Quand des organismes marins bioluminescents se font artistes : Mu Blondeau expose ses dessins au Forum des Halles à Louvain-la-Neuve
L’artiste Mu Blondeau, doctorante à l’UCLouvain, expose ses dessins lumineux réalisés à l’aide d’organismes marins bioluminescents. À voir jusqu’au 5 mai au Forum des Halles à Louvain-la-Neuve.
Publié le 12-04-2022 à 05h01
Réaliser des dessins avec des organismes marins bioluminescents? Insensé, fou, diriez-vous. Muriel Blondeau, Mu Blondeau de son nom d’artiste, prouve le contraire avec ses créations où l’on ressent toute la poésie des abysses dans une exposition, Éclaboulinures , à découvrir jusqu’au 5 mai au Forum des Halles (à côté des guichets de la gare), à Louvain-la-Neuve.

"Je réalise un doctorat en art et sciences de l’art à l’UCLouvain. C’est un doctorat qui est très récent en Belgique. Ma thèse s’intéresse aux organismes marins bioluminescents et aux moyens de dessiner à l’air libre avec eux. Pour cela, j’ai mis au point un protocole qui fonctionne très bien pour les faire vivre sur un support choisi, du papier, du bois, du carton, du tissu , explique l’artiste de Cambron-Saint-Vincent (Hainaut). Au moment où je dessine, ces organismes sont invisibles, imperceptibles à l’œil nu. Mais après 24 à 48h, quand ils deviennent bioluminescents, leur lumière apparaît, elle se répartit sur le dessin et l’intensité lumineuse s’intensifie avant de petit à petit décliner."
Mu Blondeau, 55 ans, dit bel et bien qu’elle dessine avec ces organismes. "J’essaye d’obtenir le dessin que je souhaite mais évidemment, ils sont libres. C’est pourquoi, ils vont parfois agir à des endroits que je n’avais pas imaginés ou ils vont être très brillants là où j’aurais voulu une intensité lumineuse plus faible. Ils font donc leur vie. Au fond, je suis comme un chef d’orchestre qui donne une direction aux musiciens qui ont leur propre autonomie."

En voyant les points lumineux apparaître, un réel dessin vivant se matérialise devant les yeux de l’artiste. "Pendant le confinement, avec un accès restreint au laboratoire, j’ai exploré un aspect de mon travail qui me taraudait: comment faire en sorte que les gens retrouvent cette expérience du dessin vivant que je vis? Je souhaite qu’ils ne regardent pas juste une photo mais qu’ils vivent cette expérience."
C’est vers le théâtre d’ombres et l’art de la marionnette que s’est tournée la créatrice. Le Forum des Halles est donc plongé dans la pénombre tandis que vingt dessins sont présentés dans des triptyques découpés dans du bois, à l’image des théâtres de papier londoniens du XIXesiècle, et dont la partie centrale, avec le dessin, est lumineuse. "Quand un visiteur entrera, il aura envie d’aller vers la lumière. Face au dessin, la personne sait qu’il y a du vivant et j’espère qu’une rencontre s’opérera et qu’il y aura interaction. J’espère qu’il verra cette vie et portera un regard différent sur l’œuvre."
Les dessins sont fascinants, toujours, intrigants, souvent, intimidants, parfois. Il y a de la puissance tout autant que de la fragilité, à l’image des profondeurs océaniques.
Des créatures marines dans du formol
Les triptyques aussi valent la peine d’être regardés attentivement. Que représentent-ils? Des tentacules, des algues, des bestioles sous-marines?
Ces dernières sont en tout cas bien présentes dans des bocaux remplis de formol jouxtant les dessins. Ils ont été sortis des collections scientifiques de l’université. Et ils ne manquent pas d’intérêt non plus.

L’exposition donne ainsi envie d’explorer les fonds marins. Une passion de Mu Blondeau, plongeuse et encadrante dans une école de plongée. "Le monde marin m’a toujours intéressée. Mon travail tourne autour de l’eau, de la mer, du fantastique marin. Quand je me suis lancée dans ma thèse, je me suis demandé sur quoi j’avais envie de travailler sur le long terme. J’étais partie sur l’idée des baleines. Mais en discutant avec Jérôme Mallefet, responsable du laboratoire de biologie marine de l’UCLouvain et qui est devenu mon promoteur, il m’a dit que son labo travaillait sur la bioluminescence. C’est alors devenu une évidence pour moi que j’allais me diriger vers la bioluminescence et son côté fantastique, étrange."
L’exposition Éclaboulinures est organisée par UCLouvain Culture dans le cadre du futur anniversaire des 600 ans de l’université en 2025. L’UCLouvain souhaite valoriser son patrimoine scientifique au travers de rencontres avec des œuvres d’artistes contemporains. De là est né le projet Éléments avec des expositions liées aux quatre éléments. L’an dernier, c’était le feu, cette année l’eau. La terre et l’air suivront. Les quatre expositions seront regroupées en 2025 au Musée L.
Mais pour l’instant, c’est donc les abîmes qui vous attendent au Forum des Halles.
www.mu-blondeau.com.