Typh Barrow, la puissance d’une voix singulière
Diamant brut de la scène musicale belge, Typh Barrow a grandi entre Waterloo et Bruxelles. Son premier album, très réussi, vient de sortir.
Publié le 20-01-2018 à 06h00
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Sa voix rauque, grave et soul, abîmée juste comme il faut, est un pur régal pour les oreilles.
Auteur, compositeur et pianiste extrêmement talentueuse, Typh Barrow a passé une bonne partie de sa vie rue de la Source, à Waterloo, où habitaient ses grands-parents. «Ils y ont toujours vécu. C'était un peu ma deuxième maison quand j'étais jeune, j'y ai passé beaucoup de temps, se souvient-elle. Et puis, ma maman a été prof de langues toute sa carrière au Sacré-Cœur de Waterloo.»
L'amour de la chanteuse pour les langues étrangères n'y est sans doute pas anodin, elle qui en maîtrise trois: français, anglais et espagnol. «J'ai été biberonnée à la musique anglo-saxonne. L'espagnol, ça, c'est les voyages!» Derrière son sourire et son regard bleu incandescent, quelque chose d'intimidant. «J'adore voyager, j'ai eu la chance de voir une vingtaine de pays. Je rentre justement d'une retraite de méditation au Venezuela.»
Le Conservatoire et un master
L'espace disque de la librairie Cook & Book, à Woluwe, où l'artiste et son manager nous ont fixé rendez-vous, est chaleureux: un bar, un piano et des vinyles plein les étagères. Un endroit qui lui ressemble. «J'ai été bercée aux sons des vieux disques de mon père, mélomane: Stevie Wonder, Bill Withers, Éric Clapton, Bobby McFerrin, Marvin Gaye…»
Ces monuments façonnent son oreille musicale tout au long de sa jeunesse. Elle y puise ses influences au moment d’intégrer la section jazz du Conservatoire royal de Bruxelles.
Parce qu'elle «adore vivre à 100 à l'heure», elle décide de mener de front des études de droit à Saint-Louis. «Mes parents avaient peur de me voir me lancer à corps perdu dans la musique, il fallait les rassurer.» Elle termine son cursus par un master à l'UCL, à Louvain-la-Neuve. «J'ai apprécié cette université à taille humaine où tout est piétonnier. J'ai adoré kotter à la rue des Wallons avec mes copines. J'en garde de très bons souvenirs. Je jouais un peu durant les jam-sessions du kot-à-projet le Kapodastre.»
Adolescente déjà, elle écumait les petits pianos-bars pour se confronter à son premier public. «J'avais 5 ans quand j'ai commencé le piano, 8 ans le solfège, et 12 ans quand j'ai écrit ma première chanson». Ne lui demandez pas son âge, elle n'aime pas le révéler.
La jeune femme raconte qu'elle grandit en se faisant appeler «Monsieur» au téléphone, tant sa voix est singulière. «J'ai dû l'apprivoiser et je dois prendre extrêmement soin d'elle car elle est fragile. Je mène une vie saine, je n'ai jamais fumé.» En 2013, sa voix se brise en plein concert. Ses cordes vocales endommagées par un kyste. Pour éviter l'opération, elle est contrainte au silence pendant des mois. «J'ai mis cette pause forcée à profit pour écrire et composer.»
Après la sortie de ses premiers titres, elle enchaîne deux années de concerts. En 2016 et 2017, 30 000 personnes viennent la voir. Elle chante notamment au Brussels Summer festival et aux Francofolies de Spa. 2018 est l'année de son premier album, RAW, qui est sorti ce jeudi.
Si elle ne revient pas souvent en Brabant wallon, vous croiserez peut-être Typh au Jamy'Son, bar à tapas à Waterloo où elle aime passer du temps. «C'est chez mon copain André, un vrai passionné de musique.»
Un album aux accents Motown
Typh Barrow a mis deux ans pour boucler son premier album,RAW, dont elle signe l’entièreté des textes et des musiques.«Ça a mis du temps car il y a eu énormément de concerts et le travail d’isolement en studio a été compliqué, mais je suis fière et heureuse du résultat. C’est exactement ce que je voulais en toile de fond. C’est mon premier bébé, j’avais envie que ce soit peaufiné, que cet objet dure dans le temps.»Typh Barrow y raconte, sans fard, ses obsessions, ses joies, ses fragilités, ses peurs.«J’aime raconter ce que j’observe, ce que je vis au quotidien.»
À la recherche d’un son chaleureux et organique comme celui de ses idoles, elle a pris la direction de Londres pour plonger dans un studio «très roots» comme elle dit.«Quoi de mieux que du vieux matos qui a fait les beaux jours des studios d’Abbey Road? Nous avons joué sans métronome et parfois chanté en une seule prise.»Autour d’elle, du beau monde dont le collectif anglais The Heliocentrics.«L’album a été peaufiné à Bruxelles au studio ICP, l’un des plus prestigieux du monde. Cela a amené à l’album des sonorités plus modernes. Le mix de sons anciens et modernes donne quelque chose d’assez intemporel.»
C’est là qu’elle a fixéTaboo (voir vidéo ci-dessus),hymne à la tolérance sur fond pop-ragga-reggae et le pétillant et entraînantYellow Eyesou encoreHurt, l’une de ses plus déchirantes mélodies.
Le disque a été coréalisé par Dimitri Tikovoï (Placebo, Moby).«Nous avons poussé la porte et nous avons été entendus, l’investissement en vaudra la peine sur le long terme», explique François Leboutte, le complice de la première heure de Typh Barrow. Ce disque, fruit de nombreuses autres collaborations artistiques, est un pur bijou à écouter sans modération au coin du feu.
La consécration sur YouTube
C’est lors de ses prestations dans des pianos-bars que Typh Barrow se fait rapidement remarquer par celui qui deviendra son producteur et manager: François Leboutte. En 2013, la Bruxelloise commence à faire parler d’elle sur YouTube. Ses reprises en piano-voix de tubes hip-hop des années 90 font des millions de vues. Le rappeur américain Coolio la salue même pour sa reprise deGangsta’s Paradise. C’est déjà la consécration.
L’année suivante, en 2014, elle sort deux EP: l’un avec des reprises, l’autre avec de compositions personnelles. Ses premières chansons font mouche, sa carrière est lancée. Elle part aussitôt en tournée.«C’est sur scène que j’ai tout appris, que je me suis construite.»
Elle a notamment joué à l’Inc’Rock en 2016 et au Wacolor (Wavre) en 2017.«Je suis contente d’avoir pris le temps avant de sortir mon premier album et d’avoir fait les choses dans le bon ordre. J’ai pu savourer chaque instant», conclut-elle.
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