«Ce qui m’a marqué? Les oiseaux se sont envolés»
Si l’envie de parler est réelle, si c’est vécu comme un exutoire, les villageois restent toutefois discrets par respect pour les victimes.
Publié le 27-03-2021 à 06h52
À Pécrot, les villageois qui étaient présents près des lieux de l’accident au moment des faits sont toujours marqués. L’envie de parler est là, réelle, car évoquer ce terrible drame, en parler, c’est une sorte d’exutoire. Mais une certaine forme de gêne, légitime, reste bien présente et dès lors, les villageois que nous avons interrogés préfèrent rester ici anonymes, surtout quand ils sont impliqués dans la vie du village ou qu’ils sont proches des victimes.
+ LIRE AUSSI | Pécrot, 27 mars 2001: la pire tragédie que Grez-Doiceau ait jamais connue
Ce monsieur était là, à 300 mètres à peine des lieux de l'accident. «J'étais devant chez moi, j'ai entendu un grand boum… Ce qui m'a marqué? Les oiseaux se sont envolés. J'ai vu un voisin, en vélo, se précipiter vers Florival en me criant "Je vais voir si mon fils est encore sur le quai de la gare". J'étais surpris. Quelques minutes plus tard, il est revenu, il semblait soulagé mais avait un air grave. C'est là qu'il m'a expliqué que deux trains venaient d'entrer en collision…»
Branle-bas de combat dans le village. «Deux amis, José qui habite juste à côté, et Gustave, le facteur, sont de suite intervenus. Ils ont mis leur échelle sur les wagons enchevêtrés pour aller aider les blessés.»
Inutile de décrire la scène. C’est l’horreur absolue, sans parler des cris qui glacent le village.
«Cela criait très fort… Le plus impressionnant, c’était les deux trains, l’un au-dessus de l’autre, en hauteur. Je me suis aussi précipité sur les lieux. La police puis les pompiers sont très vite intervenus, nous demandant de nous écarter. À aucun moment, en intervenant avec les échelles, les premières personnes sur place n’ont pensé au courant qui pouvait encore se trouver sur la ligne…»
«Le lendemain, on a brûlé la locomotive du carnaval»
Dans le village, on est marqué à jamais. «On venait de faire le carnaval le dimanche précédent. Toujours très festif et créatif, il y avait un char avec une locomotive et une bonne vingtaine de figurants avec des fourches pour rappeler que le premier train qui était passé au village avait été arrêté par les villageois. Avant, Pécrot n'était que prairies et tranquillité. Le lendemain de l'accident, on a brûlé la locomotive du carnaval.»
Mais comment vit-on après une telle catastrophe?
«Je n’ai plus peur à présent, mais il a fallu quelques jours, une fois que la ligne a été remise en service, pour ne plus frissonner au passage d’un train. J’ai par contre toujours une crainte en franchissant un passage à niveau.»