Les recettes du succès de l’animation belge
La sortie du «Manoir magique», mercredi, risque bien de confirmer l’incroyable success story de la société nWave de Ben Stassen. Mais dans son sillage, c’est tout un secteur qui est en ébullition.
Publié le 25-12-2013 à 16h31
:focal(750.5x517:760.5x507)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/OQB3TQ4J6FEWNHZDZKPI766Y2M.jpg)
C'est un peu la version moderne du petit village gaulois qui résiste à l'envahisseur. Depuis 2010 et la sortie de Fly me to the moon, les studios d'animation nWave, situés au cœur de Bruxelles, à deux pas de la gare du Midi, sont en train de démontrer qu'il y a une vie à côté de DreamWorks, Pixar ou Disney, ainsi que pourrait bien encore le démontrer Le manoir magique, dont la sortie est attendue ce mercredi.
Certes, côté chiffres, on ne boxe pas tout à fait dans la catégorie. Et Ben Stassen, l'homme qui incarne ce succès, le reconnaît bien volontiers: «Le manoir magique, nous l'avons bouclé avec un budget de 18 millions€. Cette année, aucun film d'animation américain n'a coûté moins de… 100 millions€. Est-ce qu'on est cinq fois moins bons? Non. On n'est pas Pixar, bien sûr. Mais l'un des avantages, quand on est une petite société, c'est qu'on y cumule les casquettes: moi, je suis à la fois animateur, producteur et copropriétaire de la boîte. Forcément, les décisions se prennent plus directement. »
Et le succès est au rendez-vous donc. La preuve: alors que Le manoir magique va seulement entrer dans la danse des sorties hebdomadaires, le film suivant est déjà dans les tuyaux. Il s'appellera Robinson Crusoé, et occupe une partie des équipes depuis bientôt un an. En clair, chez nWave, on n'attend plus d'avoir mené un projet à terme avant d'en lancer un second: « Il le faut, poursuit Ben Stassen. Quand on construit une maison, les maçons ont déjà fini leur travail lorsqu'interviennent les électriciens ou les plafonneurs. Chez nous, c'est pareil: quand on s'occupe de l'animation proprement dite, les équipes responsables de la modélisation ou du character design ont terminé leur part. On serait chez DreamWorks, on leur ferait faire un court-métrage à 10 millions$, ils gagneraient un oscar, et ça serait formidable. Mais chez nous, toutes les énergies sont constamment mobilisées. Ce qui est parfois difficile à gérer au niveau du développement et de la créativité. »
La rançon de la gloire, sans doute. Car, sans provoquer de sueurs froides sous la chemise à fleurs de John Lasseter, nWave est tout doucement en train de se faire un nom et une réputation sur le marché mondial de l'animation: «Ces derniers mois, j'ai été contacté par plusieurs producteurs américains. Là-bas, les studios indépendants n'existent plus: ils sont tombés en faillite ou ont été rachetés par les Majors. Mais la prestation de service ne nous intéresse pas. Par contre, développer des projets ensemble, pourquoi pas? D'autant que ces gens-là ont généralement accès à des propriétés intellectuelles auxquelles nous ne pourrions même pas rêver. »
Une telle association permettrait en outre à nWave, de gommer un handicap: la pénétration du marché américain: «Il est excessivement difficile pour les films d'animation. Il y en a beaucoup trop. Tous les grands studios sortent un ou deux films par an. Et des fenêtres de sortie pour les films d'animation, il y en a cinq, six maximum: Thanksgiving, Noël, Spring Break et deux en été. Le reste ce sont des fenêtres de seconde zone. »
Le marché américain n'est pas tout, heureusement. Et dans le reste du monde, nWave ne manque pas de débouchés: «À l'étranger aussi, les majors distribuent leurs films eux-mêmes. Du coup, les Gaumont, StudioCanal (NDLR: actionnaire minoritaire de nWave) ou les Russes sont très intéressés par des films familiaux comme les nôtres. En Corée, Sammy 2 est sorti une semaine après le dernier Âge de glace. Et à l'arrivée, nous avons fait 1,5 million d'entrées pour 1,6 à L'âge de glace. Quelque part, on est les petits dans la cour des grands.»