Des espions bruxellois «made in China»
Trois personnes, dont un ancien haut fonctionnaire européen, sont dans le collimateur des services de sécurité. L’enquête a conclu qu’ils représentent un danger d’espionnage au service de la Chine.
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Publié le 18-09-2020 à 06h00
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Fraser Cameron est un ancien fonctionnaire de la Commission européenne et analyste politique. Ce Britannique de 73 ans est installé à Bruxelles depuis de longues années et possède également la nationalité belge. Un homme sans histoire, apparemment… Sauf qu’aujourd’hui, il est soupçonné d’espionnage au profit de la Chine par les services de sécurité belges et britanniques.
Depuis sa retraite, le septuagénaire est resté fort actif dans les hautes sphères européennes. Fraser Cameron est aussi le directeur du think tank «EU-Asia Centre». Ce lobby créé en 2011 vise à approfondir les relations entre l’Union européenne et l’Asie.
Les services de renseignement belges (VSSE) et leurs homologues britanniques ont conclu sur base de leurs enquêtes qu’il posait un danger d’espionnage pour les institutions européennes.
«Des infos sensibles»
Interrogé sur le dossier, le parquet fédéral ne commente pas mais confirme avoir reçu une demande de coopération des autorités britanniques.
Que reproche-t-on à l’ancien fonctionnaire? Celui-ci transmettait de manière régulière et depuis plusieurs années des informations sur des décisions à venir au sein de l’Union européenne. Il ne s’agit pas de dossiers classifiés mais d’informations qualifiées de «sensibles» et difficilement accessibles à des personnes extérieures aux institutions européennes. Ces informations de types politique et économique permettraient à la Chine d’anticiper certaines de leurs décisions.
Selon des sources proches du dossier, M. Cameron a pu développer un réseau au plus haut niveau grâce à son expérience professionnelle. Il avait encore des contacts au sein des institutions européennes. Il a obtenu des informations intéressantes qui ont été rétribuées. Avec son background professionnel, c’était une cible idéale pour les Chinois.
En contact avec deux faux journalistes chinois
M. Cameron est en contact avec deux agents de renseignement chinois agissant sous une couverture journalistique. Tous les deux travaillent pour des journaux officiels dépendant du parti communiste. En agissant officiellement en tant que journalistes, les agents étrangers infiltrés éveillent moins les soupçons. Cette couverture leur permet d’accéder aux institutions européennes tout en se montrant naturellement curieux.
En quelques clics, on peut constater que les incidents de ce type se multiplient en Belgique. Au cours des 10 dernières années, la Chine n’a cessé d’envoyer ses espions infiltrer nos infrastructures économiques, académiques et institutions politiques. La Belgique n’est pas une cible majeure mais c’est surtout son rôle international qui en fait un lieu de villégiature très prisé des espions du monde entier.
«Cela fait partie de mon travail»
Fraser Cameron n'est qu'un élément parmi tant d'autres. Ce dont il se défend. Face à ces lourdes accusations, l'intéressé tombe des nues et nous répond. «C'est une accusation sérieuse que je nie complètement.
Bien sûr, j’ai des contacts avec un éventail de fonctionnaires et de journalistes asiatiques/chinois. Cela fait partie de mon travail de gestion du EU-Asia Centre. Tous les autres experts des think tanks bruxellois travaillant sur la Chine auraient des contacts similaires. Il se peut que certains des fonctionnaires/journalistes aient une double fonction.»
Est-il en mesure de renseigner la Chine sur des positionnements de l'UE? «Je n'ai accès à aucune information sur ce que l'UE envisage de faire dans ses relations avec la Chine.»
L'enquête a identifié une série de paiements. Cameron reconnaît seulement recevoir des subventions pour le financement de son think tank. « La mission chinoise accorde une petite subvention annuelle au EU-Asia Centre comme elle le fait à plusieurs autres think tanks à Bruxelles pour aider à organiser des événements sur les relations UE-Chine. C'est le seul financement reçu des Chinois».