UCLouvain : Lichens, dites-moi si l’air est pollué
Lichens GO ! est un projet de science participative pour évaluer la qualité de l’air en milieu urbain. En Belgique, il est porté par l’UCLouvain.
Publié le 18-01-2023 à 15h32
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On n’y prête guère attention, mais, quand on y pense, on en croise tous les jours. Et si on observe bien les lichens, ces "taches" grises, vertes, jaunes ou même oranges sur les troncs d’arbre peuvent nous aider à évaluer la qualité de l’air de nos quartiers. C’est l’essence du projet de science participative Lichens GO !
Celui-ci a été lancé en France par la Sorbonne Université et le Muséum national d’Histoire naturelle à Paris avant d’être repris en Belgique dans le cadre d’un mémoire réalisé par Hugo Counoy sous la direction du professeur Yannick Agnan de la Faculté des bioingénieurs de l’UCLouvain.
Après avoir étudié la biodiversité des lichens à Louvain-la-Neuve, Hugo Counoy a entamé en octobre dernier un doctorat, toujours à l’UCLouvain, en vue d’approfondir le sujet, améliorer encore le protocole de Lichens GO ! pour limiter les erreurs d’identification par les néophytes et étendre le projet en Wallonie.
Un champignon et une algue
Mais qu’est-ce qu’un lichen ? C’est un organisme constitué d’un champignon (99%) et d’une algue (1%) vivant en symbiose. Il en existe 25 000 espèces dans le monde dont 930 recensées en Belgique. Les lichens n’ont pas de racines. Ils puisent donc tous les nutriments dont ils ont besoin dans l’air ambiant. Très exposés aux polluants, ce sont ainsi de bons bioindicateurs de la qualité de l’air.
Certaines espèces de lichen sont très sensibles à la pollution et meurent rapidement quand l’air est pollué, d’autres, au contraire, sont résistantes et quelques-unes sont même favorisées par la pollution. En observant les espèces de lichen sur les arbres, il est donc possible d’évaluer la qualité de l’air, entend-on dans une vidéo sur le projet postée par la Sorbonne Université sur YouTube.
Pour simplifier, "plus on observe une diversité de lichens dans un milieu urbain, au moins l’air est pollué, résume Hugo Counoy. Il faut aussi déterminer quelles espèces sont présentes. Si, par exemple, on ne retrouve que des lichens nitrophiles, c’est-à-dire qui apprécient l’azote, c’est le signe d’une pollution azotée (particules fines, dépôts d’ammoniaque, etc.)."
Diversité de lichens relativement importante à Louvain-la-Neuve
À Louvain-la-Neuve, les observations ont permis de voir qu’il y a "une diversité et une abondance relativement importantes de lichens malgré la faible diversité du paysage urbain. Cependant, il y a une grosse proportion de lichens nitrophiles, ce qui montre l’influence de la pollution azotée dans la ville. C’est un constat qui n’est pas propre à Louvain-la-Neuve : dans l’Union européenne, on constate que ce type de pollution (NDLR : due à certaines pratiques agricoles et au transport) prend le dessus sur la pollution acidifiante dont on parlait beaucoup dans les années 70 à cause, notamment des rejets d’oxyde de soufre. Depuis, les réglementations ont changé et des filtres limitent ce type de pollution acidifiante. Actuellement, on étudie davantage la pollution azotée. La pollution aux métaux est, elle, très peu étudiée. Une partie de mon travail va donc aussi consister à voir si certains lichens sont résistants ou sensibles à la pollution aux métaux."
Mais la qualité de l’air dans la cité universitaire est-elle bonne ? "C’est toujours la grande question. Globalement, on pourrait dire qu’elle est bonne même si on voit l’influence du trafic routier : près des routes, il y a moins de lichens observés. Par rapport à d’autres villes européennes, l’air à Louvain-la-Neuve n’est pas trop pollué même s’il faut rester prudent dans les comparaisons car il y a peu d’études menées sur le sujet et il peut être difficile de la comparer avec une ville comme Madrid, par exemple, où les conditions atmosphériques et autres ne sont pas les mêmes. C’est pourquoi notre objectif est de récolter davantage de données en Wallonie pour pouvoir comparer des choses comparables. L’idée est aussi d’inscrire le projet dans le temps pour voir l’évolution de la qualité de l’air."
Les citoyens moteurs de la recherche
C’est là que les chercheurs font appel aux citoyens pour aller observer les lichens près de chez eux et transmettre les données récoltées. C’est ce qu’on appelle la science participative. "Pour nous, c’est intéressant car cela permet d’avoir plus de données alors que les ressources de la recherche, de manière générale, ne sont pas illimitées. Les lichens sont un outil de diagnostic préliminaire et ils peuvent nous montrer où ils seraient intéressants d’installer une station de mesures pour obtenir des résultats plus fins. En outre, impliquer les citoyens permet de les sensibiliser aux problématiques de l’environnement, de la pollution atmosphérique et de ses impacts sur la biodiversité."
Ateliers de formation
Ces prochaines semaines, des ateliers permettront d’apprendre à reconnaître les lichens et à utiliser le protocole de Lichens GO ! Ils auront lieu un peu partout en Wallonie et à Bruxelles : Mons (01/02), Namur (04/02), Louvain-la-Neuve (11/02), Liège (15/02), Arlon (18/02) et Auderghem (08/03). Hugo Counoy et Yannick Agnan tiendront aussi une conférence, " La qualité de l’air, les lichens… et nous ! ", ce mardi 24 janvier à 19 h 30, à Charleroi. L’entrée aux ateliers et à la conférence est gratuite. L’inscription se fait sur le site www.sciences.be/lichens-go.
www.lichensgo.eu.