"Colombe", de l'auteur grézien Eric Brucher, parle d'absolu plus que d'anorexie
Une nouvelle maison d’édition re-publie «Colombe». Paru en 2011, ce roman du Grézien Éric Brucher entre en résonance avec notre vécu actuel.
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Publié le 23-01-2021 à 06h37
Paola ne mange plus et sent un oiseau palpiter en son cœur, elle aimerait seulement boire le ciel entier. Anorexie ou une tentative de rejoindre l’immense par le jeûne?
Colombe, paru en 2011, avait reçu l'année suivante le Prix Sander Pierron de l'Académie royale de Belgique et avait été finaliste du prix Horizon du 2e roman en 2014. Son questionnement n'a rien perdu de son actualité.
Éric Brucher, votre héroïne, Paola, refuse de s’alimenter, mais elle n’est pas simplement malade. Sa démarche se rapproche plus de l’idée de jeûner pour s’alléger, ne plus ressentir la pesanteur de notre monde…
Elle est une adolescente, en quête d’absolu, elle est en révolte contre la consommation, le matérialisme, le culte excessif du corps qu’on impose surtout aux femmes, et tout ce qui fait notre monde. Elle renonce à s’alimenter, sans cadre, sans support, et ça finit par se retourner contre elle. Et là, ça devient une maladie.
C’est un roman qui s’adresse aux adolescents?
Non, je ne pense pas spécialement, mais ça peut leur parler. J’enseigne le français à Wavre, et certains en rhéto l’ont lu et ont été à la fois touchés et interpellés par le personnage de Paola. Surtout les filles d’ailleurs… Il est vrai que l’adolescence est un moment où on est animé par une forme de feu, une quête d’absolu, tout est excessif, mais après, on le perd un peu, ce feu…
Sans en dire trop, il y a aussi une facette positive de la vie dans la seconde partie de son parcours…
Ce qui est présenté, c’est qu’un entourage humain, aimant et écoutant est fondamental. La jeune fille découvre un chemin pour s’élever, pour aller vers elle-même à travers une forme d’art qui est le chant. Elle se découvre aussi une famille spirituelle tout autour de cette pratique, car elle noue des liens avec le chœur des anges, qui est composé de dames âgées qui se montrent tendres avec la jeune fille. Et elle qui n’avait pas de famille, en trouve une. Pour elle, son moyen de s’envoler, c’est le chant. C’est la verticalité, une voix s’envole… Elle comble ainsi son désir de s’élever.
Votre roman avait été publié chez Luce Wilquin qui a cessé ses activités. Les Éditions du Sablon est votre nouvel éditeur et vous y êtes également directeur de collection.
Nous nous sommes réunis pour trouver une solution lorsque Luce Wilquin a arrêté. Derrière Geneviève Damas, nous sommes une quinzaine d'auteurs à avoir pris contact avec Olivier Weyrich. Il a créé cette nouvelle maison d'éditions, à Bruxelles. On ne publiera pas plus de cinq à six bouquins par an, mais on veut de la qualité. Colombe était en rupture de stock, ça tombe bien, il est réédité ici mais en format poche.
Ce roman peut facilement entrer en résonance avec les privations du confinement actuel…
Il y a un parallèle avec le fait que nos dirigeants prennent des décisions dans le but unique de préserver la vie biologique, notre corps, notre santé, et rien que cela. Mais nous sommes privés de culture, de spectacles, de relations sociales, de liens amicaux. C’est un peu court. Tout être humain aspire à plus. On a besoin de «s’envoyer en l’air», c’est-à-dire ne plus être dépendant du matériel, se débarrasser de la pesanteur, et éprouver le plaisir d’être léger.
«Colombe», d’Éric Brucher, 13€, 170p. En librairie ou sur www.weyrich-edition.bewww.ericbrucher.be