Lide Space, spin-off de l’UCLouvain, propose des vols paraboliques en... planeur au profit de la recherche
Lide Space, spin-off de l’UCLouvain, recréé les conditions de l’impesanteur lors de vols en planeur. En avril prochain, des recherches en bénéficieront dont une sur l’étude des tumeurs cancéreuses dans l’espace qui devrait, par la suite, être menée à bord de la station spatiale chinoise.
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Publié le 11-03-2023 à 06h03
Quand on dit vol parabolique, ou vol zéro G, on pense souvent à un avion de ligne à moteurs de type Airbus A310. Pourtant, il est possible de recréer les conditions d’impesanteur avec un… planeur.


C’est ce que propose l’ASBL Lide Space, dont le siège social est situé à Ottignies-Louvain-la-Neuve, spin-off de l’UCLouvain. "Notre but est de développer, promouvoir, et commercialiser des vols paraboliques en planeur, résume Mohammad Iranmanesh, ingénieur en systèmes spatiaux, diplômé de l’UCLouvain et un des fondateurs de Lide Space. Les vols paraboliques, classiquement réalisés à bord d’avions de ligne spécialement aménagés, permettent aux passagers de se retrouver en impesanteur, et donc de réaliser des expériences dans les mêmes conditions qu’à bord de la station spatiale internationale, ou de tester, en environnement réel, des équipements destinés à servir dans l’espace. Réaliser de tels vols paraboliques à bord d’un planeur, ce qu’aucune autre entreprise ne fait actuellement, permettrait d’en réduire drastiquement les coûts. Nos premiers tests valident la possibilité d’utiliser un planeur pour simuler l’impesanteur, et nous cherchons actuellement à développer cette solution pour la rendre disponible au plus grand nombre."
Lors de ses vols, au départ de l’aérodrome de Saint-Hubert, dans la province du Luxembourg, Lide Space réalise une quinzaine de phases à zéro G d’une durée de 5 à 6 secondes, ce qui est moins que les 20 secondes par phase avec un avion de ligne. "Mais par rapport à nous, les vols en avion ont un coût beaucoup plus important et comportent des contraintes techniques, ce qui les rend difficilement accessibles. Nous, nous souhaitons démocratiser cette plateforme scientifique. Nous avons développé une boîte standardisée où on peut mettre les expériences et récolter des données."
L’apesanteur freine-elle le développement du cancer ?
Des laboratoires ayant moins de ressources, par exemple, pourraient en profiter. Les vols en planeur peuvent aussi attirer des scientifiques pour des tests préliminaires afin de tester et valider leur protocole de recherche en vue d’un voyage dans l’espace.
Ce sera le cas lors de la première campagne d’envergure menée par Lide Space, ce 4 avril (ou 5 avril, en fonction des conditions météorologiques). Trois vols seront organisés en partenariat avec l’UCLouvain et le Centre national de vol à voile.
L’expérience principale embarquée ce jour-là porte sur l’étude des tumeurs cancéreuses dans l’espace.

"On va soumettre des organoïdes cancéreux, soit des tissus prélevés sur des patients atteints d’un cancer, pour voir l’effet de l’impesanteur sur eux, explique le docteur Vladimir Pletser, candidat astronaute belge et ingénieur et physicien de l’UCLouvain qui fait partie de l’équipe scientifique internationale entourant cette recherche. L’objectif est d’étudier si l’absence de pesanteur peut freiner voire arrêter le développement du cancer. Mais on sait aussi que dans l’environnement spatial, on est soumis à davantage de radiations car on n’est plus protégé par le champ magnétique terrestre. Or, ces radiations ont pour effet d’accélérer la prolifération des cellules cancéreuses. Notre recherche étudiera ces deux effets contradictoires et leur combinaison. Si des expériences sur des structures cellulaires en 2D ont déjà été menées, ce sera la première fois que ce sera fait avec des organismes ayant une structure en 3D, même si on parle de petits assemblages cellulaires de quelques millimètres."
Objectif : la station spatiale chinoise
L’objectif des chercheurs, sous la conduite d’une scientifique norvégienne, la docteure Tricia Larose de l’université d’Oslo, est de réaliser l’expérience "Tumeurs cancéreuses dans l’espace" à bord de la station spatiale chinoise Tiangong en 2024 ou 2025.
Mais avant de partir dans l’espace, elle doit être minutieusement préparée. Ce qui passera notamment par les vols paraboliques en planeur en avril prochain. "À cette occasion, l’idée est de tester la manipulation, de valider le protocole de recherche. Il sera surtout question de l’aspect logistique. Et si on constate déjà une réaction, ce serait la cerise sur le gâteau. Des systèmes physiologiques réagissent très rapidement au changement de leur environnement. Le cœur, par exemple, s’adapte en une demi-seconde. Ici, on ne sait pas si 5-6 secondes, ce sera assez, mais l’objectif principal n’est pas là, comme je le disais."
Un vol suborbital est aussi au programme de cette recherche sélectionnée en 2019 par l’UNOOSA (United Nations Office for Outer Space Affairs, le Bureau des Nations Unies pour les Affaires spatiales) pour être menée dans la station spatiale chinoise dans le cadre d’un accord entre l’UNOOSA et l’Agence spatiale chinoise.
Et si un jour on soignait les cancers en orbite...
"Comprendre comment et pourquoi un cancer prolifère est fondamental car cela permet de développer ensuite de nouvelles approches curatives. Se rendre dans l’espace pour arrêter le cancer ? Dans un avenir lointain, on peut imaginer des structures orbitales ouvertes à tous et pourquoi pas des hôpitaux. Mais c’est encore de la science-fiction", sourit Vladimir Pletser.