Stereo Grand: un nouveau chapitre plus ambitieux
Groupe belgo-écossais atypique et attachant, Stereo Grand sort un deuxième album aux mélodies patiemment ciselées. On les a rencontrés dans leur studio.
Publié le 17-02-2017 à 06h00
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C'est une rue étroite et tranquille, à Court-Saint Etienne. À l'arrière de la maison, le bâtiment discret ne paie pas de mine. Mais à l'intérieur… Il y a une sacrée collection de guitares de toutes les sortes accrochées aux murs de la pièce semi-circulaire. On a dans le nez l'odeur des lattes de bois posées il n'y a pas si longtemps. Au milieu, les instruments, en veille. C'est ici que Stereo Grand a composé et enregistré son deuxième album, Somewhere a Silver Bullet Lies qui sort ce vendredi.
C’est Yves Daloze, le maître des lieux qui fait la visite. Il est guitariste. À voir la collection, c’était facile à deviner. Ils sont tous là: Yves, donc, Stefan le batteur, Nicolas le bassiste, Jean-Philippe guitariste et chanteur. Deux Brabançons, et deux Bruxellois. Et Rodger, claviériste et chanteur lui aussi, qui est Écossais. S’ils sont réunis tous les cinq, c’est qu’ils doivent encore bosser un peu pour préparer la session acoustique de demain à la Fnac.
Ce lieu pourrait être un détail. Mais ça ne l'est pas tant que ça. «Pour le premier album, on était tenus par un timing de location de studio.», disent-ils. Alors qu'ici, il n'y a pas de compteur, du coup ils ont travaillé plus longtemps sur les chansons.
De la batterie à 2h du matin
Pas de compteur et pas de contrainte non plus. «Si on veut faire de la batterie à 2 h du matin, on fait de la batterie à 2 h du matin», assure Yves. C'est sûr qu'un bâtiment avec des doubles parois étudiées pour garder le son à l'intérieur, ça permet de s'exprimer: «Je me souviens d'une session sur The Leech (le cinquième morceau de l'album, NDLR), poursuit Yves, avec Jean-Philppe en train de hurler à 5 m du micro. Ça ne serait pas possible dans la maison.» Jean-Philippe intervient: «Un verre de whisky à la main!», «Rodger et moi morts pliés dans la pièce d'à côté», se rappelle Yves. L'imagerie des groupes qui jouent la nuit en buvant des bières et du whisky… «Carrément! Non, il faut couper ça, rigole Stefan. Et on mange des frites aussi.»
Ce studio rien qu'à eux a changé jusqu'à leur méthode de travail: «Pour le premier album c'était souvent Rodger qui venait avec une idée ou moi, dit Jean-Philippe. Ici on est partis d'embryons qu'on a plus développés ensemble. Avoir le studio ici, ça fait beaucoup.» Ils ont bossé sur une cinquantaine de morceaux pour n'en garder que les dix meilleurs.
Le réalisateur de Noir Desir et Alain Bashung
Un autre élément décisif, le travail de Jean Lamoot qui a réalisé l'album. Un sorcier du son qui a notamment travaillé avec Bashung et Noir Desir, pour ne citer que deux artistes d'une longue et prestigieuse liste. Après un EP et un album avec un réalisateur, ils voulaient changer de son «plus organique, plus naturel», se «mettre en danger». Et ils ont été servis: «Jean (Lamoot, NDLR) peut être assez déstabilisant dans sa manière de travailler.» Mais c'était une expérience incroyable et particulièrement enrichissante, résument-ils.

Des harmonies vocales, des guitares acoustiques et électriques, des mélodies subtiles, teintées de cordes ou de touches électroniques qui peuvent se faire berçantes, comme le joli duo de Beautiful Mind. Plus pop et dansantes comme le single Final Act. Voire franchement rock sur l'enveloppant A Sense Remains. Ou l'épique Distant Memory et ses guitares blues en toute fin.
Du crowdfunding pour financer l'album
Pour son album, le groupe a fait appel à un crowdfunding. Stereo Grand veut rester indépendant. C'était la seule solution pour proposer aussi un joli objet à l'heure où le format CD se ringardise. «On a voulu faire un objet qui sortait de l'ordinaire. Tout est pensé, on n'a pas fait ça à la légère. On est excités et fébriles à la fois parce qu'on se demande quelle va être la réaction des gens en écoutant le disque. Il ne nous appartient plus maintenant. C'est le jeu. On ne peut plus rien changer. On y a mis tout notre cœur. Et on en est fiers. Qu'il suscite des émotions positives ou négatives, ça nous va. L'indifférence est plus gênante.»

Pour les concerts grand public, il faudra attendre encore un peu: Stereo Grand a changé d’agence de booking et il faut le temps que tout ça se mette en place.
Drôle de titre
Silver bullet, littéralement, c'est une balle en argent. Mais c'est aussi une expression anglaise qui signifie «essayer de trouver la solution à un problème, explique Rodger. Mais souvent les gens réfèrent à silver bullet en parlant de quelque chose qu'on ne peut pas atteindre, qui est hors de portée.» La métaphore prend sens dans leur musique parce que disent-ils, depuis huit ans que le groupe existe: «Peu importe le but, ce qui compte, c'est le chemin pour y arriver. On va toujours un peu vers l'idéal musical, donc la solution, toujours en apprenant et en évoluant.» Et la phrase, Somewhere a Silver Bullet Lies, vient de la dernière chanson de l'album.
Des fans brésiliens
Stereo Grand a été invité par Jean Lamoot à jouer à son studio parisien, le studio Feber. Parce que le réalisateur est aussi guitariste du groupe Rivière noire, dont le chanteur Orlando Morais, est Brésilien. Le but: improviser sur les chansons de Stereo Grand. «On ne savait pas vraiment ce qu'on allait jouer, tous les sens sont en éveil, c'est une mise en danger, c'est assez grisant.» Le résultat, assez déconcertant de naturel et chanté en brésilien, a été filmé par une télé brésilienne. «C'est passé en boucle dans une émission de télé. Du coup ça a amené pas mal de nouveaux fans brésiliens, du jour au lendemain. C'était incroyable.»
A (re)voir : la session enregistrée dans nos bureaux avec Stereo Grand en 2011.
Nous avions suivi le groupe sur scène aux Francos en 2011