«Slogans de Chicago Boys», «attaques contre l’état de droit»: PS et Écolo unis dans la demande d’une commission d’enquête bruxelloise suite aux Uber Files; pour l’opposition, «ils se font mousser»

Les partenaires de majorité bruxellois que sont PS et Écolo réagissent ce lundi 11 juillet aux révélations concernant les « méthodes de cow-boys » d’Uber à Bruxelles. Et exigent une commission d’enquête. « Rien n’indique que ces pratiques sont finies ».

Belga
 Uber est dans la tourmente à Bruxelles après la révélation des «Uber Files» par un consortium réunissant plusieurs organes de presse internationaux.
Uber est dans la tourmente à Bruxelles après la révélation des «Uber Files» par un consortium réunissant plusieurs organes de presse internationaux. ©BELGA

Ce qu’on appelle déjà les "Uber Files" a sans tarder des répercussions dans le monde politique bruxellois. Le dossier des méthodes " de cow-boy " utilisées par la société de taxi californienne pour s’imposer à Bruxelles dès 2014 (comprenant destruction de fichiers en urgence, recours à la violence, à des manifestants payés, à des détectives privés) a été révélé ce 11 juillet par un consortium d’organes de presse.Dont en Belgique Le Soir, Knack et De Tijd.

Chahid: «L’impunité n’est pas une option»

Le groupe PS du parlement bruxellois s’apprête ainsi à déposer une proposition de constitution d’une commission d’enquête sur les pratiques du groupe multinational dans la capitale. C’est ce qu’annonce lundi le chef de groupe socialiste, Ridouane Chahid.

"Enquêtes de détectives privés dirigées contre des ministres bruxellois, violations répétées de lois sectorielles, destructions de données, obstructions à la Justice, organisation de fausses manifestations, soupçons de fraude fiscale, sociétés écran pour contourner la législation bruxelloise, etc. sont autant d’attaques contre notre État de droit et notre démocratie", a expliqué Chahid.

"Face à des comportements aussi violents, l’impunité n’est pas une option pour le PS", a-t-il ajouté.

De son côté, le chef de groupe PS à la Chambre, Ahmed Laaouej, a fait savoir qu’il interpellera le ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne, afin qu’il fasse usage de son droit d’injonction positive à l’égard du parquet. Les agissements révélés par le consortium international de journalistes méritent à ses yeux l’ouverture d’une enquête judiciaire. Rien n’indique en outre que ces faits ont cessé, notamment en matière de fraude fiscale, a-t-il souligné.

La place d’Uber ou de sociétés offrant les mêmes services de transport dans la capitale belge, comme dans d’autres grandes villes dans le monde, a donné lieu à d’âpres débats politiques et a débouché sur une réforme du "plan taxi" approuvée par le parlement régional au mois de juin.

Pitseys (Écolo): «Des slogans de Chicago boys»

Écolo de son côté soutient cette demande de création d’une commission d’enquête au parlement bruxellois sur les agissements d’Uber.C’est ce qu’indique ce 11 juillet le chef de groupe vert John Pitseys. Il réclame également que le CEO d’Uber Belgique soit auditionné par le parlement régional le plus rapidement possible.

"Les faits exposés par la presse sont graves en effet. Obstruction à la justice, dissimulation de fichiers, embauche de manifestants bidons, utilisation de détectives privés, évasion fiscale… Les dirigeants d’Uber plaisantent entre eux à coup de slogan de Chicago boy: "il vaut mieux demander le pardon qu’une permission". Pour ce qui nous concerne, on voudrait d’abord une explication franche", a déclaré Pitseys sur Twitter.

Aux yeux des écologistes, une commission d’enquête parlementaire se justifie car les faits visés "se situent à la lisière du politique et du judiciaire". "On parle ici de pratiques délictueuses ou quasi-délictueuses qui ont un impact sur la gestion publique", a ajouté le chef de groupe.

Les documents révélés dans la presse portent sur les années 2013 à 2017. Les Verts souhaitent savoir si les pratiques incriminées se sont poursuivies dans les années qui ont suivi, et au cours desquelles le débat politique sur Uber a été intense à Bruxelles.

Loewenstein (DéFI): «Y a-t-il des responsabilités politiques?»

Défi, qui fait aussi partie de la majorité bruxelloise, n’est pas opposé par principe à la mise sur pied d’une commission d’enquête, "mais il ne veut en aucun cas d’interférences avec l’enquête judiciaire", a affirmé lundi le député de la formation amarante, Marc Loewenstein.

"Le but d’une commission d’enquête parlementaire est d’établir des responsabilités politiques. Il importe d’abord de se demander s’il y en a à établir. J’ignore quelles sont les suspicions des uns et des autres qui le demandent", a-t-il demandé, interrogé par l’agence Belga. Celui-ci estime qu’il serait intéressant de vérifier quelles interférences il y aurait, le cas échéant, avec l’ensemble du secteur du transport rémunéré des personnes.

Weytsman (MR): «Le PS surfe sur l’info»

Le PS et Écolo constituent les deux groupes les plus importants du parlement bruxellois. Le MR, premier groupe de l’opposition, a sèchement balayé la proposition de commission d’enquête. "Il serait surtout grand temps de demander une commission d’enquête sur le fonctionnement des taxis à Bruxelles et les relations avec certains politiques. Ce serait plus utile que se faire mousser avec des infos déjà connues et datant de 2017", a lancé le président, Georges-Louis Bouchez, sur Twitter.

Comme son président de parti, le député bruxellois du MR, David Weytsman s’en est pris au PS, jugeant que celui-ci "surfe sur une info qui date de 2017 pour essayer de retrouver un peu de crédit sur un dossier où il a été totalement discrédité". "Demander une commission d’enquêtes sur ce sujet n’est pas prioritaire, contrairement à la violence urbaine, le narco-terrorisme ou le faible taux d’emploi dans la capitale qui le mériteraient", a-t-il commenté.

"Au lieu d’exiger une commission d’enquête sur Uber, le PS pourrait expliquer pourquoi la problématique des taxis dépend du ministre-président PS alors que la Mobilité est à charge d’Elke Van den Brandt (Groen)", a-t-il ajouté, se demandant quelles sont les relations entre certaines sociétés de taxi "qui ont d’ailleurs appelé à voter PS lors des dernières élections régionales" et "certains députés PS".

"Les Leaks montrent surtout que les libéraux se sont battus pour faire émerger un nouvel acteur dans un secteur sclérosé par les sociétés de taxis. Cela démontre que la concurrence a amené de la qualité pour les clients", a-t-il conclu.

De Beukelaer (Les Engagés): «Inquiétant»

Depuis les bancs de l’opposition également, le député bruxellois des Engagés Christophe De Beukelaer estime qu’il faut faire confiance à la Justice pour s’emparer du dossier des Uber files si des faits répréhensibles sont constatés. Il a par ailleurs dénoncé la récupération politique du dossier par certains.

"Certains faits datant de la période 2014-2017 relayés dans la presse sont en effet inquiétants et, s’ils sont avérés, inadmissibles (suppression de données pour échapper au fisc, infiltration de l’administration…). La transparence totale et la justice doivent être faites", a quant à lui affirmé Christophe De Beukelaer, dans un communiqué.

À ses yeux, certains utilisent les Uber files pour relativiser l’urgence de réformer le secteur du transport rémunéré de personnes à Bruxelles et pour mettre la pression sur les négociations en cours.

"C’est inacceptable. Depuis le début de cette législature, j’ai toujours défendu les Bruxellois et les chauffeurs (taxis et LVC). Jamais les intérêts d’une entreprise en particulier. J’ai rencontré tous les acteurs avec la même écoute", a-t-il poursuivi.

De Beukelaer a par ailleurs demandé au PS de livrer, de manière claire et explicite, les éléments révélateurs de dysfonctionnements politiques qui justifient une commission d’enquête.

L’élu des Engagés a enfin rappelé que son parti avait déposé en mars dernier une proposition visant à instaurer un registre des lobbys et une empreinte législative au parlement bruxellois, pour permettre, à l’instar de ce qui se fait au Parlement européen, de travailler efficacement et en toute transparence.

Françoise De Smedt (PTB): «Il faut en finir avec Uber»

Enfin, le PTB a estimé, contrairement au PS et à Ecolo, qu’il ne fallait pas se contenter de mettre sur pied une commission d’enquête qui se penche sur le passé, dans le dossier des UberFiles.

"Corruption, preuves cachées à la justice, détectives privés, infiltration dans l’administration publique, manipulation des manifestants, ...la multinationale Uber est prête à tout pour imposer son modèle de casse du droit du travail. Ces révélations montrent qu’on ne peut absolument pas faire confiance à cette multinationale. On se croirait dans un film sur la mafia. Il ne faut pas juste une commission d’enquête qui regarde le passé, il faut agir maintenant pour en finir avec Uber. C’est ce que nous demandons au gouvernement bruxellois", a commenté la cheffe du groupe PTB au parlement bruxellois, Françoise De Smedt.

A ses yeux, le gouvernement bruxellois PS-Ecolo-DéFi a pris la décision, avec son ordonnance taxi votée récemment, de permettre à Uber d’exercer en toute légalité sur le territoire bruxellois. "Un véritable cadeau à cette multinationale sans scrupule. Quelle garantie avons-nous que les pratiques d’Uber ne vont pas continuer pour gagner toujours plus de parts de marché", a demandé la cheffe du groupe PTB.

Pour la formation d’extrême gauche, le gouvernement bruxellois doit mettre en place le plus vite possible une application publique, pour permettre à tous les chauffeurs du secteur de travailler dignement.

"Après avoir mis Uber hors d’état de nuire au secteur taxi, Barcelone a depuis quelques mois son application publique Picmi. Le Luxembourg investit également dans une application publique efficace prévue pour 2023. C’est un moyen pour les chauffeurs de gagner correctement leur vie en supprimant la commission de 25% à 30% qu’Uber prend sur chaque course. Une application publique efficace est ce qu’attendent également les usagers pour se déplacer", a conclu Françoise De Smedt.

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