«Acheter des terres devient difficile pour un agriculteur»
Joël Lambert cultive du bio sur 27 hectares à la ferme Sainte-Barbe (Orp-Jauche). Il a été soutenu par la coopérative Terre-en-Vue pour racheter 4 hectares.
Publié le 01-06-2018 à 08h39
Il y a vingt ans, après quelques années en agriculture conventionnelle, comme c’est le cas dans la majorité des exploitations de Hesbaye, Joël Lambert a fait le pari de passer à l’agriculture biologique. En famille à la ferme Sainte-Barbe, sur les hauteurs d’Orp-le-Grand, il cultive céréales, légumes et élève poulets, porcs et bovins sur 27 hectares. Ses clients font parfois 30 km, de Wavre, de Louvain, de Bruxelles ou de Hannut, pour venir goûter ses produits dans son magasin à la ferme, en circuit court.
Ses terres, Joël les soigne consciencieusement, sans utiliser d'engrais chimiques ni d'autres produits nocifs pour les sols. «On apporte au sol ce dont la plante a besoin. En agriculture conventionnelle, le sol n'est qu'un support et finit par s'appauvrir. Il faut 8 à 10 ans pour restaurer l'équilibre de la terre grâce à l'agriculture biologique.»
Récemment, le propriétaire d'une des parcelles qu'il cultive lui a annoncé qu'il comptait la revendre. Le coût: 160 000€, pour 4 hectares de terre. «Pour un petit agriculteur, acheter des terres devient impossible. Les prix sont toujours à la hausse, en biologique comme en conventionnel.»
Joël a bénéficié de l'aide de la coopérative Terre-en-Vue, créée en 2012. «Notre coopérative a été créée par des agriculteurs, des citoyens et des associations pour faciliter l'accès à la terre pour des projets d'agriculture biologique, précise Zoé Gallez. La situation est celle-ci: on a perdu 43 fermes par semaine en 30 ans en Belgique. Si on ne fait rien, dans quinze ans, il n'y aura plus qu'une seule ferme pour toute la Wallonie, aux mains de l'agro-industrie. Depuis 6 ans, 1 500 citoyens ont rassemblé un capital de près de 2 millions d'euros pour préserver 67 hectares de terres agricoles dans une dizaine d'exploitations en Wallonie. Joël a appris notre existence et nous a contactés pour mener la négociation avec le propriétaire.»
Concrètement, tout citoyen peut prendre des parts dans la coopérative. «Pour le consommateur, c'est un placement pour le futur puisque les parts peuvent être transmises de génération en génération. Ensuite, c'est aussi un geste pour l'avenir. J'ai trois enfants: je leur ai chacun pris 10 parts à 100€.»
Le bio à deux vitesses
«Le bio est-il trop cher? Ou alors le conventionnel est-il trop bon marché?» Joël Lambert est l'ambassadeur d'une agriculture biologique locale, en vente directe. «Pourquoi faire venir les produits de très loin alors qu'il y a une production locale? Nos produits ont un prix parce qu'ils représentent un certain coût. Il faut de la main-d'œuvre pour cultiver du bio. La ferme occupe deux temps plein et quatre saisonniers. Je ne cherche même pas à m'étendre davantage. Je veux garder ma surface agricole et la vente en direct. Tout le monde doit pouvoir s'y retrouver.»
C'est aussi un combat sanitaire que mène Joël Lambert. «Les œufs contaminés au fipronil, la viande Veviba, les pesticides, le consommateur veut-il continuer dans ce schéma-là? Optons plutôt pour une production de qualité, biologique et régionale.»
Joël Lambert ouvrira sa ferme le samedi 9 juin, de 10 h à 17 h, à l’occasion de la Semaine bio (voir ci-dessous).
www.fermesaintebarbe.be, www.terre-en-vue.be.
L’agriculture biologique pour mieux lutter contre les inondations?
À Orp-Jauche, on parle souvent des inondations. «C'est une cuvette parsemée de grandes parcelles. Et ne tournons pas autour du pot: l'agriculture a une part de responsabilité dans les inondations», soutient Joël Lambert.
Des actions concrètes peuvent être prises pour limiter les dégâts. «Chez nous, sur un versant à risques, nous avons divisé les parcelles. Sur 13 hectares, il y a 12 parcelles, avec une culture diversifiée. J'ai aussi replanté des haies, j'ai mis des fascines, j'ai créé un verger. L'agriculture biologique peut être une solution à long terme pour lutter contre les inondations et, surtout, pour préserver l'environnement.»
La Semaine bio, du 2 au 10 juin
Du 2 au 10 juin, avec le GAL Culturalité et l'APAQ-W, cinq fermes d'agriculture biologique de l'Est du Brabant wallon ouvrent leurs portes. Voici les fermes sélectionnées. Le programme complet est disponible sur www.semainebio.be.
- Ferme du GaSi (chaussée de Namur, 99B, à Incourt), le 2 juin de 10 h à 21 h: visites de la ferme, dégustations de produits, concert pour clôturer la journée. Infos: www.fermedugasi.be.
- Ferme de la Barrière (chaussée de Charleroi, 105, à Jodoigne), le 2 et 3 juin de 10 h à 19 h: découverte de l'atelier traiteur, qui compose des mets à base de produits de la ferme. Infos: www.fermedelabarriere.be.
- Ferme de l'Espinette (Beauvechain), le 3 juin de 11 h à 19 h: découverte de l'espace test, mise à la disposition de trois maraîchers qui développent leur activité en partenariat avec le GAL Culturalité. Il y aura aussi un atelier pain, légumineuses, des balades en calèche, un petit marché, etc.
- Conférence au siège du CRABE (rue Sergent Sortet, 23A, à Jodoigne), le 7 juin à 20 h: Kevin Morel, chercheur en agronomie, animera une conférence-débat sur le maraîchage biologique et le développement des microfermes en Wallonie. Entrée gratuite, réservations souhaitées. Infos: www.crabe.be.
- Ferme Sainte-Barbe (chavée aux Lapins, 12, à Orp-Jauche), le 9 juin de 10 h à 17 h: Terre-en-Vue vous montrera comment prendre soin de votre terre. parcours pédagogique. Visite de la ferme à 10 h 30, 13 h 30 et 15 h 30.