Chimamanda Ngozi Adichie, nouvelle docteur honoris causa de l’UCLouvain: «Vu l’état du monde, donnons le pouvoir aux femmes et voyons si c’est mieux»
Écrivaine et militante féministe nigériane, Chimamanda Ngozi Adichie a été faite docteur honoris causa de l’UCLouvain aux côtés de la journaliste française Florence Aubenas et du climatologue américain Michael E. Mann.
Publié le 28-04-2022 à 17h12 - Mis à jour le 28-04-2022 à 17h13
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Trois personnalités ont reçu ce jeudi 28 avril les insignes de docteur honoris causa de l’UCLouvain: l’écrivaine nigériane et militante féministe et contre le racisme Chimamanda Ngozi Adichie, la journaliste française Florence Aubenas (voir interview en page nationale 13) et le climatologue Michael E. Mann.
S’ils ne se connaissent pas, un lien les unit, souligne Vincent Blondel, le recteur de l’université: la fragilité du vrai, thème de ces docteurs honoris causa.
Arrêtons-nous un moment auprès de Chimamanda Ngozi Adichie. Elle "met en garde contre le danger et la fragilité d’une histoire unique. L’idée est qu’un récit dominant sur un pays, un peuple ou un groupe acquiert subrepticement le statut de vérité unique. Cette vérité unique est fragile car elle est terriblement réductrice. Ces récits uniques sont nourris de stéréotypes (les Africains sont pauvres) et si nous n’y prenons pas garde, ils finissent par nous mettre des œillères. C’est pour ça qu’il est important de raconter des histoires multiples, pour incarner les vérités multiples" , soutient l’université.
Chimamanda Ngozi Adichie, la fragilité du vrai, que vous inspire ce thème?
Un des gros problèmes dans le monde est la possibilité de désinformation. C’est un danger car la désinformation peut avoir un impact sur les résultats d’une élection. Elle peut changer le destin de personnes. Elle peut influer sur la manière dont nous sommes des citoyens.
Petite, quand vous écriviez, vos personnages étaient blancs, c’est vrai?
Oui, car je lisais des livres venus d’Angleterre où il n’y avait que des personnages blancs. Cela m’influençait. Or, il est important que les gens puissent se voir eux-mêmes dans les histoires qu’ils lisent. Cela nous construit. Sinon, c’est comme si on ne comptait pas. Désormais, il y a davantage de littérature africaine et elle est davantage lue par les enfants. Mais il reste du chemin à parcourir.
Qui dit université, dit étudiants et jeunesse. Quel message voulez-vous leur adresser?
On vit des temps difficiles. Il n’y a qu’à voir l’invasion de l’Ukraine par la Russie avec un risque de guerre nucléaire. Mais nous nous devons de voir comment on peut corriger le monde. Même si cela demandera sans doute plus de courage actuellement qu’avant, vu les temps troublés que nous connaissons.
Mais vous êtes optimiste ou pessimiste à propos du futur?
Optimiste, mais optimiste réaliste (rires). Je ne crois plus aux rêves d’enfant. Mais il y a des choses qui fonctionnent. Les jeunes s’impliquent davantage. Et si on élit de bons dirigeants, le monde pourra évoluer favorablement.
Vous êtes une militante féministe. Un monde meilleur passera-t-il par le féminisme?
Le monde est totalement dominé par les hommes. Le féminisme est un mouvement pour plus de justice sociale car nulle part les femmes ne sont les égales des hommes. Je ne comprends pas pourquoi, mais il y a des résistances aux changements, comme toujours vis-à-vis des mouvements qui réclament plus de justice sociale. Les gens sont conservateurs. J’ai toutefois envie de dire ceci: depuis toujours, les lois du monde dans lequel on vit ont été faites par des hommes. Et on voit le résultat. Donnons le pouvoir aux femmes et voyons si c’est mieux.