Avec Plan Sacha, la réponse concrète à #balancetonbar passe par la formation: «Certains lieux voudraient obtenir leur gommette “safe” en 2h»

Plan Sacha, c’est une petite structure wallonne désormais appelée aux 4 coins de Belgique pour coacher bars, clubs et festivals face aux harcèlements et violences sexuelles. Ses formations sont incontournables après #balancetonbar. L’atelier 210, à Etterbeek, les a suivies.

"Si quelqu’un tombe en soirée et se coupe avec un morceau de verre: on ne remet pas en doute sa blessure. Et on a tous les outils pour donner les premiers soins et réorienter vers les urgences. Si quelqu’un est victime de violence sexuelle en milieu festif par contre, c’est plus difficile à prioriser. Quels sont les gestes de premiers secours ?"

C’est pour répondre à cette question que Plan Sacha parcourt Wallonie et Bruxelles pour former personnel de bars, clubs et organisateurs de soirées et festivals. Sacha, pour "Safe Attitude Contre le Harcèlement et les Agressions". Cécile Roche en est la coordinatrice. Pour elle, la prévention contre les violences sexuelles "ne peut plus relever de la militance politique, mais doit être prise en compte comme les normes incendies. Ça ne peut plus être de l’ordre des recommandations, mais de l’obligation".

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La formation Plan Sacha comporte un volet théorique. Elle définit "les bases", soit ce que sont sexisme, violences sexuelles et sexistes, transphobie, consentement, le concept d’intersectionnalité (qui concerne une personne au carrefour de différentes oppressions)… Ensuite vient la pratique. "On se met en situation professionnelle avec un outil de théâtre", explicite Cécile Roche. Les stagiaires sont amenés à "venir en aide à une personne victime ou cible de harcèlement ou violence sexuelle". Ils apprennent aussi "que faire avec les auteurs". L’exemple classique, c’est celui du personnel de bar. "Tout le monde veut sa boisson, y a une grosse pression, et je vois une femme qui se fait harceler. Ou quelqu’un qui se plaint. C’est pas simple".

« Prioriser la victime »

Alors, quel est le bon réflexe ? Cécile Roche donne des pistes. "L’endroit doit disposer d’un lieu safe, calme, où se reposer, accéder à l’eau, être orienté vers des personnes-ressources, un psy pas loin…" Surtout: "ne jamais remettre en doute le témoignage. Il y a très peu de faux témoignages d’ailleurs". Conseil de pro: "l’impact du harcèlement aura toujours plus d’importance que l’intention de son auteur. On ne peut jamais dire à la victime: “OK, mais j’le connais ce gars, c’est quelqu’un de gentil”, histoire d’oublier l’incident et de passer une bonne soirée. Non: il faut prioriser la personne victime, la remettre au centre". Et la professionnelle de la prévention en milieu festif de citer les "groupes bienveillance" ou "tranquille teams" que certains clubs et festivals, "minoritaires", mettent en place.

Enfin, Plan Sacha incite à l’écriture d’un protocole propre à chaque lieu. "La base, c’est 1. de dire que oui, il y a des violences sexistes. Que 2, on les reconnaît. Et que 3, on met les outils en place pour y faire face". Soit les personnes relais d’une potentielle victime pour chaque soirée. "Et aussi s’engager à raccompagner l’auteur à la sortie. Il faut être cohérent", pointe Cécile Roche. "On ne peut pas se qualifier de lieu safe et féministe et garder un client ou un membre du staff qui harcèle ou agresse les femmes". D’où un protocole qui pousse les directions "à travailler dès l’embauche, malgré le gros turn-over des équipes dans le secteur". Quid de la sécurité, souvent sous-traitée ? "C’est plus compliqué. D’autant qu’un vigile arrive parfois un quart d’heure avant son shift, en venant d’un autre lieu où il n’y a aucune prévention".

« Explosion des demandes »

 Le festival Esperanzah s’affiche féministe. On y prêche sans fard la valeur du consentement. C’est aussi cette sensibilisation qui anime Plan Sacha dans les événements.
Le festival Esperanzah s’affiche féministe. On y prêche sans fard la valeur du consentement. C’est aussi cette sensibilisation qui anime Plan Sacha dans les événements. ©BELGA

Depuis #balancetonbar, Plan Sacha fait face à "une explosion des demandes". À l’échelle de la Belgique, elle reçoit "2 à 3 sollicitations par semaine". La déflagration vécue à Bruxelles a aussi permis de débloquer des moyens. Plan Sacha s’est vu dotée de 70.000€ supplémentaires suite à un appel à projet de la Secrétaire d’État bruxelloise à l’égalité des chances Nawal Ben Hamou (PS). "De quoi dégager un mi-temps supplémentaire" dans cette minuscule structure de même pas deux temps pleins née dans l’orbite du festival Esperanzah. "Mais il s’agit d’un financement non-structurel. On perd donc pas mal de temps à rechercher des subsides au lieu d’aller sur le terrain".

Dans le milieu des bars et clubs, Cécile Roche ressent "une plus grande sensibilisation depuis un an. Et avec #balancetonbar, on ne peut plus nier. Certains lieux font déjà beaucoup, mais d’autres ont du mal. Certains aimeraient la formule magique pour devenir un lieu safe et obtenir une gommette. Mais 2h de formation, c’est pas suffisant. C’est un travail de longue haleine".

L’écueil de Plan Sacha, c’est qu’"on reste dans une démarche volontaire. On ne formera pas les personnes qui n’ont pas envie de travailler sur cette thématique. Il y a aussi le risque, pour certains professionnels du secteur, de faire face à de l’hostilité dans leur propre structure". Au quotidien, Cécile Roche s’adresse donc "davantage aux personnes sexisées et racisées, qui sont elles-mêmes concernées par les violences. Et prennent en charge la pédagogie. Il ne faut pas invisibiliser les violences dans les milieux queer. Mais l’écrasante majorité des faits sont commis par des hommes hétéros".

+ Pour aller plus loin, consultez la bibliothèque de ressources de Plan Sacha

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