Un an après le décès de Maurane: «Forcément, il y a un manque»
Il y a un an, Maurane nous quittait. Son amie Daria de Martynoff publie un livre de souvenirs, basé sur un jeu avec Maurane.
Publié le 07-05-2019 à 07h00
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Daria de Martynoff, quelle a été votre première réaction quand vous apprenez le décès de Maurane, le lundi 7 mai?
J’étais groggy, sonnée, débranchée de la logique et de l’intelligence. Je suis allée vers mon ordinateur pour la retrouver. Pour réentendre ce qu’elle disait. Et quand je dis réentendre, c’est une façon de parler car aujourd’hui encore, j’ai beaucoup de mal à entendre sa voix…

Votre amitié avec Maurane, ce sont 40 ans d’échanges, de rires, d’écriture de chansons («Mentir», «Pas gaie la pagaille»…)…
Il y a eu énormément de choses créatives, positives, riches… Beaucoup de complicité! C’est un ami qui m’a fait écouter une cassette d’elle avec deux chansons. Elle avait 17 ans. Il y a quelque chose qui m’a touchée, j’ai demandé son numéro de téléphone et je l’ai rencontrée.
Ce livre que vous publiez, c’est le résultat d’échanges nombreux que vous avez eu avec Maurane autour d’un jeu que vous avez inventé…
Oui. Elle piochait les questions (NDLR: autour de six thématiques Je-Moi; Toi-Moi; Eux-Nous; Spiritualité; Sexualité; Philosophie) et j'enregistrais ses réponses. Et puis il y a une partie avec des questions autour de certaines chansons que l'on n'a pas pu finir…
Vous y jouiez souvent, à ce jeu?
J’ai d’abord joué avec elle comme j’ai pu le faire avec plein d’amis. Et puis un jour je lui ai proposé qu’on fasse un bouquin. Cela a pris un certain temps. Elle a d’abord répondu à une série de questions puis on a retravaillé. Elle a corrigé suivant ce qu’elle voulait dire ou pas, tout en respectant le côté spontané.
On y découvre au gré des réponses la Maurane forte, sûre d’elle et puis aussi cette fragilité qu’elle cachait…
Oui, elle avait des failles, comme tout le monde. Maurane était un être assez excessif. Elle était très spontanée, elle était vraie. Elle ne faisait pas des choses cachées dans le dos. Mais quand elle faisait une erreur, elle l’assumait. Si elle avait blessé quelqu’un, elle ne se sentait pas bien.
Vous évoquez au détour d’une question un épisode d’écriture automatique qu’elle a vécu à la fin des 80 et qui l’a traumatisée…
Oui, cela lui avait fait très peur. Elle n’en a pas beaucoup parlé à l’époque, mais c’est quelque chose qu’elle ne supportait plus. Elle a encore eu des flashs après, mais elle ne voulait pas rentrer là-dedans.
Il y a aussi des choses plus légères, comme cette question ou vous lui proposez un autobus. Et elle décide d’y emmener tout le monde, famille, amis, animaux…
(rires) Oui, c’est vrai! J’aime beaucoup la réponse qu’elle a faite à cette question.
Vous aviez présenté ce projet de livre avant le décès de Maurane mais il avait été refusé. Pourquoi?
Sans doute que je n’avais pas fait les choses comme il fallait. Et puis peut-être que l’éditrice n’avait pas accroché au système très belge du jeu, avec ce côté «on ne se prend pas au sérieux» que l’on retrouve dans les réponses de Maurane.
Vous l’avez fait lire à sa fille, Lou?
Je lui ai envoyé le manuscrit. Pour le moment, je n’ai pas de contact direct. Mais elle se protège après avoir beaucoup assumé au moment du décès de sa maman.
Aujourd’hui, un an après la disparition de Maurane, comment vous sentez-vous?
Je n’ai jamais eu une relation aussi créative, aussi dingue qu’avec Maurane. On a beaucoup ri, bien mangé (rires)… On a vécu des moments très intenses. Forcément, il y a un manque. Mais cela fait partie du chemin.
Daria de Martynoff, «Maurane au jeu de l’intimité», 159 p. Éditions Luc Pire.