«Ciao Ciao Bambino» de Sébastien Ministru au TTO: Une veillée funèbre, ça peut être drôle
Ils étaient tous réunis pour dire adieu à Ciccio. Mais cela va virer au règlement de comptes. Voici «Ciao Ciao Bambino», la nouvelle comédie de Ministru.
Publié le 20-04-2013 à 12h41
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Ciccio était le personnage central, le pilier, de la famille Bello. Mais voilà, Ciccio a cassé sa pipe. Et l'heure est au recueillement. Tous ses proches – son compagnon, son frère,etc. – sont présents à la veillée funèbre. Ils se perdent dans leurs souvenirs – soit autant de flash-back sur la vie du défunt – mais rapidement, tout part en sucette. C'est O.K. Corral autour de la dépouille. Vive les disputes et les règlements de compte. Tout ça se passe dans Ciao Ciao Bambino, la nouvelle comédie (on vous le promet, vous ne verserez pas une larme si ce n'est d'avoir trop ri) de Sébastien Ministru. À voir au Théâtre de la Toison d'Or à Ixelles depuis ce 17avril.
Sébastien Ministru, c’est bizarre, sur votre compte Twitter il est noté que pour votre come-back, vous avez décidé de créer un spectacle. Vous êtes parti un moment ?
C’est une petite blague que j’ai voulu faire là puisque j’ai été absent du journal et des antennes pendant un mois à cause d’un pépin de santé. Mais oui, vous avez raison, je n’ai jamais disparu (rires).
Vous tenez la forme maintenant?
Je suis retapé… même si le Tour de France, ça ne sera pas pour tout de suite (rires).
Votre nouveau spectacle s’intitule «Ciao Ciao Bambino». Ce titre, c’est un hommage à Dalida?
Pas du tout, c’est un hommage à ma famille. À mes origines italiennes. L’action se déroule lors d’une vieille funèbre. D’où l’utilisation du mot « Ciao ».
Pensez-vous qu’un auteur, sans avoir de sang italien dans les veines, aurait pu écrire «Ciao Ciao Bambino»?
(Il réfléchit). C’est une bonne question. Je ne sais pas. Moi, cette pièce, je l’ai écrite avec mon vécu, mon ressenti. Je pense que les Belgo-Italiens de ma génération reconnaîtront dans le spectacle 2-3 petites choses de leur histoire. Notre communauté est unie par une histoire commune, celle de l’immigration. À cette histoire se greffent des histoires individuelles qui changent de famille en famille. C’est comme si chacune avait reçu les pièces d’un même puzzle mais qu’à la fin, l’image obtenue est différente.
La Toison d’or présente ce spectacle comme un mélange de «Cendrillon, ce macho», «Adesso Tu» d’Eros Ramazzotti et «Six Feet Under». Ça mérite une petite explication…
Cendrillon, ce macho représente ce que je fais de mieux, à savoir la comédie gay. Cette pièce remporte un immense succès depuis maintenant six ans ! Pour Ramazzotti c’est simple, quand vous assistez à un mariage en Italie, l’ouverture du bal se fait forcément sur une chanson d’Eros. Et enfin Six Feet Under, c’est une série que j’adore. Elle se déroule dans un milieu particulièrement macabre, les pompes funèbres. Ceci explique cela.
Peut-on en déduire que vous êtes fan d’Eros Ramazzotti?
Pas de lui en particulier. J’adore les variétés italiennes en général. Je ne sais pas résister à leur romantisme, à leur ton désespéré aussi. Les artistes qui les interprètent semblent tous avoir mal au cœur ou au ventre ! Enfin bref, dans le spectacle, on entendra plusieurs tubes qui sentent bon l’Italie et puis, il y aura aussi Laurence Bibot qui s’essaye à l’italien avec un accent belge flamand. Je lui ai donné quelques cours de prononciation pour l’occasion (rires). Et le résultat est plutôt comique !
Alors comme ça, vous avez dû coacher les comédiens de la troupe?
Oui en quelque sorte. Pour ma part, je connais très bien les personnages de la pièce, ils existent autour de moi depuis que je suis tout petit. Par contre, ce n’était pas facile pour les autres d’entrer dans cet univers. Mais bon, il ne faut pas croire non plus que je leur aie retracé toute l’histoire de l’immigration italienne. Quoique (rires).
Vous avez assisté en personne à la première le 17avril…
Oui et ce jour-là, j’avais envie de mourir. C’est toujours un moment de trac immense. Pour ne rien arranger, le doute devient encore plus fort quand vous réussissez des choses. Prenez Cendrillon, ce macho. On en est à la 6e année de représentations. Après un tel succès, il ne faut pas décevoir le public. Mais comme on dit dans ces cas-là, Inch’Allah.
+ «Ciao Ciao Bambino », de Sébastien Ministru, avec Laurence Bibot, Antoine Guillaume…Du 17avril au 31mai au Théâtre de la Toison d'or. 02 510 05 10ou info@ttotheatre.be
Ce qu'on en a pensé
Comme Woody Allen ou les frères Coen peuvent se moquer des juifs, Sébastien Ministru pose sur la communauté italienne de Belgique un regard aussi cruel qu'attendri. Autobiographique, sa caricature de la famille italienne hennuyère (Carmelo le grand frère carreleur, Silvana la petite sœur prof de zumba) surclasse sans doute en clichés et vacheries tout ce qu'un auteur blanc-bleu-belge aurait osé.
Dans «Ciao Ciao Bambino», Ministru rend surtout hommage à la culture italo-belge, avec ses costards hérités d'Al Pacino, ses accents du pied des terrils, sa gourmandise arrosée d'huile d'olive ou sa variétoche de pizzeria. Et puis son machisme, surtout, qui sous-tend le malaise de la famille autour du catafalque de Ciccio, le petit frère homo mystérieusement décédé.
Mais le Belge ne sort pas indemne de ce pèlerinage à Trapani-sur-Sambre. Il y a Eric, truculent ouvrier du Borinage «et plus belle chose ramenée par Silvana à la maison». Il y a Nancy aussi, la belle-sœur flamande plus conne que ses escarpins, homophobe et réac, jouée par une Laurence Bibot au-dessus du lot qu'on adore particulièrement en institutrice odieusement xénophobe.
Au TTO comme dans son salon, Ministru excelle dans l'art de l'hyperbole. On doit lui reconnaître une aisance dans le gag et un talent évident pour la comédie. Le procédé du flash-back fonctionne bien, menant à autant de chutes détonantes. Même si l'explication finale semble superflue. On regrette aussi que cette architecture en saynètes oblitère parfois l'unité du propos. Et puis on s'agace çà et là d'une évidence un peu grossière, flirtant avec la vulgarité. Comme quand Carmelo et Eric, Cara Pils en main, débattent des fumets intimes du sexe opposé.
Acquis à la cause, le public s'en fout. Dès l'entame de l'heure et demie de spectacle, il rit aux pitreries des folles maniérées et des barakies arriérés que Ministru adore détester. Ou déteste adorer. Même si faire rire demeure une gageure pour celui dont on n'en attend pas moins après le triomphe de «Cendrillon, ce macho», on regrette peut-être que Sébastien Ministru, intello cynique des petits matins, ne se mette pas davantage en danger.
Julien RENSONNET