RÉTRO 2022 - Avril : Bernard Depoorter et Maryse Genet veulent sauvegarder ce métier d’art de la parure florale
La manufacture créée cette année par Bernard Depoorter et Maryse Genet a sorti dans le courant de l’été un premier prototype de parure florale. La fleur fétiche de la manufacture sera le gardénia.
Publié le 28-12-2022 à 15h53 - Mis à jour le 02-01-2023 à 08h10
Début 2022, le styliste wavrien Bernard Depoorter était aux anges depuis qu’il avait, avec sa complice, la créatrice de bijoux Maryse Genet, ramené de France 16 tonnes de formes en acier servant à réaliser des fleurs et des feuilles en tissu plus vraies que nature. Une collection phénoménale mais surtout un patrimoine industriel qui aurait pu disparaître sans l’intervention de ce duo dont l’intention est de valoriser ce trésor et de le mettre à disposition du public pour qu’il puisse l’admirer, l’étudier et pourquoi pas s’approprier ce passé artisanal et le projeter dans le futur pour qu’il perdure.
Au mois de mars, l’idée d’un parrainage sous forme de financement participatif (crowdfunding) est lancée sur les réseaux sociaux, ainsi que le projet de créer une manufacture d’art. Bernard Depoorter et Maryse Genet affichent leur volonté de "former les jeunes générations à la création de parures florales, faire naître des vocations, mais aussi innover et ouvrir une porte vers l’infini".
Faire avancer le projet

À quelques jours de la fin de l’année, Bernard Depoorter résume le travail qui a été entamé depuis janvier et l’achat de ce trésor. "Nous avons dû faire l’inventaire des 16 tonnes de matériel. Nous avons enchaîné avec des portes ouvertes, avec des visites de groupes et aussi des visitées privées avec des dîners de prestige avec Curtis Mulpas aux fourneaux et de très belles tables décorées de nos premières fleurs fabriquées à la manufacture. Nous n’avons pas arrêté et cela a permis de faire connaître le projet de la manufacture." Et de faire avancer ce projet en jouant les archéologues. "Nous disposons d’un matériel dont on ne connaît pas toujours tous les usages, les pratiques et les techniques. Il a donc fallu en parallèle se lancer dans un vrai travail d’archéologie industriel. Nous avons collaboré avec des botanistes, des historiens d’art, des archivistes. On scrute chez les antiquaires à Bruxelles, Paris et Londres et les salles de vente pour retrouver et acheter d’anciennes parures pour en recréer des prototypes."
La tâche est colossale, si pas titanesque mais très vite il a fallu se mettre au travail. "Grâce au crowdfunding, nous avons pu investir, poursuit Bernard Depoorter. Nous avons créé les premières boîtes d’emballage sous ma marque en collaboration avec une entreprise de Villers-la-Ville, Centurybox. Ce sont des boîtes de luxe car je veux que les personnes qui achètent une de nos parures la gardent précieusement dans une de ces boîtes. Ces boîtes protégeront nos fleurs qui auront bien entendu un certificat d’authenticité. Chaque fleur sera numérotée. On ne fera que des petites séries, toutes plus exclusives les unes que les autres."
Outre l’écrin de luxe, la manufacture avait aussi besoin de matières premières. "Nous avons aussi acheté des flacons de teinture, une partie des tissus que nous utilisons, en privilégiant le circuit court. Enfin, nous avons aussi lancé la construction de notre site internet. Il sera très bientôt en ligne et déclinera la manufacture sous trois angles." Un angle musée, un autre consacré à la partie commerciale du projet avec un catalogue en ligne et les premières créations mises en scène et bien évidemment la boutique en ligne. Un volet mécénat proposera des réservations de visites guidées des ateliers avec repas gastronomique.
Premier prototype, premier best-seller: le gardénia

Durant l’été un premier prototype de parure a pu être réalisé par la manufacture. Il a directement trouvé un écho favorable auprès du public venu en visite au 37 de la rue du Béguinage, à Wavre, où est installée la maison Depoorter et où est installée désormais aussi la manufacture du même nom.
"Nous cherchions un futur best-seller. Comme la maison Chanel a le camélia, nous aurons le gardénia. C’est une fleur intemporelle que les dandys et les hommes portaient à la boutonnière à la Belle Époque et qui était très appréciée par la reine Victoria. Nous avons décidé d’en produire dans toutes les couleurs et toutes les matières, tant pour homme que pour femme. Actuellement, nous avons beaucoup de demandes de la part d’une clientèle plutôt masculine. C’est vrai que c’est très masculin d’avoir une fleur aussi élégante à la boutonnière."
Et cela vaut à la manufacture Depoorter une commande étonnante. "Nous travaillons actuellement pour en produire une grande quantité pour un film en cours de tournage. Nous avons été contactés par la costumière qui a découvert notre savoir-faire dans une revue de mode alors qu’elle voyageait en TGV entre Paris et Bruxelles, confie Bernard Depoorter qui n’en dira pas plus car il est tenu au secret par la production jusqu’à la sortie du film. Travailler pour le cinéma, c’est un rêve qui se réalise. Mais nous ne nous éloignons pas de notre projet car notre idée, à Maryse et moi, est bien entendu d’enrichir notre collection et de transmettre les gestes que nous allons redécouvrir au fur et à mesure de nos recherches."
20 ans de carrière, ça vaut bien un tapis de fleurs
Maryse Genet et Bernard Depoorter n’ont pas compté leurs heures pour la manufacture. Bernard Depoorter n’a pas négligé le reste de ses activités. "Outre la production de fleurs de soie à titre d’accessoires, tant pour les particuliers que pour les maisons de haute couture, je continue dans le prêt-à-porter et la haute couture. Et tout cela m’occupe au minimum de 14 à 16 heures par jour. Je n’ai donc pas trop de temps à consacrer à préparer un nouveau défilé. En 2023, je vais avoir 20 ans de carrière. Je vais peut-être envisager une rétrospective de mes 20 ans mais pas à Paris. Ce sera à Bruxelles, car en c’est en Belgique que sont mes racines. Pourquoi pas dans un musée si j’en ai l’opportunité avec mes plus belles robes et finir sur un tapis de fleurs de la manufacture." Avec la manufacture qui porte son nom, Bernard Depoorter s’offre une solide référence en plus sur son CV. Elle pourrait séduire d’autres créateurs parisiens et d’autres grandes maisons de haute couture. "Dans ce milieu, il faut être très patient. Tout avance à petit pas", ajoute Bernard Depoorter en avouant que les rendez-vous importants notés son agenda 2023 ne manquent pas.