Lyse Lecrit a une dent contre le gaspillage: elle crée ces porte-savons… avec le plâtre de moulage de prothèses dentaires

Éphémère prothésiste dentaire, la Bruxelloise Lyse Lecrit voit des quantités énormes de plâtre gaspillé dans les cabinets. Elle s’est mise à recycler ce plâtre dans des porte-savons au look terrazzo. Joli, malin et didactique.

Que deviennent les moulages de plâtre que les dentistes utilisent pour imprimer votre bouche en vue d’y placer ici un dentier, là une prothèse?Et bien pas grand-chose: une fois le moulage réalisé, ces empreintes en négatif sont jetées. La créatrice Lyse Lecrit y voit une mine d’or: elle recycle cette matière dans… des porte-savons.

"Un petit cabinet dentaire belge produit une dizaine de moules par jour.Et ce plâtre à usage unique est jeté dans la foulée", tique la designeuse.Tombée un peu par hasard dans le milieu, la Bruxelloise s’est rapidement interrogée: "Ces poubelles remplies de plâtre, ça m’a questionnée.Comme le “one shot” dans la consommation.Je me suis alors mise à récupérer ce plâtre".

 Les porte-savons de Lyse Lecrit embarquent au minimum 10% de plâtre de dentiste recyclé.
Les porte-savons de Lyse Lecrit embarquent au minimum 10% de plâtre de dentiste recyclé. ©ÉdA – Julien RENSONNET

Assiettes, bols, tasses…

C’est que la Tournaisienne d’origine n’est pas destinée à mouler les dents chancelantes toute sa vie. "J’ai suivi un bac en stylisme de l’objet à Saint-Luc Tournai. En plus de travailler des matériaux comme le métal, le bois, on y apprend la 3D nécessaire à l’usinage et à la production massive". Mais la consommation, très peu pour Lyse Lecrit. "Ces études n’approchent pas du tout le recyclage ou l’environnement. Même: plus les matières premières sont neuves et coûtent cher, plus les projets sont bien cotés".

 Les différentes couleurs de ce rendu «terrazzo» (en Belgique on dit aussi «granito») proviennent des différentes qualités de plâtres dentaires, que les fabricants distinguent par leur teinte.
Les différentes couleurs de ce rendu «terrazzo» (en Belgique on dit aussi «granito») proviennent des différentes qualités de plâtres dentaires, que les fabricants distinguent par leur teinte. ©ÉdA – Julien RENSONNET

La jeune femme serre les dents dans un master en design culinaire aux Beaux-Arts, à Bruxelles."De l’art de la table à la géopolitique de l’alimentation, on touche à tout. C’est là que je me spécialise en céramique". Assiettes, bols, tasses… Ça n’explique pas encore cette idée originale de porte-savon. "En sortant, j’ai ressenti une certaine panique à l’idée de me lancer. Je me pensais plus manuelle que créative. Alors je me suis formée à la prothésie dentaire".

Fraises

On connaît la suite: Lyse quitte rapidement les stridences des fraises et les fragrances mentholées des désinfectants.Mais elle emporte des déchets de plâtre en souvenir. "Les marques de ces plâtres dentaires utilisent des couleurs pour indiquer la dureté de chaque matériau.Je trouvais ça esthétique.Je les ai pilés et concassés pour les intégrer à d’autres plâtres, unis, et créer du terrazzo". Le résultat: un bel objet dans les tons pastels aux incrustations colorées très tendance.

 D’après la créatrice, le rendu pastel séduit.Mais elle ne compte pas produire davantage: «je ne suis pas une machine».
D’après la créatrice, le rendu pastel séduit.Mais elle ne compte pas produire davantage: «je ne suis pas une machine». ©ÉdA – Julien RENSONNET

Ce sont d’abord des plateaux qui sortent des fours de la créatrice."Mais mon envie, c’était de créer un objet qui ne soit pas là uniquement pour son utilité.Il fallait donner un message". Conscientisée de l’intérêt du vrac, des produits naturels, du zéro déchet, Lyse Lecrit imagine donner un écrin aux savons solides qu’elle utilise dans son quotidien. "Ce porte-savon, c’est un moyen d’initier les consommateurs, de les pousser à arrêter d’utiliser du savon en bidon". Pour étanchéifier le plâtre, la designeuse utilise un "bouche-pores" de carreleur biosourcé, fabriqué en France.

Bougies?

Pour l’instant, le joli porte-savon de Lyse Lecrit ne s’achète qu’à une seule adresse: Yuman, le magasin saint-gillois dédié aux produits circulaires. "Je ne souhaite pas augmenter drastiquement ma production: je ne suis pas une machine.Et je veux garder d’autres activités". La designeuse bruxelloise s’est en effet spécialisée dans l’upcycling et le slow design: elle crée des chouchous en récupérant des cravates et de la vaisselle à base de terre belge."J’ai essayé de cuire celle de mon jardin mais ça n’a pas marché".

Et pourquoi pas creuser l’idée du réemploi des déchets de dentistes?"J’y pense. Par exemple, je pourrais récupérer la cire des moulages à cire perdue et les recycler en bougies".De quoi faire fondre les mordus du zéro déchet.

 Comme sur un plateau.
Comme sur un plateau. ©ÉdA – Julien RENSONNET
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