Alain Devos, boulanger: « En travaillant plus la nuit, on diminue les coûts » (vidéo)
Le patron de " La Magie du pain " (Roux-Miroir) a dû adapter ses prix ces derniers mois. Tous les prix, sauf un…
Publié le 05-01-2023 à 08h43 - Mis à jour le 05-01-2023 à 10h27
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À la tête de la boulangerie La Magie du pain à Roux-Miroir, Alain Devos avait lancé un cri du cœur, au début du mois d’octobre dernier, face à l’augmentation démesurée du prix de l’énergie. "Nous sommes en effet passés finalement de 3 000 € à 9 000 € par mois, mais aux dernières nouvelles, je devrais avoir une régularisation estimée entre 50 000 € et 60 000 €, argent que je n’ai pas ! Bref, je devrai emprunter pour assumer la facture", raconte Alain Devos qui, optimiste de nature, ne veut pas verser dans le négativisme, sans pour autant occulter la réalité. Car le quotidien d’un boulanger, c’est de faire face aux multiples augmentations, même si, comme le reconnaît Alain Devos, depuis peu, il y a un léger mieux… "Nous devons en effet composer avec la farine qui est passée de 0,40 € à 1 € même si là, depuis quelques jours, le prix semble diminuer. Nos fours fonctionnent au mazout, et heureusement, le prix est également en baisse après les hausses de l’an dernier. Il y a aussi le prix du sucre. Savez-vous que je paie 1,2 € chez mon fournisseur à Tirlemont alors qu’on le trouve à 0,69 € au Colruyt…"
Face à cela, Alain Devos doit composer, sans oublier d’où il vient. "Je suis issu d’une famille d’ouvrier, la valeur des choses, je connais. Je me suis fait fort de garder le prix du carré blanc, le plus populaire des pains, même si pour les autres, j’ai dû adapter les prix. J’ai un espoir, une envie: même si on sait tous que nous ne reviendrons jamais à la situation d’avant la crise, j’aspire à pouvoir diminuer cette année le prix de nos pains ! Mon père me disait: “Quand tu n’as plus d’argent, mange des pâtes !” Mais elles aussi ont augmenté, de 80 % même, et personne ne semble l’avoir remarqué. Le pain n’a pas augmenté de la sorte alors que si on voulait répercuter nos coûts, on devrait le vendre à 5 €."
Pour survivre, Alain Devos a donc recours à de multiples astuces. "Là, on ne peut vivre qu’avec le système D. Je reste cependant positif. Honnêtement, avant, je gagnais très bien ma vie. Là, on gagne juste notre vie mais à quel prix… Je travaille plus de 15 heures par jour. Si je fais le calcul entre les heures prestées et ma rémunération, je gagne peu ! Mais je n’ai pas de souci à dire que je ne me vois pas faire autre chose que boulanger même si les bonnes années sont derrière nous !"
« Je suis heureux de vivre dans une famille investie dans mon métier »
À 55 ans, Alain Devos n’est pas encore près de prendre sa pension. "Le jour où je la prendrai, je devrai remettre mon commerce pour continuer à vivre… Mais il n’en reste pas moins que je suis heureux de vivre dans une famille investie dans mon métier. Ma fille Jade a ouvert sa propre boulangerie à Grez-Doiceau, “L’Héritage by la Magie du pain”, et c’est déjà une success story. Raphaël s’occupe de l’administratif de nos boulangeries et Diego a ouvert ses deux boulangeries, l’une à Chaumont-Gistoux et l’autre à Lasne. Enfin Maelys, 14 ans, commence à donner un coup de main dans le magasin, elle met le pied à l’étrier, comme on dit. Mais là, je me dis qu’il serait probablement mieux de lui conseiller de faire autre chose."
Quoi qu’il en soit, la vie d’Alain Devos, c’est de travailler non-stop. "Le 31 décembre, j’avoue que j’étais heureux d’aller me coucher à… 19 h. C’est qu’il fallait reprendre le 1er janvier. Être boulanger, c’est ne pas avoir d’amis avec qui passer les soirées, pas de week-end en famille, des horaires décalés, pas évident pour la vie sociale, pour permettre de faire vivre notre famille grâce à mon boulot. Avec la crise, j’ai dû renoncer à pas mal d’investissements. Ma voiture a six ans. Je ne suis pas près de la changer. Mais je fais vivre 17 familles avec la boulangerie, c’est bien ! Ils en sont tous très contents et pour moi, c’est important car c’est ma grande famille. Cela met du baume au cœur."
« Je ne suis plus que boulanger, je suis devenu un acheteur… »
Pour la suite, Alain Devos passera par des achats groupés, il a également investi dans le photovoltaïque. Et les perspectives ? "Il faut encore diminuer les frais, et les heures. On travaille sur l’anti-gaspillage et on veille à mieux acheter. Je ne suis plus que boulanger, je suis devenu un acheteur… Il me faut regarder à tout, négocier les prix, comparer les offres… Cela dénature le boulot de boulanger !"
Alain Devos a décidé également de travailler encore plus la nuit, avec son épouse, qui l’aide au quotidien. "En s’investissant encore plus la nuit, on diminue les coûts." Alain Devos emploie ainsi moins de personnel la nuit et affecte celui-ci plutôt de jour, ce qui lui coûte moins cher.
De multiples échanges ont eu lieu avec le personnel. "Mon personnel était prêt à renoncer à la prime de fin d’année ! Mais on ne peut légalement pas procéder de la sorte et puis, cette situation n’est pas de leur faute. Il y a beaucoup de solidarité dans leur chef, et c’est vraiment important. Après la pluie, le soleil viendra !"