"84 minutes d'amour avant l'apocalypse" au Vilar: Est-il vraiment impossible de parler d’amour ?
"84 minutes d’amour avant l’apocalypse", la prochaine création du Vilar, se joue du 7 au 18 mars, à Louvain-la-Neuve.
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Publié le 24-02-2023 à 14h53 - Mis à jour le 24-02-2023 à 14h54
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À l’image de certaines histoires d’amour, la pièce 84 minutes d’amour avant l’apocalypse a déjà vécu une aventure tumultueuse. Cette création, de et avec Anne-Pascale Clairembourg, Julie Duroisin et Emmanuel Dekoninck, le directeur du Vilar, devait être présentée en janvier 2021. Mais le Covid sévissant toujours, il y eut juste une représentation pour quelques professionnels tandis que la pièce était reportée à mars 2021. Las, la pandémie persévérait et la pièce fut finalement jouée trois fois au Festival de théâtre de Spa en août de cette année-là. Mais tout vient à point à qui sait attendre : 84 minutes d’amour avant l’apocalypse se jouera enfin à Louvain-la-Neuve, du 7 au 18 mars prochains avant de partir en tournée.
Et la pièce semble attendue, des représentations sont déjà complètes et d’autres sont sur le point de l’être.
"Jouer à Spa fut une très chouette expérience. Et avoir autant de temps ensuite nous a permis de faire redescendre tout ce qui est sorti de cette première expérience, d’éclaircir certains passages. C’est pas mal d’avoir eu ce recul", témoigne Emmanuel Dekoninck.
C’est l’histoire de Simon, "un handicapé de l’amour"
Celui-ci avait envie de traiter de l’amour. Pour ce faire, il s’est inspiré d’un ouvrage du philosophe belge Raoul Vaneigem, De l’amour. "Simon, le personnage, est un auteur de pièce de théâtre et un handicapé de l’amour. Il vit avec sa mère, un peu castratrice, et il écrit des polars assez glauques. Un jour, il n’en peut plus, il a besoin d’autres choses. Tombé éperdument amoureux d’une actrice, il décide d’écrire une histoire d’amour pour la faire jouer dans la pièce et ainsi vivre, par procuration et via la fiction, une expérience amoureuse", raconte Emmanuel Dekoninck.
Selon l’auteur de la pièce, celle-ci parle d’amour, de tous les amours (maternel, de couple, entre deux sœurs...), tout en disant qu’il est presque impossible d’en parler. "Pour faire une bonne histoire et que les spectateurs ne s’ennuient pas, il faut de la tension, du conflit. Parler d’amour passe dès lors souvent par l’évocation d’amours malheureux, frustrés. C’est Roméo et Juliette , de William Shakespeare. Or, vivre l’amour, c’est aussi vivre la plénitude et ça ne s’exprime pas facilement avec les mots. Un des personnages dit qu’il faudrait tout simplement se taire et en profiter. Mais l’autre lui répond qu’alors, les gens s’ennuieraient..."
Comment la fiction nous aide à vivre l’amour ?
Pour Emmanuel Dekoninck, la pièce est surtout l’occasion de "parler de la fiction que l’on se raconte sur l’amour, sur la façon dont on construit le rapport amoureux et quelles fictions peuvent nous aider à bien vivre notre propre histoire d’amour. Pour moi, l’amour est un concept puissant et en aucun cas niais ou désuet. J’aime bien aussi explorer le rapport entre la réalité et la fiction, un travail que j’ai commencé par une autre pièce, Alive . Le théâtre est parfait pour aborder cette thématique car les comédiens sont faits de chair et d’os et des émotions sont vécues sur scène tout en étant dans la fiction. Cette mise en abîme est un ressort dramatique qui fonctionne assez bien."
84 minutes d’amour avant l’apocalypse a été écrit par Emmanuel Dekoninck, le texte faisant aussi des allers-retours auprès d’Anne-Pascale Clairembourg et Julie Duroisin. "Et s’il n’y a pas de metteur en scène à proprement parler, il y a des personnes qui apportent leur regard extérieur en fonction de leur compétence spécifique. Certains sont bons directeurs d’acteurs, d’autres sont très créatifs au niveau de l’esthétique, par exemple. C’est pourquoi, j’aime travailler de cette manière. Et donc on décide collectivement de la mise en scène."
Un directeur qui se fera plus rare sur scène
Avec cette création, Emmanuel Dekoninck est donc un peu au four et au moulin. "Plutôt au jeu et à l’écriture, corrige-t-il. Pour écrire, j’ai aussi besoin d’être sur le plateau. Mais je ne cache pas que je vais beaucoup moins jouer qu’avant car je suis devenu le directeur du Vilar. Ce n’était pas encore le cas quand la pièce a été créée. Ma priorité va désormais au Vilar et le temps à consacrer à une telle institution est énorme. Il faut donc faire des choix. Je vais continuer à créer des projets, à assurer des mises en scène aussi. Par contre, je ne jouerai plus trop, même si je ne dis toutefois pas plus jamais."
Cet été, il mettra en scène Lucrèce Borgia, de Victor Hugo, dans les ruines de Villers-la-Ville. "La pièce devait se jouer en 2020, puis 2021 mais elle fut finalement reportée à cet été. Elle sera ensuite reprise au Vilar. Depuis que je suis devenu directeur du Vilar, au final, je n’ai donc pas eu le temps d’être en manque de jouer ou de créer", sourit Emmanuel Dekoninck qui souhaite que le spectateur ressorte de 84 minutes d’amour avant l’apocalypse "en ayant vécu une expérience intense et avec l’envie de partager des choses avec les autres, de parler avec ses parents et de dire aux gens qu’il les aime".
Réservations : www.levilar.be, 0800 25 325.