Radicalisme dans les prisons: «Il est temps de réévaluer»
Depuis la création en urgence de sections radicalisme en prison, le phénomène a évolué. La directrice de la prison de Ittre appelle à «une réévaluation du système».
Publié le 24-06-2020 à 07h44
:focal(507x357:517x347)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/36ZTHAFM2RAOTBPKTEJQU4WIWM.jpg)
Coup de projecteur dans la section Deradex de la prison de Ittre, cette aile qui accueille actuellement sept détenus connus pour leur radicalisme.
Ce mardi, Valérie Lebrun, la directrice de cet établissement pénitentiaire, était une des invitées de la commission Justice de la Chambre. Objectif de cette journée d’auditions: faire le point sur la radicalisation en prison.
Qui sont les détenus qui intègrent cette section? Il ne s’agit pas forcément de personnes condamnées pour des faits de terrorisme. C’est plutôt leur rôle «de leadership et de recruteur» qui entre en compte. «On ne vise que des détenus qui font du prosélytisme». La politique actuelle en matière de radicalisation permet de «ventiler» les détenus en les dispersant dans toute une série de prisons ou en les confinant dans deux sections Deradex: à Ittre et à Hasselt. Actuellement, ils sont 165, selon les chiffres communiqués par Rudy Van De Voorde, directeur-général des établissements pénitentiaires. Plusieurs ont pu sortir de prison mais il est fort improbable d’établir des perspectives sur le risque de récidive. «C’est trop tôt», estime Valérie Lebrun
«Le but de ce confinement, c’est de leur permettre d’être dans des sections isolées et d’avoir des activités entre eux», rappelle la directrice de la prison d’Ittre. Préau, salle de sport, pratique du culte, visites sont ainsi prévus mais en les isolant des autres détenus.
Ceux-ci sont ainsi placés en «régime particulier individuel» mais la directrice lève une question: ce régime d’exception « n’est pas prévu pour durer». L’emprisonnement doit aussi s’accompagner de perspectives pour le détenu. Et on comprend que la section Deradex offre peu d’ouvertures à ses pensionnaires. « C’est impossible de voir s’il y a une évolution dans les idées puisqu’ils sont entre eux. Maintenant, il faudrait aller plus loin pour les remettre dans le circuit normal et voir s’il y a une évolution ou pas.»
«Dans la précipitation»
La directrice voit la prison comme « un terreau au terro». Il est encore plus interpellant de l’entendre sur la pression exercée à l’ouverture de la section en mars 2016, « il fallait la remplir à tout prix».
Quitte à y intégrer des détenus qui auraient pu être récupérés, plutôt que de les jeter dans la fosse aux lions. «Dans le screening qui a été fait, des placements ont été faits avec des gens sur le fil du rasoir.»
La directrice le reconnaît: la création des sections Deradex s’est faite «dans la précipitation. Cette nécessité de protéger la population carcérale des recruteurs était imparfaite». Mais, aux questions des députés, elle refuse le constat «que rien n’a évolué».
Elle reconnaît être en attente d’une réévaluation du système. «Il faut que la direction générale des établissements pénitentiaires puisse réévaluer ses outils de travail.»