Le canal, tout sauf un long fleuve tranquille
L’inventaire des archives du ministère des Travaux publics des canaux Charleroi-Bruxelles et du Centre a été publié par Joffrey Liénart.
Publié le 10-01-2022 à 07h40
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Ce n'est pas l'histoire du canal Charleroi-Bruxelles et du canal du Centre qui est retracée, mais bien un inventaire. Toutes les archives qui concernent la construction et la gestion. "C'est intéressant de voir au niveau économique ce qui a été fait pour valoriser ces régions, mais c'est aussi surprenant de voir à quel point les habitants ont été impactés dans leur vie de tous les jours par l'apparition des canaux ou leurs modifications. C'est un point que je voulais mettre en avant", explique l'archiviste Joffrey Liénart, qui a publié cet ouvrage intitulé Inventaire des archives du ministère des Travaux publics. Administration des voies hydrauliques. Canaux houillers (canal de Charleroi-Bruxelles et canal du Centre et qui couvre la période 1830-1988.
On y trouve notamment des documents officiels qui témoignent des conséquences de ces projets. "L'État a procédé à de nombreuses expropriations de terrains, tout au long du parcours du canal. Les riverains ont dû céder des champs ou même déménager. Cela a nécessité beaucoup de mouvements dans les propriétés." Et notamment en Brabant wallon, dans les communes, avant la fusion, comme Ittre, Virginal, Oisquercq, Tubize et Clabecq.
Les petites entreprises ont également été touchées. "Pour alimenter le canal en eau, on a dû puiser beaucoup d'eau dans les rivières, et cela a créé des problèmes pour les moulins et industries voisines. Les papeteries notamment avaient besoin de beaucoup d'eau pour fonctionner. Ce fut pénalisant pour toutes ces entreprises."
C’est notamment le cas de la Société des Papeteries de Virginal qui fut forcée de mettre au chômage du personnel, suite à l’assèchement de la Sennette. Les Forges de Clabecq, elles, ont introduit une réclamation suite à la prise d’eau dans le même bassin, dans un litige lié à l’élargissement du canal, aux alentours des années 1880.
Les changements ont été plus nombreux que prévus, souligne également Joffrey Liénart. "Quand vous installez un canal qui passe par Ittre, vous segmentez le territoire. C'est une frontière très embêtante pour les habitants. D'autant plus que les ponts n'étaient pas toujours bien placés. Il fallait parfois faire de gros détours, simplement pour aller boire une bière au café. Les riverains se plaignaient d'ailleurs du manque de ponts et ont dû revoir la conception de leurs zones d'habitat."
Dans les archives, on trouve ainsi, par exemple, la demande d’un habitant de Virginal-Samme pour une nouvelle passerelle.
L'archiviste a été très surpris par la réaction de la population, que ce soit lors de la conception du canal, avant son ouverture de 1832, lors de son agrandissement en 1885 ou lors de sa modernisation en 1968: "On trouve un tas de requêtes d'habitants d'Oisquercq, de Tubize ou de Virginal, notamment. Ceux-ci n'étaient pas du tout passifs par rapport à la machine qu'est l'État. Les agriculteurs se coalisaient pour se plaindre, des pétitions étaient adressées. Ils étaient très actifs. C'était en fait très moderne, on croirait lire les revendications d'aujourd'hui lorsqu'un projet éolien est annoncé dans une région."