Maron: ne pas «foncier» dans le mur
La polémique «Maron» fait réfléchir les Wallons à l’avenir de leur agriculture et à l’accès à la terre, le «nerf de la guerre».
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- Publié le 01-12-2020 à 17h34
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Le 23 novembre, le ministre bruxellois Alain Maron (Écolo) annonce qu'il souhaite acheter des terres agricoles dans les deux Brabants, wallon et flamand. Son intention: préserver la biodiversité, favoriser une agriculture locale et fournir une alimentation de qualité aux Bruxellois.
Côté wallon, les réactions affluent immédiatement et certains ne décolèrent pas.
Ce mardi, en commission de l'Agriculture du Parlement wallon, le ministre Willy Borsus (MR) se dit toujours « interloqué et stupéfait». Il dénonce une «absence totale de concertation», qu'il avait déjà pointée lors de l'épisode du péage urbain pour tout véhicule entrant sur le territoire bruxellois. Sur ce point, Borsus promet: il s'y opposera.
«Il n’a pas renoncé»
En attendant, il n’en a pas fini avec Maron.
«C'est une vision d'un autre âge, tellement paternaliste: un ministre bruxellois veut faire des choix culturaux à la place des agriculteurs». Willy Borsus ne manque d'ailleurs pas de rappeler que la précédente «idée agricole » d'Alain Maron, c'était de «cultiver du froment sur le terre-plein des boulevards bruxellois», raille-t-il.
Face au flot de critiques, Alain Maron a reconnu avoir sous-estimé ce débat sur les terres agricoles. Il s'est excusé. Mais Willy Borsus ne l'a pas encore entendu «formellement » renoncer à son projet. Au passage, pas plus que l'enseigne Colruyt, qui veut aussi acquérir des terres agricoles en Wallonie et qui semble moins inquiéter le gouvernement wallon. Le distinguo? «Colruyt veut travailler avec les agriculteurs, pas contre eux», nuance Willy Borsus.
Prix de fou
Il revient à la problématique du foncier. «L'initiative publique ne doit pas venir concurrencer ce que fait le privé. Cette annonce d'un pouvoir public, avec la puissance financière que ça peut représenter, est de nature à amener un accroissement des prix sur un marché déjà extrêmement tendu.»
Des prix qui peuvent caracoler jusqu'à 70 000€ ou même 80 000€ l'hectare, selon André Antoine (cdH) et Jean-Paul Wahl (MR). Le prix de vente moyen en Brabant wallon est de 48 733€ à l'hectare pour des parcelles non bâties en zone agricole, précise Willy Borsus. «Et le prix moyen est toujours supérieur quand l'acquéreur est non-agriculteur.»
Des auditions en vue
«On a touché au nerf de la guerre, à l'accès aux terres cultivables. Et ça mérite mieux qu'une addition de questions orales», veut conclure la députée Écolo Véronica Cremasco, présidente de la commission. Elle suggère que les parlementaires y consacrent un peu plus de temps. Pourquoi pas un débat, des auditions? L'artificialisation des sols, le foncier, l'achat par le privé ou le public, la place des agriculteurs, leurs revenus, l'alimentation de qualité, etc. Sur le fond, il y a de quoi faire, plaide l'Écolo.
Grosse méfiance du côté de Sabine Laruelle (MR): «J'entends parler de bio, de circuit court, etc. Si c'est juste pour auditionner dans un seul sens et accréditer une vision, comment dire… un peu collectiviste de l'agriculture», ce sera sans elle, prévient la députée. Avant de retirer au moins un gros sabot de son commentaire: «Remplaçons "vision collectiviste" par "dirigiste". Ou "étriquée", mais ça ne vous plaira pas non plus», lance-t-elle à la présidente Écolo. Bref. «On ne va pas commencer à dire aux agriculteurs ce qu'ils doivent cultiver ou pas.»
Justement, « qu'on en débatte!» propose Véronica Cremasco, renvoyant à quinzaine l'organisation d'un débat qui promet d'être tonique.