Les cirques se sentent abandonnés
Basé à Perwez, le cirque Stromboli, comme d’autres, ne bénéficie d’aucune aide. Trop compliqué pour ce métier à multiples facettes.
Publié le 25-01-2021 à 11h51
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Ils ne sont pas trop nombreux. On parle de 12 cirques en Belgique, 4 en Wallonie, 8 en Flandre. Et pourtant, ils font pleinement partie de la vie de nos villes et villages. On les entend même de loin quand ils passent dans la rue. Aujourd'hui, comme d'autres, ils sont réduits au silence «mais le pire, c'est qu'on n'est invité nulle part pour évoquer nos problèmes», lâche Frédéric Dubois, du Cirque Stromboli, qu'il a créé en 2007 avec son épouse, Régine Mignon Decroix, originaire de Gembloux à quelques kilomètres de Perwez, là où leur cirque traverse l'hiver et la crise sanitaire. «On vit sur nos réserves, mais là, il va falloir qu'on reprenne. J'espère que ce sera le cas au mois d'avril. Sinon on n'aura plus rien dans les caisses.»
«La seule aide qu’on a reçue, c’est celle des amis»
En effet, les charges, elles, sont toujours bien là. Tout comme les animaux qu’il faut entretenir et nourrir, la famille qu’il faut faire vivre,
«Des aides? Non, on n’a rien demandé. C’est très compliqué car elles demandent tellement de démarches… La seule aide qu’on a reçue, c’est celle des amis et la chance qu’on a eue, c’est de pouvoir retravailler de juillet à octobre avant le reconfinement. On était à Wavre, où l’on reste habituellement un mois, quand on nous a obligés d’arrêter. Pourtant, on a mis tout ce qu’il fallait en place pour respecter un protocole très strict et tous les gens qui sont venus ont toujours dit qu’ils se sentaient en sécurité sous notre chapiteau.»
En temps normal, une petite quinzaine de personnes travaille avec le couple.
«Nous sommes des indépendants et quand on est à l’arrêt, je ne peux plus payer ceux qui travaillent avec moi…»
Comme Jos du Warichet, un jeune Perwézien, qui a aussi investi dans l'aventure Stromboli et qui a dû trouver un autre travail, en intérim: « Le statut d'artiste? Il est nul à ch…», lance-t-il.
Il n'existe pas de fédération des cirques et si en Flandre, les cirques sont soutenus par la culture – on parle de 2,5 millions d'aide pour les 8 cirques -, en Wallonie, c'est le désert. «Les cirques sont complètement abandonnés et ils le sont depuis longtemps», signale André Antoine (cdH), qui compte interpeller Willy Borsus, le ministre régional de l'Économie, ce mardi.
Les cirques traditionnels, qui proposent un spectacle vivant populaire organisé autour d'une scène circulaire ne sont pas reconnus «et comme nous n'avons pas de fédération, c'est très compliqué pour nous de nous faire entendre, précise Frédéric Dubois. J'en ai parlé avec Alexandre Bouglione qui dressait le même constat, on n'est invité nulle part, dans aucun débat.»
Néanmoins, comme d'autres qui se retrouvent dans les pires difficultés, ils en ont des choses à raconter. Ne fût-ce que pour expliquer leur statut compliqué, entre entrepreneur et artiste, entre éleveur et organisateur de spectacle. «C'est un métier de passionnés, on ne fait pas ça pour l'argent», insiste Frédéric Dubois.
«Et le plus fou, s'étonne, de son côté, le député perwézien, c'est qu'il y a des écoles reconnues qui forment des circassiens, mais par la suite, on ne leur accorde pas l'encadrement légal.»

«Mes enfants représentent la huitième génération de la famille dans le cirque», explique Frédéric Dubois dont les parents et autres aïeuls ont travaillé dans les plus grands cirques en France.
En 2017, avec sa femme, il crée sa propre infrastructure, le Cirque Stromboli, un cirque tout ce qu'il y a de plus traditionnel avec un clown, des numéros d'acrobates, des animaux… « On a un cheval, un chameau, des lamas, des canards, des lapins… Une quinzaine au total. Et même si le chameau ne sait pas faire grand-chose, c'est la mascotte du cirque.»
Frédéric et Régine, son épouse, ont cinq enfants, quatre filles et un garçon et tous participent à l’aventure.
«D’habitude, on tourne dix mois sur l’année. Sur les dernières années, on peut même dire que notre chiffre d’affaires a augmenté de 15%. Au départ, on avait un chapiteau de 200 places, on a dû investir dans un de 400 places.»
Ces dernières années, le Cirque Stromboli s’est ouvert aux nouvelles technologies avec un show laser.
« On s'adapte, sourit Frédéric. Et quand on ne tourne pas, on vient ici sur le parking de l'ancienne gare à Perwez, où l'on se sent chez nous, ou on est à Grez-Doiceau. Ici, on est super bien accueilli et tout se passe bien avec les voisins.»
Même au repos forcé, le cirque réclame beaucoup d'énergie: « Il faut s'occuper des animaux, souvent une grosse partie de la matinée, puis il faut continuer à répéter et entretenir le matériel.» Et se tenir prêt. Pour le jour où le cirque ne sera plus oublié…