Une poignante "Lucrèce Borgia", dans les ruines de l’abbaye de Villers
Vendredi soir, dans les ruines de Villers-la-Ville, la première de "Lucrèce Borgia" a été saluée par un tonnerre d’applaudissements. Un grand spectacle avec peu d’artifices mais beaucoup d’émotions.
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- Publié le 16-07-2023 à 19h12
- Mis à jour le 16-07-2023 à 19h13
On le sait depuis que le théâtre est né en 1987 dans ces ruines cisterciennes: la musique des textes classiques y résonne merveilleusement face aux vieilles pierres. Un écrin naturel pour les bijoux littéraires tels que ceux de Victor Hugo. C’est sur cette évidence que Patrick de Longrée, le producteur, et Emmanuel De Koninck, le metteur en scène, ont parié pour monter leur Lucrèce Borgia. Plantée dans l’ancien cloître, la vaste scène est presque nue, le décor transparent, les accessoires inexistants. Seules subsistent les voix, les mots, les personnages. Et ils sont forts, très forts.
Dans ce décor extrêmement minimaliste, une voix céleste s’élève - malheureusement amplifiée par les enceintes -, c’est celle de la soprano, Julie Prayez. Toute de blanc vêtue, d’un bout à l’autre de la pièce dans le rôle de la princesse Negroni, elle semble illustrer ce qu’il reste de pur dans la noirceur de l’âme de Lucrèce Borgia, cette redoutable femme empoisonneuse et incestueuse dont la seule faiblesse se nomme Gennaro, son fils caché.
Incarnée par Catherine Conet, Lucrèce Borgia est presque omniprésente sur scène. Un rôle immense, dans tous les sens du terme, un rôle de Femme, complexe, douloureux, plein de contradictions, que la comédienne interprète avec ses tripes de mère. Le tour de force est là. Dans son habit de maman, on a envie de lui tendre la main à cette pauvre femme déchirée par son secret et qui va devoir réclamer la tête de son propre fils. Ce dernier, le jeune Geoffrey Tiquet, démontre dans ce premier rôle à Villers, qu’il a tout d’un grand. Il peut marcher dans les traces de Denis Carpentier, un habitué du théâtre d’été, qui interprète ici Gubetta, le conseiller malfaisant de Lucrèce, qui arrache des rires à chacune de ses interventions. Véritable personnage "soupape" de la pièce, il permet de reprendre sa respiration… Car le drame est en marche. Sur les notes d’une musique originale techno très remarquée signée Gilles Masson, l’intrigue avance inexorablement. Il fait froid sur le plateau malgré les magnifiques étoffes taillées par Béa Pendesini, les compagnons de bataille de Gennaro, de fougueux jeunes comédiens (Antonin Compère, Jonas Jans, Jeremie Zagba, et Siam De Muylder) sont épatants, mais ils ne pourront empêcher les fils du destin de se nouer. Attention, personne, pas même les spectateurs, n’en sortira indemne.