Aumônier à Ittre : « La prison, c'est ma paroisse »
Patrick Gillard, 32 ans, est dominicain et assistant social. Trois jours par semaine, il partage le quotidien des détenus de la prison d'Ittre.
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Publié le 22-12-2009 à 10h00
Si vous croisez ce garçon aux cheveux longs et à l'allure décontractée, vous ne penserez sans doute pas avoir affaire à un religieux. Patrick Gillard, 32 ans, un peu rebelle, est dominicain et assistant social. Pour arriver à son bureau, il doit franchir neuf portes verrouillées. Il est aumônier à la prison d'Ittre.
Patrick Gillard, est-ce qu'un religieux assistant social n'est pas naturellement plus enclin à aider les victimes que les criminels ?Quand je suis devenu aumônier il y a trois ans, je me suis promis de ne pas oublier les victimes. Avant d'accepter ce poste, pendant une dizaine d'années, je travaillais avec des victimes. Ça ne s'oublie pas.Combien de personnes ont recours à vos services à Ittre ?Sur les 420 détenus, j'en connais 200 par leurs noms, prénoms et histoire, et une centaine uniquement de nom. Ils sont ma paroisse, j'aime ces gens, mais attention, je ne dis pas que j'aime ce qu'ils ont fait.
On vous fait parfois des confessions insoutenables ?Je suis tenu au secret absolu, c'est plus fort que le secret professionnel. A priori, on peut tout me dire, mais juste déposer sa crasse chez moi, c'est pas une confession. Se confesser, c'est regretter sincèrement ce qu'on a fait, avoir l'intention de ne pas recommencer, et vouloir réparer. En fait, je prépare soigneusement les confessions avec eux pour éviter que ce genre de déversage arrive. J'essaie de ne pas rentrer dans le débat de ce qu'ils ont fait, sauf s'ils le veulent. Et s'ils cherchent un véritable pardon, j'essaie d'être présent dans leur recherche, avec la certitude intérieure que Dieu peut pardonner l'impardonnable.
Vous les croyez sincères ?Les détenus n'ont aucun intérêt à être bien avec moi. Je n'ai aucun pouvoir. Dans les années 80, l'aumônier rendait un avis lors de la discussion en conférence du personnel mais ce n'est plus le cas.Le règlement veut que vous ne rendiez visite qu'à ceux qui le demandent. Ça ne correspond pourtant pas à votre philosophie. Comment se déroule une journée-type ?D'abord je vais voir les entrants, parce qu'ils sont souvent perdus. Puis, je me rends au cachot voir ceux qui sont en attente d'une sanction disciplinaire ou qui font l'objet d'une mise à l'écart. Quand on est au cachot, on ne refuse pas une visite. Au contraire, souvent on l'attend. Ensuite, je vais voir les régimes cellulaires stricts, c'est-à-dire les détenus privés de préau, de télé, de sport... Ils sont très demandeurs. Et puis enfin, ceux qui ont introduit une demande.
Vous restez longtemps auprès d'eux ?Parfois juste le temps de dire « salut ! », mais si je tombe sur une personne qui est au bout du rouleau je peux rester 2 h.
Je passe aussi du temps aux étages des détenus qui travaillent. Ils y circulent plus librement. Je peux voir beaucoup de monde en très peu de temps.