirée. Sur le terrain, le chef de corps dispose de 300 hommes de sa troupe d’intervention. Dans le jargon, on dit “int”. Outre les forces de la réserve fédérale, il a aussi mobilisé les policiers “hypothéqués” par les zones flamandes et wallonnes. Close : “Ce sont les policiers qui assistent aux grands événements comme Francorchamps, Tomorrowland ou les matchs de foot. Nous aussi, on envoie des hommes dans ces cas-là”.
”Juste une poubelle qui brûle”
19h30. Calme plat. Casque vissé sur les oreilles, Jurgen Gouwy scrute ses écrans. Ils diffusent autant les Plaisirs d’Hiver que la rue de la Loi. Le boulot du coordinateur du centre de crise et chef dispatching de la zone : partager “les hot spots”. En clair : là où ça se passe. Voire là où ça chauffe. “On reçoit des milliers de caméras. Nous les envoyons aux différents opérateurs”. Le chef de corps Michel Govaerts travaille aussi à accéder à celles des centres commerciaux. “On ne filmerait pas tout le temps évidemment. Mais s’il se passe quelque chose…”
Je voudrais accéder aux caméras des centres commerciaux. On ne filmerait pas tout le temps évidemment. Mais s'il se passe quelque chose...


Sur le terrain, on se tient prêt à faire décoller les drones. Close s’enthousiasme : “Avant, les caméras, c’était bof. Puis on a eu la couleur. Là, les drones, ils font un boulot de dingue. Ça nous aide dans les décisions”. Govaerts poursuit : “Ils nous offrent une meilleure vision sur les événements alors qu’au sol, il y a un effet de masse. Et puis c’est beaucoup plus silencieux que l’hélicoptère. Et moins cher”. Leurs caméras thermiques s’opèrent aussi de nuit. Le Ministre-président Rudi Vervoort opine : “L’un des enjeux est aussi de protéger les policiers : ils ne se font plus encercler. Et a posteriori, on peut aussi analyser les images pour reconnaître les auteurs”. Comme le procureur est présent, il peut décider des arrestations judiciaires. “En cas de bavure policière, les images servent l’enquête. Le centre de crise, c’est aussi un outil qui aide le citoyen”. Le chef de corps résume : “Le drone permet de ne pas réagir trop vite. Car le plus délicat, c’est la première intervention. Si c’est juste une poubelle qui brûle, c’est pas grave”.

Les esprits apaisés, le débriefing entre les différents acteurs affine les dispositifs. “Les trottinettes, c’est le nouveau pavé”, lance Govaerts. “Alors après Belgique-Maroc, on a tout fait enlever”. Vervoort vante : “C’est pas pour faire les malins, mais on met tout en œuvre pour maintenir l’ordre. Plus que ceci, c’est compliqué”. Le Ministre-président garde les critiques en travers de la gorge. “Le lendemain des émeutes, on ne parle que de Bruxelles. Mais pourtant, on a envoyé une autopompe à Anvers en urgence. Et comparé à Paris, on reste des oies blanches en termes d’arrestations”. Il faut dire que Bruxelles est bien aidée par ses “gilets verts” : “On a fait des réunions avec les grands frères et les parents. Ils encadrent la fête. Y a moins de dégâts”. Il tempère : “Il y a eu des milliers et des milliers de personnes à Bockstael, à l’Atomium, à la Cage aux Ours, à Lemmonnier. C’est resté la fête. Mais ceux qui nous cherchent, ils auront affaire à nous”.
Rudi Vervoort refait le match des émeutes : “Je ne suis pas le shérif de Bruxelles”Le lendemain des émeutes, on ne parle que de Bruxelles. Mais pourtant, on a envoyé une autopompe à Anvers en urgence. Et comparé à Paris, on reste des oies blanches en termes d'arrestations.
