La vague d’augmentation des prix immobiliers atteint tout doucement les communes du nord et de l’ouest de Bruxelles
CARTE & ANALYSES | On a beaucoup lu que le covid poussait à l’exode des grandes villes. Pourtant, les notaires dessinent une carte de l’immo bruxellois «toute verte, à la hausse presque partout». Et ça vaut pour les maisons comme les apparts. Avec une santé éclatante de Saint-Gilles et Etterbeek et des communes du nord et de l’ouest dopées.
Publié le 24-02-2021 à 16h52
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«2020 était une année exceptionnelle car il est très rare pour une étude notariale de n'enregistrer aucune transaction sur un mois. Or, ici, rien n'a été signé entre mars et mai, si ce n'est les urgences». C'est l'effet covid: les volumes de ventes de l'immobilier bruxellois ont baissé de 4,8% en 2020.
Pourtant, la Fédération des Notaires constate ce 24 février 2021 que l’année pandémique a été bonne dans la capitale. Étonnamment bonne, même. «Toute la carte est verte», s’étonnent ses experts. Qui se félicitent de voir les hausses des prix globales compenser la diminution du nombre de transactions.
En clair, ça veut dire que les prix augmentent quasi partout dans les 19 communes. Pour les maisons, la hausse régionale se chiffre à +7,3%. Seules Ixelles et Saint-Josse enregistrent des baisses (cfr carte et analyse). Pour les appartements, tous les codes postaux sont dans le vert avec une médiane (*) en augmentation de +8,7%. Avec sa part de marché de 7%, Bruxelles continue donc bien à tirer le marché national à la hausse puisque les moyennes belges sont de +4,2% pour les maisons et de +8,5% pour les appartements.

Les maisons
«La première constatation est que l'écart entre le prix des maisons en Wallonie et à Bruxelles est énorme», souligne Benoit Ricker, notaire à Ixelles. Le prix médian wallon plafonne en effet à 250.000€ pour 440.000 dans la capitale. Les notaires constatent aussi que toutes les communes bruxelloises atteignent en 2020 leur record historique excepté Bruxelles-Ville. Le cap symbolique des 600.000€ médians est passé pour la première fois à Uccle et Etterbeek.
Augmentation du prix médian des maisons en % entre 2019 et 2020
Uccle et Etterbeek: les maisons les plus chères de Belgique
«Les maisons en vente à Uccle trouvent très vite acquéreur avec une certaine préférence pour les maisons avec jardin», constate Benoit Ricker, sur base d'un sondage chez ses confrères locaux qui pointe là très nettement les effets du premier confinement. «Au contraire des vastes villas, ce sont surtout les maisons de taille moyenne qui augmentent très fortement vu la forte hausse des demandes et une offre ralentie». Le prix médian 2020 de 632.500€ est spectaculaire, dopé de +21,1% par rapport à 2019. «Ces prix sont les plus élevés de Belgique».
«Etterbeek quant à elle entre dans le top 3 belge des maisons les plus chères du pays», observe Justine De Smedt, notaire à Woluwe-Saint-Pierre. La médiane communale, établie à 600.000€, est en hausse pour la 6e année consécutive, soit +33% depuis 2016. «C'est dû à l'hétérogénéité du marché», analyse l'experte. «Les prix peuvent y être très élevés mais aussi plus bas. Ils sont influencés par les eurocrates qui aiment habiter ce coin-là, mais ils n'y sont pas seuls».

Les Woluwe: pas d’envolée des prix
« Woluwe-Saint-Pierre quitte le top 3 belge des communes les plus chères», note Justine De Smedt, qui y exerce. «Le marché y est stable et sain, avec une petite augmentation de +1,7% du prix médian à 592.500€. On y rencontre énormément de demandes pour les maisons».
Chez les voisins de Woluwe-Saint-Lambert, le prix médian augmente de +4,8% à 550.000€. «Là aussi, on dénombre de nombreuses transactions: les gens y sont à la recherche de jardin et de verdure depuis le premier confinement, mais sans envolée des prix», pointe la notaire.
Ixelles: une diminution «surprenante» mais qui s’explique
C'est «assez étonnant après la hausse de +15,5% en 2019»: Ixelles observe une baisse du prix de ses maisons de -5,5%. «Le volume des ventes haut de gamme y est moins dense par rapport à celui des maisons à moins d'1 million d'euros», traduit Stijn Joye, notaire dans la commune. «Je suis donc convaincu que ces chiffres ne témoignent pas d'une baisse du prix des maisons à Ixelles, mais qu'elle résulte d'une diminution de l'offre dans les quartiers prisés».
Et de pousser plus loin: «Ces biens luxueux sont généralement la propriété de personnes plus âgées. Le coronavirus a pu leur faire peur, reportant les visites. Mais il peut aussi s’agir d’une stratégie pour ne pas “brûler” un bien durant le lockdown: d’une annonce qui dure plusieurs mois peut résulter la perception d’une maison surévaluée qui ne trouve pas acquéreur». 3e argument: «certains propriétaires ont redécouvert le confort d’un jardin dans un quartier luxueux».
Qu'importe: le marché immobilier ixellois est le 3e plus coûteux de Belgique avec une médiane à 600.000€. Le notaire Stijn Joye calcule que «25% des maisons y sont vendues à plus de 856.250€» et «75% à plus de 440.000€». Cossu.
«Effet de vague» à Saint-Gilles. Et à Forest?

La Fédération des Notaires estime que l'inaccessibilité de plus en plus marquée à Ixelles se répercute sur l'attrait de ses voisines saint-gilloise et forestoise. «Saint-Gilles connaît une hausse assez énorme de +19,3% en 2020», insiste Stijn Joye. «Une maison y coûte 80.500€ de plus qu'en 2019». Et de décortiquer: «C'est davantage que la médiane uccloise de 2019». L'analyse des chiffres montre que 50% des maisons saint-gilloise vendues en 2020 s'échangeaient entre 425.000 et 672.500€. Ce qui rapproche Saint-Gilles de ses consœurs les plus chères.
«Forêt par contre n'observe pas cette tendance», tempère l'observateur. «On peut encore y acquérir une maison à un prix raisonnable, avec une médiane à 440.000€». Mais la vague venue d'Ixelles via Saint-Gilles n'est peut-être pas si loin: «les prix élevés à Saint-Gilles pousseront une tranche d'acquéreurs vers Forest», parie Stijn Joye. «Le bon marché à Forest ne l'est donc plus vraiment».
Anderlecht: «ruée sur les maisons avec jardin»
À Anderlecht, le marché des maisons reste plus raisonnable avec un prix médian à 325.000€. Mais la «très bonne» augmentation de +10,2% pourrait augurer d'un similaire effet de vague. À en croire les observations du notaire Benoit Ricker, «la fin du premier confinement a provoqué une ruée sur les maisons avec jardins: en mai, ça partait super vite. Et en juillet, les agences n'avaient plus rien en magasin».

Au nord, une première évolution à la hausse
Le nord de Bruxelles, réputé plus accessible, pourrait ne plus le rester. «Ça fait quelques années qu'on répète que ces communes du nord restent abordables. Mais en 2020, on connaît des hausses», prévient Stijn Joye. «À Laeken par exemple, l'impression ressort que la population vieillissante fait place à un renouveau. Des populations, principalement d'Europe de l'est, y arrivent avec leurs capacités de rénovation et l'expertise des corps de métiers. D'où les hausses des prix».
Laeken, que les notaires scindent de la Ville dans leurs analyses, est ainsi la première zone du nord bruxellois à rejoindre les communes les plus chères. «Il sera intéressant de voir comment ça va évoluer», se réjouit l’expert notarial. «Car toutes les communes du nord suivent le mouvement avec une montée sérieuse des prix médians».

Sa consœur Justine De Smedt souligne ainsi «la très belle performance de Koekelberg où la demande est grosse»: +16% et une médiane à 340.000€. Ou «la grande stabilité» du marché everois et son +7,9%.
Et ces analystes de se montrer confiants pour l’avenir immobilier de ces communes: «On va y observer le même genre de développement qu’à Saint-Gilles, où les bars et restos pullulent depuis 2 ans», posent-ils de concert. «La vague observée au sud pourrait se déplacer au nord. Car ce sont aussi des zones plus vertes». Et ça vaut aussi pour les appartements.

En vert et contre tout à Boitsfort et Auderghem
Reste à parler de «la gentille augmentation» de 5,7% à Auderghem où Benoit Ricker pointe surtout «des maisons unifamiliales et mitoyennes avec des petits jardins qui trouvent rapidement acquéreurs».
Sa voisine de Watermael-Boitsfort, qui se distingue sur le marché bruxellois par sa forte majorité de maisons, «impressionne avec un bond de fin d'année, après les restrictions d'octobre, qui confirme les intentions des habitants locaux à passer de l'appartement à la maison avec jardin». Ce qui fait de cette commune très verte un endroit «très demandé» et «relativement cher»: +8,60% et 535.000€ de valeur médiane là-bas au sud.
Les appartements

Ixelles garde le kot
Sur le marché le plus fort de Belgique, tous les voyants du secteur de l’appartement sont au vert dans les 19 communes, «ce qui n’était pas le cas l’an dernier», souligne la Fédération des Notaires. Pour qui l’effet confinement se mesure par l’attrait des appartements en rez-de-chaussée, «avec accès à une petite cour ou un jardinet».
Mais les valeurs sûres bruxelloises restent les Woluwe, Uccle et, surtout, Ixelles. Cette commune où doivent loger de nombreux eurocrates plafonne à 331.300€ de prix médian, ce qui en fait la 5e du pays. On est loin du tarif d'un kot étudiant, pourtant nombreux dans certains coins ixellois. 2020 y confirme ainsi une tendance à la hausse avec un nouveau bond de +8,6%.
«Ça crée un effet de vague identique au marché des maisons dans les communes voisines de Saint-Gilles et Forest», déduit Benoit Ricker, notaire à Ixelles. «La hausse est énorme à Saint-Gilles» avec +19% pour atteindre 275.000€ de prix médian. «Idem à Forest»: +12,3% pour atteindre 247.000€.
Du neuf à Woluwe-Sans-Lambert, Evere et Watermael-Boitsfort
À l'ouest, les tranquilles Woluwe maintiennent le cap avec des appartements qui partent à 318.000€ à Woluwe-Saint-Pierre (+6,7%) et 330.000€ à Woluwe-Saint-Lambert. «Le bond de +17,9% est spectaculaire là-bas: il faut y ajouter 50.000€ par rapport à 2019 pour acheter un appartement», calcule Justine De Smedt.

Cette tendance s'observe aussi dans le voisinage immédiat, à Evere. Les prix médians y sont certes nettement moindres (235.000€) mais en hausse de +19,3%. «Comme à Woluwe-Saint-Lambert, ces chiffres sont influencés par les projets neufs», assure la notaire Sanpétrusienne. «On y a beaucoup construit et d'autres projets sont lancés», ce qui augure d'une courbe continue.
Même conclusion au sud: +13,4% à Watermael-Boitsfort. Benoit Ricker: «Alors que cette commune est traditionnellement plus centrée sur la maison, des projets de promotion en cours y expliquent cet intérêt neuf pour les appartements». On y déboursait 280.000€ en 2020.
Au contraire, la promotion d'appartements neufs se tasse quelque peu chez la voisine auderghemoise. «Même avec ce calme par rapport aux années précédentes, l'appartement s'y vend toujours sans difficulté, avec même une légère hausse de +6,1%», nuance le spécialiste. Tarif médian en embouchure de la E411: 285.000€.
Au nord, ça devient sérieux

L'augmentation est «sérieuse» dans toutes les communes du nord bruxellois, imitant les courbes observées sur le marché des maisons. «On fluctue entre 190.000 et 230.000€ de prix médian», note Stijn Joye. Avec des bonds de +16,1% à Berchem-sainte-Agathe, 11,7% à Koekelberg et près de 10% à Ganshoren ou Jette.
Il n’est pas encore trop tard à l’ouest
Anderlecht a subi un boom sur les appartements dès septembre 2020, «après la ruée des maisons avec jardin de juillet», détaille Benoit Ricker. «Les confrères y témoignent d'un marché très "chaud" avec des biens qui partaient comme des petits pains à des prix élevés». Augmentation à Anderlecht: +10,90% pour atteindre 186.000€. Malgré ça, la commune en bordure de Pajottenland reste la zone bruxelloise où l'appartement est le meilleur marché. Mais elle pourrait rattraper sa voisine de Molenbeek, où la hausse est moindre (+8,6%) et où l'appartement partait à 190.000€ en 2020.
